01/10/2012
Maurice Scève, Délie
L'ardent désir du haut bien désiré,
Qui aspirait à celle fin heureuse,
A de l'ardeur si grand feu attiré,
Que le corps vif est là poussière ombreuse ;
Et de ma vie, en ce point malheureuse,
Pour vouloir toute à son bien condescendre,
Et de mon être, ainsi réduit en cendre,
Ne m'est resté que ces deux signes-ci :
L'œil larmoyant pour piteuse te rendre,
La bouche ouverte à demander merci.
Sur le Printemps que les Aloses montent,
Ma Dame et moi sautons dans le bateau,
Où les pécheurs entre eux leur prise coptent,
Et une en prend, qui, sentant l'air nouveau,
Tant se débat qu'enfin se sauve en l'eau,
Dont ma Maîtresse et pleure et se tourmente.
« Cesse, lui dis-je, il faut que je lamente
L'heur du poisson que n'a su attraper,
Cat il est hors de prison véhémente,
Où de tes mains ne peux onc échapper. »
Maurice Scève, Délie, édition présentée, établie et
annotée par Françoise Charpentier, Poésie / Gallimard,1984, p. 97, 174.
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