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10/06/2013

Jean Follain, Paris

Jean Follain, Paris,  Squares, jardins, places, passages, nostalgie

                        Squares, jardins, places, passages

 

   Les grands parcs furent entourés de grilles en fer de lance. Les squares furent seulement ceints de basses clôtures de fer. Au centre fut parfois édifié un kiosque à musique.

   Les gens à traces se réfugient dans les squares pour continuellement ressasser le thème confus de leur vie : leurs doigts fiévreusement remuent : ils essaient de réparer le vieux manteau tissé de fils de brume et de fils d'or d'une destinée rêvée, jamais réalisée. Sous le soleil violent, alors que les enfants édifient des fortifications de sable, les arbres épanouissent leur feuillage de joie.

Des femmes tricotent, ayant posé sur leurs genoux les laines de couleur. Chaque square a ses habitués particuliers : de vieux juifs discutent au square d'Anvers, au square des Batignolles d'atrabilaires célibataires gardent toutes leurs tendresses pour les oiseaux à qui ils émiettent un peu de pain en se complaisant au murmure des petits ruisseaux artificiels.

   En automne, parfois, des hommes ramassent machinalement les feuilles mortes qu'ils broient dans leurs mains ; certains respirent d'une narine gourmande un relent de terreau, d'autres défaillent d'avoir faim sur les bancs et, dans une hallucination, sentent cette odeur de corne brûlée qui monte aux abords des maréchaleries : un souvenir d'adolescence lie cette odeur à leur fringale, car autrefois ils passaient devant le maréchal ferrant en rentrant de l'école du soir.

 

 

Jean Follain, Paris, éditions R.-A. Corréa, 1935, p. 32-34.