Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/03/2023

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

image.jpg

Tous les blés flambent

et la brève alouette

est un fragment ascendant de ce feu.

Elle ne gravit tous les paliers de l’air

que parce que le sol est trop brûlant.

 

Il est une beauté que les yeux et les mains touchent

et qui fait faire au cœur un premier degré dans le chant.

Mais l’autre et dérobe et il faut s’élever plus haut

jusqu’à ce que nous autres ne voyions plus rien,

la belle cible et le chasseur tenace

confondus dans la jubilation de la lumière.

 

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,

Gallimard, 2021, p. 30.

25/10/2021

André Frénaud, Hæres

frenaud_1945_visuel.jpg

Rumination du paysan

 

Je veux grossir pour défendre ma vie.

Contre la mort il faut prendre du poids,

il me faut boire des six litres

                                           et pisser,

pour ma santé,

pour honorer ma santé et ma vie.

 

Il me faut vivre pour accroître mon bien,

peser les bêtes, arroser les clôtures,

renforcer les semences, affûter les outils,

bourrer le temps,

 

                                     — Mais le dimanche on peut fanfaronner

avec l’alouette et la violette.

 

André Frénaud, Hæres, Gallimard, 1982, p. 105.

02/01/2020

Pierre Voélin, Douze poèmes trop courts, plus deux

 AVT_Pierre-Voelin_7850.jpg

Tu tiens ta partie — gentille alouette,

découpes d’un chant — les trilles

dans le bleu cruel le cristal

céleste.

 

Pigeon de mai — immobile

sous la pluie — le temps,

goutte à goutte,

à son bec.

 

Sycomore — les feuilles mortes,

paumes de novembre :

le froid, la terre

et sa livrée.

 

Pierre Voélin, Douze poèmes trop courts,

plus deux, dans la revue de belles-lettres,

2019, 2, p. 7.

24/01/2014

Jean-Loup Trassard, Caloge

                                   Jean-Loup Trassard, Caloge, blé, mer, oiseau, alouette

          Une semaine avec Jean-Loup Trassard

 

   Mer bientôt blonde sur ses orges, mer chevelue de seigles roux. Nous sommes là simplement pour voir. Pour marcher de façon précaire au bord d'une sphère sur son orbe. Et nous croyons que rien n'entame le regard de l'homme vers la mer.

   Marée montante du blé vert, reflux des pailles qui laissent le chaume aride. Dans l'étendue de ciel béant les oiseaux n'ont pas coutume de se percher, ils nichent sur le sol, faute de branches passent en élévation, ou chutes, leur vie criante. Alouettes que leur chant maintient hautes, qui soudain tombent en deux ou trois paliers, et devant notre étrave le vol de l'œdicnème. D'entre les vagues céréales mûrissantes sort l'appel d'une caille, nous la nommons.

   Sensible à cette respiration longue qui nous fait sur les champs monter descendre, à l'ample courbe qui jusqu'au lointain baisse relève les champs avec lenteur, nous allons sous la voile du ciel tendu, à chacun pour seule mâture sa verticalité, d'espace ivres.

 

Jean-Loup Trassard, Caloge, Le temps qu'il fait, 1991, p. 28.