02/04/2021
Max Jacob, Le cornet à dés
Retour philosophique vers ce qui n’est plus
Après l’adolescence, on peut connaître des joies, on ne connaît plus les ivresses. Cacher les trous des chaussettes, les uns par les autres ! avoir peur de manquer le train ! avoir tout juste l’argent de son voyage et qu’au dernier moment un frère encore couché double la somme ! Peut-être est-ce que les ivresses proviennent de ce que les inquiétudes et les hésitations sont plus angoissantes quand on ignore tout. N’aurais-je pas quelque aventure amoureuse à Nantes ? qui dit « amour » dit pistolet, et je n’avais pas de pistolet. Or, ce qui me surprit le plus dans ce voyage, ce fut de me voir reconnu chez un cordonnier par une ressemblance avec une vieille parente et l’éloge que j’entendis de cette personne dont la vie me paraissait nulle. Les jeunes gens prennent tout au sérieux bien qu’ils ne sachent pas donner leur sérieux à ce qu’ils prennent. À la vérité, ils y mettent seulement des émotions disproportionnées.
Max Jacob, Le cornet à dés, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 424.
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01/04/2021
Max Jacob, Le cornet à dés
Je me déclare mondial, ovipare, girafe, altéré, sinophobe et hémisphérique. Je m’abreuve aux sources de l’atmosphère qui rit concentriquement et pète de mon inaptitude.
Un incendie est une rose ouverte sur la queue ouverte d’un paon.
Un ours qui dansait quitta la place du village et alla pisser contre un mur.
Pour se venger de l’écrivain qui leur a donné la vie, les héros qu’il a créés lui cachent son porte-plume.
Max Jacob, Le cornet à dés, dans Œuvres, 2012, p. 361, 361, 363, 365.
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31/03/2021
Max Jacob, Ballades
Photo Carl Van Vechten
Le sommeil
Au Cher Igor Markevitch
Veilleur de nuit, veilleur de nuit,
Dans les rais d’argent de la nuit.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que l’homme endormi ?
La nuit ne caresse pas. Ô prison de la nuit !
Mais la pensée est une eau froide
Qui tombe sur ton cadavre vide.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que la pensée ?
Elle féconde la misère de l’homme endormi.
Elle arrose la tête, elle l’ensemence.
Pitoyable être, je n’ai compris ton silence
Que dans le sommeil. Pas de dimanche
Pour le sommeil impitoyable de l’homme nu,
Même le songe n’est pas à lui.
Terne oreiller, ô dure terre pour mon épaule,
Songe mystère qui vient du pôle
À l’arbre qui rêve, à l’arbre qui dort,
Pareil est notre sort.
Veilleur de nuit, veilleur de nuit,
L’océan ne fait aucun bruit.
Voici la voile qui s’étale
Le bateau du lac de Stymphale.
Tamponnez le môle du sommeil
Rame nocturne, sabot, je m’éveille.
Max Jacob, Rivage (1931), dans Ballades,
Gallimard, 1970, p. 175-176.
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30/03/2021
Max Jacob, La laboratoire central
Accès de vue perspective
Vue en montagne d’une maison blanche à tourelles.
C’est la nuit ! il y a une fenêtre de lumière,
Il y a deux tourelles, deux tourterelles de tourelles
Derrière la fenêtre et dans la maison
Il y a l’amour et sa lumière de feu !
Il y a l’amour à foison, à ailes, à éloquence
Au troisième étage de la maison
Au troisième étage de la maison dans une autre chambre
Chambre sans lumière, il y a un mort
Et toute la douleur de la mort
La moisson de la douleur,
Les ailes de la douleur
L’éloquence de la douleur
Vue perspective d’une maison blanche à tourelles.
Max Jacob, Le laboratoire central, dans Œuvres, 2012, p. 565.
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29/03/2021
Max Jacob, Art poétique
Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion.
Si bien écrit, si bien écrit qu’il n’en reste plus rien.
On réussit parce qu’on est compris. De qui ?
On peut comprendre la vie à travers l’art, mais non l’art au travers de la vie.
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1554, 1555, 1556, 1559.
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28/03/2021
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Nocturne
Sifflet humide des crapauds
bruits des barques la nuit, des rames...
bruit d’un serpent dans les roseaux,
d’un rire étouffé par les mains,
bruit d’un corps lourd qui tombe dans l’eau,
bruit des pas discrets de la foule,
sous les arbres un. bruit de sanglots,
le bruit au loin des saltimbanques.
Max Jacob, Les pénitents en maillot rose, dans
Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 679.
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03/11/2020
Max Jacob, Art poétique
Suppression dans toute poésie (même non moderne) du style critique cérébral, philosophique, journalistique.
Penser à la matière de la prose, de la peinture, de la musique, c’est très bien : l’avoir er l’oublier c’est mieux.
On ne donne la vie que par l’émotion.
Vous oubliez que l’émotion est le tout. La distinction de votre tempérament vous empêchera d’être vulgaire.
Les œuvres à thèse meurent quand la thèse n’est plus d’actualité. On ne lit plus le Contrat social si on lit encore Germinal.
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1361, 1508, 1577, 1577, 1579.
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01/10/2020
Jacques Roubaud, La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains
Rue Jonas
La rue Jonas
« Personnage biblique »
Croisse la rue Samson
Au sein de laquelle un jardinet cultive
Des dahlias
(d’après Dahl, botaniste danois)
« Dahli-as, dahli-as
Que Dalila li-a »
(Max
Jacob)
Me dis-je
Passant par là
(Il y a une rue Max-Jacob près de la Poterne-de-Peupliers
Mais de la rue Dahl nulle
part)
Jacques Roubaud, La forme d’une ville change plus vite,
hélas, que le cœur des humains, Poésie/Gallimard,
1999, p. 74.
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24/06/2020
Jean-Claude Pirotte, La promenoir magique
Max Jacob il souhaitait
s’ennuyer comme la Loire
je l’ai vue couler dans l’été
depuis longtemps Max était mort
et moi j’avais envie de boire
à Saint-Benoît pour oublier
que vivre étouffe les remords
ou les attire ah je ne sais
ce qui me faisait le plus mal
l’indifférence de la Loire
ou le grande douceur du soir
ou le scandale de l’étoile
qui a mené Max à Drancy
la même étoile que les mages
suivaient avec leur caravane
et qui brille au fond des âges
et dans l’âme de Max aussi
Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique,
La table ronde, 2009, p. 289.
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20/04/2019
Max Jacob, Art poétique (1922)
Art poétique
Une bonne œuvre littéraire ne peut être que l’intelligence complète d’une idée par l’auteur. Une œuvre ne peut être que l’intelligence de quelque chose.
Qui a compris ce qu’est le vrai beau a gâté pour l’avenir toutes ses joies artistiques.
Une personnalité n’est qu’une erreur persistante.
Si bien écrit, si bien écrit qu’il n’en reste plus rien.
On réussit parce qu’on est compris. De qui ?
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, édition Antonio Rodriguez, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1347, 1348, 1349, 1355, 1356.
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21/02/2019
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Le pape au couvent
Ô moines
— du ciel
fidèles
cétoines —
idoines
au miel !
Cilice,
caprice
d’un pape
qui frappe
à l’huis
des trappes.
Bien las
peut-être
qui va
paraître
par la
fenêtre !
« Qu’un pape
s’astreigne !
qu’il ceigne
la chape !
– Mon règne
m’échappe !
disette
ici !
couette
au lit !
ne suis
qu’ascète. »
Max Jacob, Les pénitents
en maillots roses, dans Œuvres,
Quarto/Gallimard, 2012, p. 700-701.
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31/08/2018
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Sculpture, Douarnenez
Nocturne
Sifflet humide des crapauds
bruit des barques la nuit, des rames...
bruit d’un serpent dans les roseaux,
d’un rire étouffé par les mains,
bruit d’un corps lourd qui tombe à l’eau
bruit des pas discrets de la foule,
sous les arbres un bruit de sanglots,
le bruit au loin des saltimbanques.
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses (1925),
dans Ballades, Gallimard, 1970, p. 217.
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20/10/2017
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses
Hortense
Dans le buisson de mimosas
Qu’est-ce qui n’y a ? qu’est-ce qui n’y a ?
Y a le lézard qui n’osa
Mettre les yeux dans les oseilles
La fleur dite « le bouton d’or »
Et le plant nommé sensitive
Qui, prétend-on, s’ouvre à l’aurore
Et prend la forme d’une olive.
Là, y a aussi Hortense, y a
Les boules azurées du célèbre hortensia
Et la troupe argentée d’herbes folles.
Dans le buisson de mimosas
Qu’est-ce qui n’y a ? qu’est-ce qui n’y a ?
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses, dans
Œuvres, édition Antonio Rodriguez, Quarto /
Gallimard, 2012, p. 689.
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05/06/2016
Max Jacob, Le Laboratoire central
Véritable petit orchestre
(Partie descriptive)
Houlettes du Grésivaudan
Sur le sol glacé des prairies
Les souliers mordorés près des fleuves
Rochers ou les barquettes des bergers
(Partie musicale)
Saint sein ! vive le sein !
Vive le vin divin du Rhin
Où Chio ? ou Ténédo ? louez l’Ohio.
Point ! Point ! Point !
L’auto miaule, pioupiou piaule
Marabout l’allume
L’allume à la lune.
Je vais faire la niche
La niche aux péniches
Point ! Point ! Point !
Bout des coussins des marsouins.
Point ! Point ! Point !
Pape ! papal ! pape alors à l’or.
Point ! Point ! Point !
Élie ! Allah ! Alain !
Tiens ! il neige ! zut.
Le rat pose beaucoup de plumes.
(Partie philosophique)
Unanime j’aime et rode
Nature sous la neige imperturbable
L’habitude du danger rend les hommes prudents
Et le femmes téméraires.
Max Jacob, Le Laboratoire central, dans Œuvres,
édition Antonio Rodriguez, préface Guy Goffette,
Quarto/Gallimard, 2012, p. 606.
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29/11/2012
Max Jacob, Le Cornet à dés dans Œuvres
Pour saluer la publication des Œuvres de Max Jacob en "Quarto" (Gallimard).
Allusions à un apprentissage de la peinture
Passer des baccalauréats ! Mme S.. est devenue folle : tant de jeunes peintres dans une chambre ! Passer des baccalauréats ! où sont mes livres ? faudra-t-il repasser les deux ? alors j'ai encore perdu deux ans ! Passer des baccalauréats ! M. Matisseest mourant dans une chambre : « Enseignez donc le dessin à mon jeune frère puisqu'il veille près de vous ! »Mais non, si mes baccalauréats ne comptent pas, n'ai-je pas ma licence en droit qui les suppose ? Il y a des lits de fer dans ma chambre en désordre ! J'ai couché chez un ami, Mme S... est devenu folle. Encore faudrait-il que le diplôme de licencié ne fût pas égaré. Oh Dieu ! quelle délivrance ! j'allais perdre encore deux ans pour préparer mon baccalauréat ; car je ne suis, savez-vous, pas très fort en latin.
Musique mécanique dans un bistro
Le corbeau d'Edgar Poe a une auréole qu'il éteint parfois.
Le pauvre examine le manteau de saint Martin et dit : « Pas de poches ?»
Adam et Éve sont nés à Quimper.
Pourquoi cet envoi d'un melon à Adolphe : est-ce ne injure ? eh ! je ne m'appelle pas Adolphe. Pourquoi 'annoncer son suicide ? savait-elle que je l'aimais ?
On allait jadis rue de la Paix dans un coupé
Pour nos poupons et leurs poupées. Aujourd'hui ce sont des coupons que pour Bébé nous découpons
Quand on n'est pas trop occupé.
Titre d'un grand tableau dans un petit musée : « Pour féliciter les marins de leur naufrage le roi Louis XVI en uniforme descend une échelle de corde. » Don de l'État.
Le panier qui avait descendu saint Paul des remparts se trouva empli de fleurs miraculeuses et la corde fut traitée come celle des pendus.
Max Jacob, Le Cornet à dés dans Œuvres, édition établie, présentée et commentée par Antonio Rodriguez, Préface de Guy Goffete, Quarto / Gallimard, 2012, p. 422 et 432-433.
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