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05/05/2020

Paul Celan, Grille de parole

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    Un œil ouvert

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,

audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.

 

Profondeur douloureuse de la prunelle :

la paupière

ne barre pas la route, le cil

ne compte pas ce qui entre.

 

Une larme, à demi,

lentille plus aiguë, mobile,

capte pour toi les images.

 

Paul Celan, Grille de parole, traduction

Martine Broda, 1991, p. 75.

08/10/2019

Paul Celan, Grille de parole

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       Une main

 

La table, de bois d’heures, avec

le plat de riz et le vin.

On se tait, on mange, on boit.

 

Une main, que je baisais,

fait la lumière pour les bouches.

 

Paul Celan, Grille de parol, traduction

Martine Broda, Christian Bourgois,

1991, p. 65.

19/06/2018

Paul Celan, La rose de personne

 

                         Paul Celan, La rose de personne, Kolon, langue, sens, Martine Broda

Kolon

 

Dans la lumière des vigiles

des mots aucune main

gagnée par errance

 

Mais toi, gagnée par sommeil, toujours,

vraie de langue dans chacune

des pauses ;

à quel prix

de divorcé d’ensemble

le prépares-tu pour un nouveau départ :

le lit mémoire !

 

Sens, nous gisons

blancs d’une multi-

couleur, mille-

bouches à force de

vent-du-temos, souffle-année, cœur-jamais.

 

Paul Celan, La rose de personne, traduction Martine Broda, Le Nouveau Commerce, 1979, p. 107.

 

01/03/2016

Paul Celan, Grille de parole

                       PaulCelanPicture.jpg

Avec lettre et horloge

 

De la cire

pour sceller le non-écrit

qui devina

ton nom,

qui chiffre

ton nom.

 

Viens-tu maintenant, nageante lumière ?

 

Des doigts, de cire eux aussi,

passés en d’étranges,

de douloureux anneaux.

Fondus leurs bouts.

 

Viens-tu, nageante lumière ?

 

Vides de temps les alvéoles de l’horloge,

nuptial l’essaim multiple,

prêt au voyage.

 

Viens, nageante lumière.

 

Mit Brief und Uhr

 

Wachs,

Ungeschriebnes zu siegeln,

das deinen Namen

erriet,

das deinen Namen

verschlüsselt.

 

Kommst du nun, schwimmendes Licht ?

 

Finger, wächsern auch sie,

durch fremde,

schmerzende Ringe gezogen.

Fortgeshmolzen die Kuppen.

 

Kommst du, schwimmendes Licht ?

 

Zeitleer, die Waben der Uhr,

bräutlich das Immentausend,

reisebereit.

 

Kommst, schwimmendes Licht.

Paul Celan, Grille de parole [Sprachgitter], traduit

de l’allemand par Martine Broda, Christian Bourgois,

1991, p. 19 et 18.

 

 

 

03/12/2015

Paul Celan, Enclos du temps, traduction Martine Broda

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Viens, explique le monde à ton aune,

viens, laisse-moi vous combler

de toute opinion,

je ne fais qu’un avec toi,

pour nous capturer,

même maintenant.

 

Komm, leg die Welt aus mit dir,

komm, laß mich euch zuschütten mit

allem Meinen,

Eins mit dir bin ich,

uns zu erbeuten,

auch jezt.

Paul Celan, Enclos du temps, traduit par

Martine Broda, Clivages, 1985, np.

 

 

26/10/2015

Paul Celan, Grille de parole (traduction Martine Broda)

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             Un œil ouvert

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,

audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.

 

Profondeur douloureuse de la prunelle :

la paupière

ne barre pas la route, le cil

ne compte pas ce qui entre.

 

Une larme, à demi,

lentille plus aiguë, mobile,

capte pour toi les images.

 

Paul Celan, Grille de parole, traduction

Martine Broda, 1991, p. 75.

20/07/2014

Guennadi Aïgui, Dernier ravin

 

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                                    Dernier ravin

                                       (Paul Celan)

                                                                                                                                                                                  à Martine Broda

 

Je monte ;

ainsi, en marche,

un temple

se construit.

Vent de fraternité, — et nous, en ce nuage :

moi (et un mot inconnu,

comme hors de mon esprit) et l’armoise (cette amertume inquiète

qui près de moi m’enfonce

ce mot)

armoise.

Argile,

sœur.

Et, de tous les sens, le seul étant, inutile-essentiel,

là (dans ces mottes tuées),

comme un nom inutile. Ce

mot-là me tachant, lorsque je monte

dans la très simple (comme un feu) illumination,

pour se marquer — marque dernière au lieu

de la cime ; elle —

vide (tout est déjà donné)

visage : comme un lieu sans-douleur

dans un surplomb — un au-dessus l’armoise

(…

Et

la forme

resta

inaperçue

…)

et le nuage :

plus aveugle qu’acier (une-arme-non-visage)

le fond — inerte ; la lumière

comme jaillie d’une pierre béante.

Toujours plus

haut.

 

Guennadi Aïgui, Hors-commerce Aïgui, textes réunis et traduits par André Markowicz, Le Nouveau Commerce, 1993, p. 99-100.

17/05/2013

Paul Celan, La Rose de personne [Die Niemandsrose]

Paul Celan, La Rose de personne [Die Niemandsrose], Martine Broda, amante, nom

Avec toutes les pensées je suis sorti

hors du monde : tu étais là,

toi, ma silencieuse, mon ouverte, et —

tu nous reçus.

 

Qui

dit que tout est mort pour nous

quand notre œil s'éteignit ?

Tout s'éveilla, tout commença.

 

Grand, un soleil est venu à la nage, claires,

âme et âme lui ont fait face, nettes,

impératives, elles lui ont tu

son orbe.

 

Sans peine,

ton sein s'est ouvert, paisible,

un souffle est monté dans l'éther,

et ce qui s'est nué, n'était-ce pas,

n'était-ce pas forme, et sortie de nous,

n'était-ce pas

pour ainsi dire un nom ?

 

 

Mit allen Gedanken ging ich

hinaus aus der Welt : da warst du,

du meine Leise, du meine Offne, und —

du empfingst uns.

 

Wer

sagt, dass uns alles erstarb,

da uns das Aug brach ?

Alles erwachte, alles hob an.

 

Gross kam eine Sonne geschwommen, hell

standen ihr Seele und Seele entgegen, klar,

gebieterisch schwiegen sie ihr

ihre Bahn vor

 

Leicht

tar sich dein Schoss auf, still

stieg ein Hauch in den Äther,

und was sich wölkte, wars nicht,

wars nicht Gelstalt und von uns her,

wars nicht

so gut wie ein Name ?

 

Paul Celan, La Rose de personne [Die Niemandsrose], traduction de Martine Broda, Le Nouveau Commerce, 1979 [1963], p. 31 et 30.

18/12/2011

Paul Celan, La Rose de personne, traduction Martine Broda

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... Bruit la fontaine

 

Vous couteaux aiguisés de prière,

de blasphème, de prière,

de mon

silence.

 

Vous mes paroles, qui vous estropiez

avec moi, vous

mes paroles droites.

 

Et toi :

toit, toi, toi,

de vérité chaque jour plus vraie

écorché, mon plus-tard

des roses — :

 

Combien, ô combien

du monde. De

chemins.

Aile, tu es béquille. Nous — —

 

Nous chanterons la chanson d'enfant, celle,

entends-tu, celle

avec les « hom », avec les « mes », avec les hommes, oui, celle

avec la broussaille, avec

la paire d'yeux, qui restait prête là-bas :

larme-et-

larme.

 

 

... Rauscht der Brunnen

 

Ihr gebet-, ihr lästerungs-, ihr

gebetscharfen Messer

meines

Schweigens.

 

Ihr meine mit mir ver-

Krüppelnden Worte, ihr

meine geraden.

 

Und du :

du, du, du

mein täglich wahr- und wahrer-

geschundenes Später

der Rosen — ;

 

Wievel, o wievel

Welt. Wievel

Wege.

 

Krücke du, Schwinge. Wir — —

 

Wie werden das Kinderlied singen, das,

hörst du, das

mit den Men, mit den Schen, mit den Menschen, ja das

mit dem Gestrüpp und mit

dem Augenpaar, das dort bereitlag als

Träne-und-

Träne.

 

Paul Celan, La Rose de personne (Die Niemandsrose), édition bilingue, traduction de Martine Broda, Le Nouveau Commerce, 1979, p. 61 et 60.

16/04/2011

Guennadi Aïgui, Dernier ravin

 

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                                                 Dernier ravin

                                                    (Paul Celan)

 

       

                                                                                                                               à Martine Broda

 

Je monte ;

ainsi, en marche,

un temple

se construit.

Vent de fraternité, — et nous, en ce nuage :

moi ( et un mot inconnu,

comme hors de mon esprit) et l’armoise (cette amertume inquiète

qui près de moi m’enfonce

ce mot)

armoise.

Argile,

sœur.

Et, de tous les sens, le seul étant, inutile-essentiel,

là (dans ces mottes tuées),

comme un nom inutile. Ce

mot-là me tachant, lorsque je monte

dans la très simple (comme un feu) illumination,

pour se marquer — marque dernière au lieu

de la cime ; elle —

vide (tout est déjà donné)

visage : comme un lieu sans-douleur

dans un surplomb — un au-dessus l’armoise

(…

Et

la forme

resta

inaperçue

…)

et le nuage :

plus aveugle qu’acier (une-arme-non-visage)

le fond — inerte ; la lumière

comme jaillie d’une pierre béante.

Toujours plus

haut.

 

Guennadi Aïgui, Hors-commerce Aïgui, textes réunis et traduits par André Markowicz, Le Nouveau Commerce, 1993, p. 99-100.