21/09/2013
Marie de Quatrebarbes, Transition pourrait être langue
Comme ça remue, l'herbe
les feuilles tombelottent nos archives
le grand vent tonne
apparemment
dans sa mouillure
Allons allons, comment va ta façon ?
« allégeons, allégeons »
allongez-vous près de moi
ça bouge l'herbe
Aujourd'hui : trombes noires
votre faculté à mourir, allongez-la
le vent grondelotte sous l'arbre mort
des feuilles bougent dans mon dos
ombres et jaunes.
La différence, ne la pense pas
de sorte que d'être toujours en mouvement
ne se pense pas
*
Ce savoir condamne
celui qui le destine
comme courir, tête livrée
la pluie frappe sans interruption
Dehors les interstices
trop court l'instant
ne s'entend pas
Marie de Quatrebarbes, Transition pourrait être langue,
peintures de Michel Braun, incursion de Caroline
Sagot-Duvauroux, Les Deux-Siciles, 2013, p. 34-35.
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04/09/2013
Antoine Emaz, De l'air
Rentrée (28.08.04)
la pluie grise moite orage devant
et puis plus rien comme si
ça s'effondrait dedans laissait
comme du sol nu raviné battu
peu à glaner dans cette fatigue
état sans poids attente
et la tête cherche une prise
pour la main
du sable rapporté sous les doigts
la mer maintenant son bruit
loin de ressac et d'écume
dans un entre-deux d'être
un vague
pluie sans sel
glycine dans l'eau trempée
fin de l'orage
tout s'égoutte
Antoine Emaz, De l'air, Le dé bleu,
2000, p. 48.
© photo Tristan Hordé
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25/08/2013
Jacques Roubaud, Ciel et terre et ciel et terre, et ciel, John Constable
Ciel, Terre, février 1944
Au deuxième étage de la maison, de la chambre, une fenêtre regardait vers l'extérieur. Une fenêtre et lui regardaient, de l'autre côté de la rue en pente vers la droite un espace descendant, non pavé, non goudronné, plus large que la rue, descendant vers la rue qui courait, elle, parallèlement à la fenêtre. Il regardait, et les maisons les plus proches, et l'église, tout en haut de cet Enclos, étaient loin, leurs fenêtres rares, closes : personne ne pourrait le voir regarder. Il était seul. Il pleuvait. Il regardait, et voyait l'eau ruisseler sur le sol, s'en aller dans la pente, suivre sa pente, comme toutes les eaux, comme toutes les pluies. Il voyait devant lui, sous la fenêtre une large flaque, presque une mare, entre le macadam et le trottoir.
Et dans cette flaque d'eau de pluie, que la pluie pointillait, criblait, crevait de son petit plomb de gouttes, les nuages. À genoux sur le parquet à l'odeur de cire propre, le front contre la vitre, il regardait, pendant les heures de l'après-midi oisive, dans l'eau de pluie, les nuages. Ce n'étaient plus les nuages heureux de septembre, mais des nuées rapides, fuyantes, pressées, inquiètes, que le vent poussait l'une après l'autre dans le ciel, des nuages de pluie grise d'hiver, gris. Reflétés dans la vitre de l'eau grise derrière la vitre au verre embué de la fenêtre, ils coulaient en silence dans cette eau triste, comme un torrent.
Jacques Roubaud, Ciel et terre et ciel et terre, et ciel, John Constable, Flohic éditions, 1997, p. 23 et 25.
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29/06/2013
Bashô, Le Manteau de pluie du Singe, traduction René Sieffert
ÉTÉ
Pousses de bambou
au temps de ma tendre enfance
dessinées par jeu
Dans le pot le poulpe
poursuit un songe vain
lune de l'été
Viens à la lumière
toi qui sous les vers à soie
chantes ô crapaud
Vers l'astre du jour
le tournesol toujours penche
saison des pluies
De la brosse à sourcils
elle a emprunté la forme
la fleur de carmin
Regardant les lucioles
le batelier s'est saoulé
démarche incertaine
Que bientôt mourront
ne se laisse deviner
au cri des cigales
Bashô, Le Manteau de pluie du Singe, traduit du japonais par René Sieffert, POF, 1986, p. 43, 45, 47, 51, 53, 55, 59
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25/06/2013
James Sacré, Des animaux plus ou moins familiers
Animaux
4
Quand la pluie. Naïf j'y pressens le bonheur : un pays paraît j'y entre et plus rien ne souffre : le temps devient l'herbe, des toits plus rouges (peu d'herbe : plantain maigre, renouée). Les arbres longtemps sont fans la pluie. Les arbres longtemps sont dans la pluie.
(Dans la lumière que ménage une ouverture de l'écurie (solitude et paille — midi) sous la masse confuse du taureau tout le dessin pesant fin de l'appareil génital tremble (peut-être) ou c'est le jour dans l'été ou la parole du poème : je déchargerais très longtemps tant de foutre ; je devine l'inabordable richesse de mourir.)
Quoi le bonheur ? Le matin naît dans la rencontre d'un gris (pluie, maison délabrée) et d'objets. Un encrier est immédiat — une faïence et des pommes rouges : demandent-ils un poème ? Leur présence est-elle vraie ? J'écris bien ce poème mais où pèse le temps que j'envahis ?
[...]
James Sacré, Des animaux plus ou moins familiers, André Dimanche, 1993, p. 39.
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27/03/2013
William Carlos Williams, Un Jeune Martyr
Le fermier
Le fermier absorbé dans ses pensées
marche à grands pas sous la pluie
au milieu de ses champs désolés, les
mains dans les poches,
la moisson déjà plantée
dans sa tête.
Un vent froid ridule l'eau
dans les herbes brunies.
De tous côtés
le monde s'en va roulant froidement :
vergers noirs
assombris par les nuages de mars _
laissant place à la pensée.
Par delà les taillis
hérissés près
de la voie ferrée lavée par la pluie
apparaît la silhouette artistique
du fermier — qui compose
— antagoniste
William Carlos Williams, Un Jeune Martyr, suivi de Adam
et Ève et la Cité, traduction de Thierry Gillybœuf, La Nerthe,
2009, p. 54.
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