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14/03/2017

Vladimir Maïakovski, Lettres à Lili Brik

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J’appelle

 

Le soulevant comme un athlète,

je le portais en acrobate,

et, comme on appelle les électeurs au meeting,

comme les villages

au feu

sont appelés par le tocsin,

j’appelai :

« Le voilà !

le voilà !

Prenez-le ! »

Quand

un tel monument se mettait à hurler,

ces dames,

s’écartant de moi,

par la poussière,

par la boue,

par la neige,

filaient comme un feu d’artifice :

« Nous, c’est plutôt la petite taille,

nous, c’est plutôt le genre tango… »

Je ne puis porter,

et je porte mon fardeau.

Je veux le jeter,

et je sais,

je ne vais pas le jeter.

Les arcs des côtes vont lâcher.

Sous la pression a grincé la cage thoracique.

 

Vladimir Maïakovski, Lettres à Lili Brik (1917-1930),

traduction Andrée Robel, Gallimard, 1969, p. 95-96.

31/12/2016

Jean-Baptiste Chassignet, Le mespris de la vie et la consolation contre la mort

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                   XXXVI

 

Tu desires vieillir mais, au jour langoureux

Que tu auras attaint la vieillesse impotente,

Encore du futur la saison différente

De vivre plus long tems te rendra désireux.

 

Tu n’auras du passé qu’un regret douloureus,

De l’instable avenir qu’une ennuieuse attente

Et n’auras le présent chose qui te contente,

Autant viel et grison comme enfant mal heureus.

 

Tu fuis de mois en mois ton créancier à ferme

Et si tu ne seras prest non plus au dernier terme

De payer qu’au premier ains, comme au-paravant.

 

Tu requerras delay, mal-heureus. Hypocrite,

Quand il convient de payer il n’est que d’estre quitte,

Celuy ne meurt trop tost qui meurt en bien vivant.

 

Jean-Baptiste Chassignet, Le mespris de la vie et la consolation

contre la mort, Droz, 1967, p. 57-58.

20/01/2016

Germain Nouveau, Valentines

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                Amour

 

Je ne crains pas les coups du sort,

Je ne crains rien, ni les supplices,

Ni la dent du serpent qui mord,

Ni le poison dans les calices,

Ni les voleurs qui fuient le jour,

Ni les sbires ni leurs complices,

Si je suis avec mon Amour.

 

Je me ris du bras le plus fort,

Je me moque bien des malices,

De la haine en fleur qui se tord,

Plus caressante que les lices ;

Je pourrais faire mes délices

De la guerre au bruit du tambour,

De l’épée aux froids artifices,

Si je suis avec mon Amour.

 

Haine qui guette et chat qui dort

N’ont point pour moi de maléfices ;

Je regarde en face la mort,

Les malheurs, les maux, les sévices ;

Je braverais, étant sans vices,

Les rois, au milieu de leur cour,

Les chefs, au front de leurs milices,

Si je suis avec mon Amour.

 

                   Envoi

 

Blanche amie aux noirs cheveux lisses,

Nul dieu n’est assez puissant pour

Me dire : « Il faut que tu pâlisses »,

Si je suis avec mon Amour.

 

Germain Nouveau, Valentines, dans Lautréamont,

Germain Nouveau, Œuvres complètes, Pléiade /

Gallimard, 1970, p. 665.