30/06/2022
Jacques Dupin, L'Esclandre
d’une ombre qui chavire dans la douceur
le temps n’est plus où je me souvenais du temps
des lieux mal-dits, des trahisons, des couleurs
devant le soleil nous comparaissions sans chemise
un soleil chargé de fruits, entre le dénuement
de l’idiot de l’arrière-pays et ce qui surgit
d’un œil vide — un volcan toujours,
une apostasie, loin dehors, près dedans
un printemps sans hannetons, sans fils de la Vierge
le pré jaune de la folie, la langue fendue
dans le neutre, un massacre, un sacrifice
l’homme ouvert que j’affectionne et que je dis
ses traces et lui sans fin disparaissent
Jacques Dupin, Rien encore, tout déjà, dans L’Esclandre,
introduction Dominique Viart, P.O.L, 2022, p. 112.
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29/06/2022
Pierre Chappuis, En bref, paysage
Surgissent. Ont surgi. Hêtraie une fois encore (de quel attrait donc ?), vaste, aérée.
Ont jailli, jaillissent à la verticale d’un seul et même mouvement, en foule, jeunes, élancés, sveltes et droits, fusées immobiles rivalisant de hauteur pour, au sommet, mêler leurs branches.
À tire-d’aile, cinq, six canards tracent d’un seul élan, poème, une ligne droite. Invariable, l’intervalle entre chacun d’eux. Leur vol : sûr et néanmoins comme déhanché.
Pierre Chappuis, En bref, paysage, Corti, 2021, p. 37.
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28/06/2022
Thierry Romagné, Fruits fendus
Des grappes de raisin encore
vert comme les yeux d’une rousse
de ma connaissance
ta mère, mon fils
les pommes d’api rouges
des joues d’une femme tapie des jours
dans l’instant allongée dans l’ombre
le fruit qui tombe
le taon qui gronde
parmi les oranges désirées
et les poires noires
charnues fessues
des bords de la mer Morte
Thierry Romagné, Fruits fendus, dans
Rehauts 46-47, printemps 2021, p. 23.
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27/06/2022
Robert Desnos, Contrée
Le paysage
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détours.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu du carrefour.
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit,
L’écume dans la mer, dans le ciel ce nuage,
À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds,
Je me sens me roidir avec le paysage.
Robert Desnos, Contrée, dans Domaine public, le point
du jour, Gallimard, 1953, p. 391.
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26/06/2022
Albane Prouvost, renard poirier
Comment lire le dernier livre d’Albane Prouvost, au titre aussi déconcertant que ceux des livres précédents, meurs ressuscite (P. O. L, 2015), publié quinze ans après ne tirez pas camarades (Unes, 2000) ? Les relire à la suite laisserait penser qu’ils ont été écrits l’un à la suite de l’autre. Nul besoin d’être très attentif pour repérer une forme particulière de répétition ; « le léger trouble de l’horizon / le léger trouble de l’horizon /nous posons les pieds sur une terre plate / nous posons les pieds sur une terre plate » (ne tirez pas camarades, p. 24), « cher renard au cœur de poirier / aussi cher renard au cœur de cerisier / puisque je t’autorise // « cher renard au cœur de poirier / aussi cher renard au cœur de cerisier / puisque je t’autorise » (meurs ressuscite, p. 45), « avez-vous des questions renards embrasés ? /// renards embrasés posez vos questions /// avez-vous des questions renards embrasés ? / renards embrasés posez vos questions » (renard poirier, np).
Le plaisir de relire les trois livres conduit à les rapprocher encore par la persistance des références à la littérature soviétique des riches années 1920, respectivement Maïakovski, Essenine, Chklovski (sont aussi présents Leopardi et Milosz), Khlebnikov, Mandelstam (aussi Pouchkine), Mandelstam enfin avec un vers en exergue, « le poirier a tiré sur moi ». On note enfin que quelques mots (maison, pommier, cerisier, renard, neige, etc.) sont présents dans les trois livres, comme des pierres qui s’assemblent pour construire un édifice différent chaque fois, mots « voix de la matière » pour Mandelstam ("Cahiers de Voronej"). L’écriture reprend pour les utiliser selon d’autres combinaisons des mots qui n’ont pas pour fonction de désigner — le mot n’est pas la chose — et, pour citer encore Mandelstam, « Tous les mots se valent » ("Simple promesse"), d’où dans renard poirier des propositions comme « le plus petit poirier du monde est un renard cramoisi ». Écartons le type "Un mot pour un autre", les règles de Jean Tardieu de substitution n’ont pas cours ici.
Il est d’autres liens entre les trois livres, le plus visible est la quasi absence de ponctuation : ne subsiste que le point d’interrogation et l’espacement des vers ou des groupes de vers dans la page. L’opposition de termes, comme dans « meurs ressuscite », est présente sous une autre forme à l’ouverture du dernier livre, (« renard sans renard entre dans la bonne maison ///pas un renard pas une maison »). Cependant les allusions à ce qui renvoie au monde extérieur à l’écriture sont rarissimes ; « irradié » qualifie « poiriers » et « vie » et, non intégrables dans la série « renard-maison-poirier, etc », « bénédiction » et « (fleurs) hassidiques ».
Si le lecteur relève la continuité d’écriture, c’est qu’en effet tout se passe comme s’il fallait recommencer ou poursuivre chaque fois : l’exergue (pris dans Mandelstam), à sa manière, indique la relation avec meurs ressuscite, « le poirier a tiré sur moi » — phrase déconcertante pour le lecteur qui aborde Albane Prouvost. On lit un livre inachevable, ou plutôt un livre qui à intervalles réguliers (2000, 2015, 2022) peut être recommencé avec à peu près les mêmes mots associés différemment. La structure du texte est claire : le texte n’avance pas linéairement mais, par jeu de répétitions et variations ; le premier mot se combine avec un autre mot, puis une autre est introduit, puis un autre... : "renard + maison + raison + neige + couronne + poiriers, etc". On comprend que si l’on dessinait cette structure on obtiendrait une spirale, c’est-à-dire la figure primordiale dans l’univers, de la cochlée à la coquille de l’escargot — et à la Voie Lactée.
En même temps, l’avancée par reprises et variations évoque aussi par sa structure le Boléro de Ravel où après la caisse claire vient le hautbois, le cor, la clarinette, le basson, etc. On connaît des structures analogues dans les chorégraphies de Merce Cunningham et Lucinda Childs sur la musique de Philip Glass — après une première combinaison très simple de pas, un nouveau geste, un nouveau pas, etc. Mais, hors cette similitude structurelle, la poésie d’Albane Prouvost est une œuvre littéraire — que l’on voudrait entendre lue ! — et non une partition. Sauf à voir dans toute poésie moderne un assemblage de notes. Si l’on examine dans le détail renard poirier, on prend réellement plaisir à reconstruire l’entrelacs des combinaisons, les séries fondées sur le changement de consonne (maison/raison/saison) les termes opposés (entrer/reculer), les phrases transformées qui entreraient aisément dans un manuel d’apprentissage de la langue (« le poirier demande une preuve /quelle preuve demande le poirier ? »), etc. ce qui nourrit la construction en spirale.
L’éditeur a suggéré l’absence de pagination, aussitôt acceptée par l’auteure : le livre en effet n’a pas de fin, les derniers vers suggèrent la possibilité de poursuivre l’écriture avec les mêmes éléments : « renard de toutes les barrières // entre // renard de toutes les barrières fleuries // entre // bienvenue renard fleuri ». La poésie d’Albane Prouvost paraît sans doute déroutante à certains lecteurs, elle ne l’est pas plus que celle, par exemple, de Pierre Alferi ; elle rappelle — trop fortement ? — que les mots ne sont pas les choses, que ces mots associés d’une certaine manière peuvent restituer la figure du monde vivant — autre approche de la réalité —, que la poésie n’est pas (seulement...) faite de sentiments, mais de mots.
Albane Prouvost, renard poirier, La Dogana, 2022, n.p., 25 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 23 mai 2022.
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25/06/2022
Robert Desnos, Domaine public
L’oiseau mécanique
L’oiseau tête brûlée
Qui chantait la nuit
Qui réveillait l’enfant
Qui perdait ses plumes dans l’encrier
L’oiseau pattes de sept lieuess
Qui cassait les assiettes
Qui dévastait les chapeaux
Qui revenait de Suresnes
L’oiseau l’oiseau mécanique
A perdu sa clef
Sa clef des champs
Sa clef de voûte
Voilà pourquoi il ne chante plus.
Robert Desnos, inédit, dans Domaine public,
1953, le point du jour/Gallimard, 1953, p. 359.
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24/06/2022
Robert Desnos, Les Portes battantes
Les sources de la nuit
Les sources de la nuit sont baignées de lumière
C’est un fleuve où constamment
boivent des chevaux et des juments de pierre
en hennissant.
Tant de siècles de dur labeur
aboutiront-ils enfin à la fatigue qui amollit les pierres ?
Tant de larmes, tant de sueur
justifieront-ils le sommeil sur la digue ?
Sur la digue où vient se briser
le fleuve qui va vers la nuit
où le rêve abolit la pensée.
C’est une étoile qui nous suit.
À rebrousse-poil, à rebrousse-chemin,
Étoile, suivez-nous, docile,
et venez manger dans notre main.
Maîtresse enfin de son destin
et de quatre éléments hostiles.
Robert Desnos, Les Portes battantes, dans
Domaine public, 1953, le point du jour/Gallimard,
1953, p. 307.
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23/06/2022
Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord
La plume — peut-être le meilleur instrument de maquillage que l’homme ait réussi à fabriquer.
Il y a un degré de tension dans le désespoir au-delà duquel on se sent libéré de tous les soucis qui nous ont conduit au désespoir — mais c’est un déclic qu’on ne peut pas soi-même provoquer. Nous ne connaissons pas les limites de notre résistance qui n’est jamais constante.
Le plus solide et le plus durable trait d’union entre les êtres, c’est la barrière.
Ils portent presque tous un masque, c’est vrai — mais ce qu’il y a de plus terrible, c’est que derrière ce masque, il n’y a rien.
Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord, dans Œuvres complètes, 2, Flammarion, 2010, p. 660, 661, 665, 666.
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22/06/2022
Pierre Reverdy, Flaques de verre
Remords
Je vois le petit apprenti sur l’appareil des rigoles isolées. Je tends la main aux flaques d’eau sous l’éternelle glace perpendiculaire, trouble et où s’évaporent le col, la fissure du treillage chevelu.
Parure de sel, figure de rayons, passage secret des moules de ma main sur les fleurs décapitées, à peine filtrées au réveil, des neiges perdues dans les cimetières, dans les saisons nues, dans le corps ruisselant des larmes du crime muselé. La valse amère.
Pierre Reverdy, Flaques de verre, dsans Œuvres complètes, 2, Flammarion, 2010, p. 497.
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21/06/2022
Pierre Reverdy, Bois vert
Cran d’arrêt
Je n’espère rien du néant
Je ne garde rien de la fête
et je n’oublie pas le présent
Auquel il me faut tenir tête
Décroche la lumière à fond
Sur cette poitrine rebelle
Plus dure que la pierre où s’épanche son sang
Je ne mens que d’un œil
Une trappe qui s’ouvre
Sur tous les espoirs interdits
Un recul plus farouche devant l’autre qui s’ouvre
Une gorge plus sourde
Au coude de la nuit
Et puis le temps et puis la lampe
Un pas qui compte sans retour
Dans la rue plus de vie plus d’aile
Sur la route plus d’avenir
De mon cœur jusqu’au fond du monde l’étouffante
épaisseur d’un mur.
Pierre Reverdy, Bois vert, dans Œuvres complètes, 2,
Flammarion, 2010, p. 445.
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20/06/2022
Pierre Reverdy, Pierres blanches
Mais rien
Un même pan ferme le coin
Où l’ai libre s’étend
Autour la corde glisse
Et l’eau monte
La pluie descend
Un homme tombe de fatigue
C’est le même qui tend la main
On saute le mur du jardin
Le ciel est plus bas
Le jour baisse
La route court
Et le vent cesse
On pourrait croire qu’il est arrivé quelque chose
Mais rien
Pierre Reverdy, Pierres blanches, dans
Œuvres complètes, 2, Flammarion, 2010, p. 255.
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19/06/2022
Michel Collot, Épitaphes Épiphanies : recension
Le livre s’ouvre par les « Épiphanies » et le poème inaugural oriente la lecture avec son double lien à la vie, l’enfance présente intégrée à la nature, « L’enfant parlait aux arbres ». Il participe ainsi à l’harmonie du monde : au mouvement des branches répondent des sons variés qui s’organisent en une sorte de chant, lui-même parallèle à celui des oiseaux — et cette harmonie est restituée par le poème. Cette fusion heureuse se répète dans d’autres circonstances. Les voix venant d’une maison se confondent avec les sons extérieurs, tous manifestations du vivant : chant des oiseaux, chocs issus des travaux, bruit d’un tracteur, d’un train, etc., « toutes ces notes » composent un « concert », « Les sons de la nature s’accordent à distance avec ceux du travail ». Après la plongée dans le monde, le silence du retrait est nécessaire pour « l’écoute des mots » et l’écriture de la polyphonie.
La rupture d’avec le vécu qu’exige l’écriture, le lecteur la reconnaît dans de brefs poèmes-récits. Une partie de pêche, par exemple, est interrompue par l’envol — vrai « coup de foudre » — d’un oiseau inconnu, ce qui conduit à la rêverie, puis d’un événement somme toute banal, au désir d’en conserver une trace par les mots. Dans un contexte autre, celui du conte, un scribe comprend que son immobilité use et vieillit son corps ; il abandonne son activité répétitive au service des puissants, court la campagne et devient écrivain public pour les pauvres ; lorsqu’il est seul, le soir, il trace avec son pinceau « des phrases inattendues, enchevêtrées et pourtant limpides ». Après sa mort, leur « beauté (...) s’imposa d’emblée comme une évidence » à ses fidèles, « mais on dispute encore à l’infini sur leur sens ».
Le pinceau a laissé des traces de ce que provoquent les émotions, les choses de la vie, soit rien d’immédiatement lisible ; ce qui est vécu offre seulement, comme les jardins d’Étretat évoqués ailleurs, des « jeux d’ombre et de lumière ». Rien n’est aisément déchiffrable parce que la tromperie, les jeux de masque sont toujours possibles. On le voit dans la relation d’un vernissage ; Michel Collot décrit les comportements des invités, obséquieux auprès du peintre, seulement préoccupés de leur apparence, de se mettre en avant ; il leur oppose, à l’extérieur de la galerie, la manière d’être d’une fillette qui, « Tournant le dos à l’assistance » lit et, ainsi, « découvre (...) le vrai visage de la vie », alors que ceux qui se donnent en spectacle derrière la vitre n’en présentent qu’un aspect étriqué. Seule vaut l’attention aux choses du monde, aux mots qui en proposent quelques aspects.
Michel Collot insiste sur ce que chacun, s’il ouvre yeux et oreilles, devrait voir et entendre : tout se transforme sans cesse dans ce monde, y compris les phénomènes les plus communs. Les jours de pluie les trottoirs deviennent des miroirs, les flaques reflètent le ciel et, levant la tête, on voit dans les nuages, des signes, des formes variées, des visages même. Voyons l’hiver : la neige a recouvert toutes choses et tout est nouveau, on constate que « la lumière semble émaner du sol ». Ces métamorphoses modifient le plus souvent de manière heureuse les éléments de la nature ; la vague donne un instant à la pierre « terne » l’éclat d’un joyau, les fleurs tombées de jacarandas deviennent nuages ou eau, ailleurs les couleurs azur ou mauve des fleurs « à ras de terre » donnent l’illusion que le ciel ou la mer sont venus sur le sol — « ici-bas l’au-delà ». Le torrent est un lieu privilégié de changements continuels avec ses reflets, ses remous, ses bouillonnements mais sa métamorphose, parfois, « rompant le pacte séculaire », est destructrice : le torrent se transforme en fleuve qui emporte tout, arbres et constructions humaines — comme la mort.
Quand la mort vient, c’est la totalité du monde qui se transforme et perd sa lumière. À la mort de l’aimée, la brume a dissimulé la mer et bientôt « un linceul enveloppe le ciel et la terre inertes ». Comment dire le souffle qui s’en va ? Michel Collot rappelle justement le « I can’t breathe » du Noir américain George Floyd, le genou d’un policier lui écrasant la gorge. Moment tragique de la violence ou de la maladie, quand ce qui fait vivre, le souffle, est rompu. Avec la mort disparaît le partage, le lien à l’Autre, l’aimée devient la présence absente — « je tâte le drap dans le noir pour m’assurer que tu es bien à mes côtés », écrit Michel Collot. Il ne peut y avoir de « survie » de ce « double invisible » que par les mots qui empêcheront la disparition complète. On pense aux souvenirs qui se lèvent à telle ou telle occasion : en préparant un thé à la menthe surgissent les cimes de l’Atlas, formes et couleurs. Flot d’images ; « Éblouissant, le souvenir sort de l’oubli. »
- Des textes lus dans un rêve étaient une énumération de motifs lyriques traditionnels, ils « parlaient de l’amour qui fuit, du temps qui passe, de la vie brève ». Ces thèmes correspondent à ce qui a été vécu : comment ne pas essayer de ne rien en laisser échapper jusqu’aux derniers moments et le proposer en partage ? On lit dans le livre, et pas seulement dans l’ensemble "Épitaphe" (le pluriel du titre a disparu) la tentative, sans recherche formelle complexe, de « faire bouger le sens et vibrer l’émotion dans les mots ».
Michel Collot, Épitaphes Épiphanies, Tarabuste,2022, 100 p., 14 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 16 mai 2022.
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18/06/2022
Marc Chodolenko, Bingo
- Seuls les esprits les plus grossiers et les plus subtils se suffisent de la simple juxtaposition des mots pour accompagner spontanément la fugue du sens, nous sommes obligés d’avoir souvent recours à une forme plus complexe de la métaphore ; sans être toujours conscient du risque que nous prenons, en sautant d’un genre à l’autre, d’obliger la teneur du second terme à submerger le contenu du premier lorsque, par exemple, nous mettons notre raison au contact de la lumière.
Marc Chodolenko, Bingo, P. O. L, 2022, p. 29.
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17/06/2022
Raymond Queneau, Un enfant a dit
Une main
Une main traverse la porte
mince mince à en souffrir
d’autres mains jouent aux cartes
là-bas là-bas dans les airs
d’autres encor désertent
la grand’ ennui du ciel
Raymond Queneau, Un enfant a dit,
Pléiade/Gallimard, 1989, p. 101.
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16/06/2022
Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline
C’était le lendemain
Je suis arrivé le matin c’était trop tard
il y avait de la rouille autour de l’évier
le poids du poêle pesait sur le parquet
ça des gondolait même les tuiles il était trop tard
je n’aurais pu redresser tout ça même avec
des cabestans des poulies des objets dont je ne connais
pas le mot qui les désigne et que je ne saurais utiliser
efficacement
les champignons poussaient sur la faïence de la
vaisselle
la vaisselle croupissait dans la paille des fauteuils
les fauteuils s’endormaient sur le poil des ténèbres
les ténèbres mâchaient le chouigne gueumme des morts
je suis arrivé trop tard c’était le lendemain
Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline ; Pléiade/
Gallimard, 1989, p. 281.
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