Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/05/2017

Antonio Rodriguez, Après l'union

                                   Antonio Rodriguez.JPG

ee rêve revient par la marche, pas à pas parmi les ronces mêlées se décompose la suite empêtrée, la tuyauterie sylvestre enfouit une trachée ouverte, parle, la terre livre un chemin de mains brunes, parle, le rythme des pieds qui fondent au sol et déambulent sur une foule, « le siècle », j’ai écrit cela dans un carnet, était-ce en piétinant un corps, une branche, me reviennent les tombes proches de la chapelle, enfants nous nous dissimulions pour ne pas être attrapés, cache-cache se finissant derrière des stèles, et toujours montait ce trouble de les piétiner, je titube à présent, subitement irrité par ces barbelés, des ronces accrochées aux mollets, pointes retirées délicatement, réitérées une à une, c’étaient des ombres

 

Antonio Rodriguez, Après l’union, Tarabuste, 2017, p. 78.

26/08/2014

Antonio Rodriguez, Pulsion fission

 

                                           imgres.jpg

                       Pulsion fission

 

tout n'est pas perdu, même si les noyaux éclatent, même si les particules se percutent, même si c'est l'âge de la fission, l'époque des amours sensibles, l'époque des amours déçues, avec des déçus qui résistent et des déçus qui s'évadent, et tous se percutent ; nous y sommes, je crois, nous comme les autres, sensibles et déçus dans cette fission, à nous percuter lentement dans l'espace restreint de notre cuisine, dans l'espace restreint de la salle de bains, avec des meubles lourds qui nous regardent, avec des objets ébahis qui nous questionnent, nous et nos meubles qui nous regardent, tandis que nous rêvons de nous assembler autrement, d'échanger encore des fluides, de suinter délicatement, sans ces meubles, sans leur regard lourd ; est-elle restée la même, merveilleuse qui s'oublie parfois, douce et bestiale ? est-elle restée la même, avec sa part de sucre entre les jambes ?

 

Antonio Rodriguez, dans L'étrangère, n° 35-36, 2014, p. 183.

30/11/2012

Max Jacob, Le Laboratoire central, Les Pénitents en maillot rose

Pour saluer la publication des Œuvres de Max Jacob en "Quarto" (Gallimard), suite

imgres-1.jpeg

                                               Max Jacob par Modigliani


      Le testament de la biche

 

Quelle forêt ! poudre de rose !

Le ciel est couleur de vin blanc.

Et sur le ciel vin blanc se pose

Chaque branche comme un cheveu.

C'est comme si'il n'y avait jamais eu de vent.

Comme si tout était parent

Fille ou neveu.

Comme si les arbres montaient à cheval frère à frère

Ainsi sur une estrade les vaches se font traire.

Et aussi comme si avec des chiffres de millions

On faisait difficilement une division

Ainsi vont les arbres feuillus, roses dans l'air.

Aubade ! aubade ! ô faon né du flanc de la mère

La bivhe est morte en te mettant sur terre

Et tes yeux, deux boules de jais, des yeux de verre

Sont moins émerveillés par la forêt en l'air

Que par la patte agonisante

Qui se pose sur un papier à lettres,

Le papier à en-tête de la maman

« Ceci ! ceci est ! ceci est mon testament. »

 

Max Jacob, Le Laboratoire central, dans Œuvres, édition établie, présentée et commentée par Antonio Rodriguez, Préface de Guy Goffette, Quarto / Gallimard, 2012, p. 608.

 

 

                                      Nocturne

 

Sifflet humide des crapauds

bruit des rames la nuit, des rames...

bruit d'un serpent dans les roseaux,

d'un rire étouffé par les mains,

bruit d'un corps lourd qui tombeà l'eau,

bruits des pas discrets de la foule,

sous les arbres un bruit de sanglots,

le bruit au loin des saltimbanques.

 

Max Jacob, Les Pénitents en maillot rose, dans Œuvres, édition établie, présentée et commentée par Antonio Rodriguez, Préface de Guy Goffette, Quarto / Gallimard, 2012, p. 679.

 

 

 

      

29/11/2012

Max Jacob, Le Cornet à dés dans Œuvres

 

Pour saluer la publication des Œuvres de Max Jacob en "Quarto" (Gallimard).

 

imgres.jpeg


                             Allusions à un apprentissage de la peinture

 

Passer des baccalauréats ! Mme S.. est devenue folle : tant de jeunes peintres dans une chambre ! Passer des baccalauréats ! où sont mes livres ? faudra-t-il repasser les deux ? alors j'ai encore perdu deux ans ! Passer des baccalauréats ! M. Matisseest mourant dans une chambre : « Enseignez donc le dessin à mon jeune frère puisqu'il veille près de vous ! »Mais non, si mes baccalauréats ne comptent pas, n'ai-je pas ma licence en droit qui les suppose ? Il y a des lits de fer dans ma chambre en désordre ! J'ai couché chez un ami, Mme S... est devenu folle. Encore faudrait-il que le diplôme de licencié ne fût pas égaré. Oh Dieu ! quelle délivrance ! j'allais perdre encore deux ans pour préparer mon baccalauréat ; car je ne suis, savez-vous, pas très fort en latin.

 

 

                         Musique mécanique dans un bistro

 

Le corbeau d'Edgar Poe a une auréole qu'il éteint parfois.

 

Le pauvre examine le manteau de saint Martin et dit : « Pas de poches ?»

 

Adam et Éve sont nés à Quimper.

 

Pourquoi cet envoi d'un melon à Adolphe : est-ce ne injure ? eh ! je ne m'appelle pas Adolphe. Pourquoi 'annoncer son suicide ? savait-elle que je l'aimais ?

 

On allait jadis rue de la Paix dans un coupé

Pour nos poupons et leurs poupées. Aujourd'hui ce sont des coupons que pour Bébé nous découpons

Quand on n'est pas trop occupé.

 

Titre d'un grand tableau dans un petit musée : « Pour féliciter les marins de leur naufrage le roi Louis XVI en uniforme descend une échelle de corde. » Don de l'État.

 

Le panier qui avait descendu saint Paul des remparts se trouva empli de fleurs miraculeuses et la corde fut traitée come celle des pendus.

 

Max Jacob, Le Cornet à dés dans Œuvres, édition établie, présentée et commentée par Antonio Rodriguez, Préface de Guy Goffete, Quarto / Gallimard, 2012, p. 422 et 432-433.