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05/01/2022

Georges Lambrichs, Les Rapports absolus

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              L’exposition est à l’intérieur

 

   Il arrive qu’on s’éloigne de la guerre, sans avoir épuisé son enseignement, sa traversée, comme s’il restait à entrer avec moins de précision dans la confusion qui menace sa fin. Il faut, dès maintenant, nous exercer à la faier durer. L’esprit ne se connaît pas tant de façons pour se libérer, il est sûr que toute contrainte extérieure lui est une faveur. Ma is, heureusement, on n’en est pas si loin. Elle ne s’est faite qu’un peu plus sourde, à part soi, volontiers plus humaine. Nous savons, maintenant, que le reste ne vaut pas notre peine, qu’il n’y a pas en nous un élément de paix, un seul pli organique de sécurité. Rien que des replis, peut-être, interdits aux psychologies, à l’amour, à la cruauté, au pathétique, à la pauvreté.

(...)

 

Georges Lambrichs, Les Rapports absolus, Métamorphoses / Gallimard, 1949, p. 45-46.

02/01/2021

Georges Lambrichs (1917-1992), Les Rapports absolus

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                             C’est le geste qui coûte

 

Une grande froideur fait le jeu de l’histoire, notre destin s’y trouve mêlé et, hâtivement, nous adoptons par mimétisme, un souci logique, vulgaire, bien étranger à notre être qui est composé de fluides et d’humeurs. Je n’en veux, ici, ni à la morale, ni à l’immoralisme tapageur (dont on a pu voir les éclats déjà anciens, divulgués, les réussites esthétiques). Je dis seulement que l’être, notre nature, ne répondent pas à la parole, aux commandements graves, et que l’usage de la parole qui est essentiellement calculateur et médiateur ne véhicule pas la passion, mais qu’il la cogne. Si la vérité est un sens, la passion doit être mise en théorie, et le malheur est donné par surcroît.

(...)

 Georges Lambrichs, Les Rapports absolus, collection Métamorphoses, Gallimard, 1949, p. 53.

15/04/2014

Georges Lambrichs (1917-1992), Les rapports absolus

       

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                              Le mensonge à refaire

 

   Mon malaise est affichage. Comme si je ne protégeais pas mon intériorité en lui ménageant les artifices, les marches de mes actes, parfois le secret, de toute manière le mystère de ce que je suis amené à faire. Comme si mes liaisons avaient été des empêchements, des calculs, des choix, des impostures. L'amour n'est pas qu'échange, il est sacrificiel. Et puisqu'il vaut mieux que je déclare ce qui à mes yeux prendrait trop d'importance à être tu, je ne me sens actuellement aucune aptitude aux adhésions par accolement. Mon univers personnel est une opacité qui ne se partage pas, et surtout pas avec les sources de lumière et de raison qui s'écoulent chez nos femmes à l'endroit de quelque régime glandulaire. Le circuit de toute vie maritale est un luxe d'une insoutenable négligence.

   Que peut bien me faire, dés lors, celle qui, sans éclat, me regarde ? ou m'accompagne, comme on dit, dans mes pensées, dans mon avidité, dans mon pathétique ? Celle qui me demande à boire, à l'aimer, à rencontrer mes amis, à vivre nue, à partir pour la mer, à faire un feu, à l'étreindre, qui calcule mon argent, qui m'en apporte ? Celle qui me demande ce que je fais pour le savoir ? Et ce que je pense pour rien. Il faut croire, n'est-ce pas, qu'elle est vraiment ce qu'elle dit. Elle parle du sens de sa vie. Alors que le sens de la mienne, évidemment, est celui d'être coupé de ce qui me décide à inventer d'autres rapports avec le monde.

   Comme si je ne connaissais plus que la passion de trahir ce que j'ai sous la main qui me plaît, qui somnole fraîchement.

   C'est le moment de quelque grande tricherie attendue par ceux qui ne coïncident pas avec la vérité de l'histoire parce qu'ils ont trouvé le moyen de séduire.

   Il ne s'était agi pour eux, à première vue, que de se cacher.

 

Georges Lambrichs, Les rapports absolus, collection Métamorphoses, Gallimard, 1949, p. 61-63.