22/04/2020
Pontus de Tyard, Le livre des erreurs amoureuses
XXVII
Je fus contraint (grace à ma destinée)
En toy vivement trespasser,
Quand je te veis toute femme passer
En vertu haute, & douce beauté née.
Je trespassay, car mon ame estonnée
De ta grandeur, pour librement penser,
Te voulut suivre, & le mien corps laisser,
Où elle fut long temps emprisonnée.
Dont maintenant vivant sans avoir vie,
Sinon ce peu, que desireuse envie
Pour te servir ardemment m’en enflame :
Il n’est estrange (ô Dame) si ce corps
Te va suivant par tant & tant de mors,
Comme sepulchre où repose son ame.
Pontus de Tyard, Le livre des erreurs amoureuses, dans
Les œuvres poétiques de —, Galiot du pré, 1573, p. 25-26
(Gallica)
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03/11/2017
E. E. Cummings, Érotiques
Ma dame, je vais vous toucher de mon esprit
Vous toucher et toucher et toucher
jusqu’à ce que vous m’accordiez
un soudain sourire, timidement obscène
(ma dame je vais vous toucher de mon esprit.) Vous
toucher, c’est tout,
légèrement et vous deviendrez tout à fait
avec une infinie facilité
le poème que je n’écris pas.
Edgar Estlin Cummings, Érotiques, traduction Jacques
Demarcq, Seghers, 2012, p. 113.
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02/05/2016
Christian Prigent, Les Amours Chino
Après Les enfances Chino (2013), roman en prose,
une suite en vers, Les Amours Chino, est
disponible aujourd’hui en librairie.
VI Chino à sa Dame
I
(1994, autoportrait patheux)
Madame je ne vis qu’en étonnement
Furieux en ahuri primal ou congé
Nital mon œil furibond natif il s’en
Fonce et me recule assez loin enragé
Des mondes abondants posés sur le gla
Cis de flotte asphyxié gigotant pour ne pas
Couler — à ma périphérie tétanos
D’espacetemps dans la cuirasse os
Tensible des significations (acta :
Professeur en explicitation d’émoi
Abstracteur de ma quintessence extra
[Con]testeur de mes données comprenez-moi)
Christian Prigent, Les Amours Chino, P.O.L, 2016,p. 107.
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21/08/2015
Edward Estlin Cummings, Érotiques
dame est couverte
de fleurs
ses pieds sont effilés
formés chacun de cinq fleurs sa cheville
est une minuscule fleur
les genoux de ma dame sot deux fleurs
Ses cuisses sont de vastes et fermes fleurs de nuit
et exactement entre
elles endormie intensément
est
la fleur soudaine d’une totale stupéfaction
une dame couverte de fleurs
est un jardin d’ivoire.
Et la lune est un jeune homme
que je vois régulièrement autour du crépuscule
entrer dans le jardin et sourire
en lui-même.
Edward Estlin Cummings, Érotiques, traduit et
présenté par Jacques Demarcq, Seghers, 2012,
p. 75.
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08/08/2014
E. E. Cummings, font 5 (traduction Jacques Demarcq)
Cinq
I
Quand tous les chevaux blancs seront au lit
voudrez-vous, ma vraie dame, vous promener
auprès de moi si à peine un semblant de ville
dans un énorme crépuscule vacille
et toucher (alors) d’un inexprimé
geste subit légèrement mes yeux ?
Et envoyer la vie loin de moi et la nuit
absolument jusqu’au fond de moi… Un prudent
puéril mouvement de votre bras
le fera tout à coup
fera
plus que des héros magnifiques aux stridentes
armures s’entrechoquant sur de grands chevaux bleus,
et les poètes les regardaient, faisaient des vers,
pleurant les chevaliers enfuis sous l’aveuglante lumière.
E. E. Cummings, font 5, traduction et postface de Jacques Demarcq, éditions NOUS, 2011, p. 97, 18 €.
Five, I
After all white horses are in bed
Will you walking besides me,my very lady,
if scarcely the somewhat city
wiggles in considérable twilight
touch(now)with a suddenly unsaid
gesture lightly my eyes ?
And send life out of me and the night
absolutely into me…a wise
and puerile moving of your arm will
do suddenly that
will do
more than heroes beautifully in shrill
armour colliding on huge blue horses,
and the poets looked at them, and made verses,
through the sharp light cryingly as the knights flew.
e. e. Cummings, is 5, in Complete Poems 1904-1962, revised,corrected, and expanded edition containing all the published poetry, by George J. Firmage, New York, Liveright, 1991, p. 303.
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01/10/2012
Maurice Scève, Délie
L'ardent désir du haut bien désiré,
Qui aspirait à celle fin heureuse,
A de l'ardeur si grand feu attiré,
Que le corps vif est là poussière ombreuse ;
Et de ma vie, en ce point malheureuse,
Pour vouloir toute à son bien condescendre,
Et de mon être, ainsi réduit en cendre,
Ne m'est resté que ces deux signes-ci :
L'œil larmoyant pour piteuse te rendre,
La bouche ouverte à demander merci.
Sur le Printemps que les Aloses montent,
Ma Dame et moi sautons dans le bateau,
Où les pécheurs entre eux leur prise coptent,
Et une en prend, qui, sentant l'air nouveau,
Tant se débat qu'enfin se sauve en l'eau,
Dont ma Maîtresse et pleure et se tourmente.
« Cesse, lui dis-je, il faut que je lamente
L'heur du poisson que n'a su attraper,
Cat il est hors de prison véhémente,
Où de tes mains ne peux onc échapper. »
Maurice Scève, Délie, édition présentée, établie et
annotée par Françoise Charpentier, Poésie / Gallimard,1984, p. 97, 174.
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