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06/01/2025

James Sacré, Âneries pour mal braire

 

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Dix Mini-métamorphoses de l'âne

 

1.

L'âne s'en va par tous les temps,

L'âne de Gabriel.

Il pleut il y a de la tourmente

Et il grêle, on voit

Du soleil aussi des fleurs, toutes les pierres

Sont à la fois dans l'herbe et dans la pluie couleurs

L'âne s'en va

Par tous les temps mêlés, ses malheurs mêlés

À son bonheur.

 

2.

Tamara l'a dessiné rempli de couleurs

Comme un tigre clown ! le soleil

En boule de papier mâché

Va lui tomber sur la tête ! on le retrouve roulé

Parmi les cailloux chamboulés

 

3.

Celui de Carmen est pointu

Et plein de pattes, en veux-tu

T'en voilà... comment le faire entrer

Avec celui de Celsa et de Pepe

Dans les mots trop convenus ?

 

4.

Veronica l'a mal foutu

Tout biscornu, tout tordu :

Un air de lion mandrille

Et quelque chose qui brille

Dans ses yeux malotrus.

 

5.

À force d'avoir son museau fin

Dans des cailloux peints mis en tas

Certainement que l'âne de Marta

Va se remplir de rouge et de crottin.

 

James Sacré, Âneries pour mal braire, Tarabuste,

2006, p. 42-46.

05/01/2025

James Sacré, Écrire pour t'aimer

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            Qu'est-ce qu'on fait dimanche ?

 

   Beaucoup de gestes pour aimer sont, tout compte fait, presque rien

   Malgré d'extravagantes paroles que des anges ou des chevaux s'ébrouent dedans

   T'en souviens-tu comme je t'emporte à jamais dans mon cœur avec ton beau prénom presque rien,

   La rengaine d'un amour impossible un dimanche et l'odeur de la brillantine

   J'aimerais faire comprendre à travers la qualité rythmique et machine souple

   Des mots mis ensemble.

   L'effet que produit dans mon corps

   La moindre complicité (roublarde ou naïve) que ton sourire accroche

   A du temps qui passe entre nous ;

   Non pas que je tienne à sauver des sentiments de la ruine

   Mais parce que le grand bien-être et force dans le cœur.

   À dire tout bonnement que je t'aime, ça ressemble vraiment

   À l'ange qui galope dans tous mes poèmes : on le voit mal, mais j'écrirai toujours.

 

James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B., André Dimanche, 1984, p. 43.

04/01/2025

James Sacré, Donne-moi ton enfance

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           Un p'tit garçon, je sais plus

 

   Si on cherche bien rien de si puéril ni de vraiment gentil dans ces années disparues. Tous autant qu'on est sait-on pas les gestes surtout méchants, tout le mauvais désir de vivre à la place de l'autre, les jeux cruels poursuivis jusque dans les tendresses qu'on avait ? Et l'indifférence du ciel qui t'emporte en ses tempêtes, l'enfance poussière et paille tout un vol de petits démons dans un grand pet du vent. Forcément que la vie sent mauvais. Faut s'y faire.

 

                                         *

 

   On finit par se souvenir de choses qu'on n'a peut-être pas vécues quelqu'un t'a raconté vieille femme du village là-bas que tu crois maintenant voir son beau visage qui t'accueille au monde maman t'avait laissé tout seul au bout du champ dans la petite voiture d'enfant, presque rien mais comme si d'un coup la parole t'était donnée avec l'autre et l'ampleur du monde... l'enfance a-t-elle commencé avec le premier souvenir qu'on a ? Et si on l'a quittée en même temps que des culottes courtes ? Personne te dira jamais. La vieille femme du village en savait rien non plus.

 

James Sacré, Donne-moi ton enfance, Tarabuste, 2013, p. 21.

03/01/2025

Paul Valéry, Tel quel

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Chaque individu ne conçoit pas directement qu’il est homme — nul n’est homme — mais centre, but, base et fin de tout. Pas plus qu’il ne peut comprendre qu’il doit mourir, il ne peut comprendre qu’il n’est qu’un détail.

Et enfin il ne sait jamais les choses que par raison.

 

Toute morale prophétise.

 

La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.

 

L’homme de goût est une manière d’incrédule.

Il ne croit pas à la surprise : unique loi des arts modernes.

Car la surprise est chose finie.

  

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 591, 613, 615, 617.

Images de la brume l'hiver

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Photos T. H. et Chantal Tanet

02/01/2025

Paul Valéry, Tel quel

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L’homme est devant être dépensé : ou par les autres, ou par soi. Et c’est ce que l’on appelle sa valeur. Et ôtée cette valeur, l’homme n’est rien.

 

Toute morale repose, en définitive, sur la propriété humaine de jouer plusieurs personnages.

 

Le désir doit faire son objet, tandis que bassement c’est l’objet qui se fait désirer. 

 

L’homme tend à nier ce qu’il ne sait pas affirmer (exprimer).

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, p. 577, 579, 581, 587.

01/01/2025

Paul Valéry, Tel quel

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Par le mythe vulgaire du bonheur, on peut faire des hommes à peu près ce que l’on veut, et tout ce que l’on veut des femmes.

 

Vieillir consiste à éprouver lez changement du stable.

 

Il ne faut demander au ciel que l’euphorie, et les moyens de s’en servir.

 

Écrivains. Ceux pour qui une phrase n’est pas un acte inconscient , analogue à la manducation et à la déglutition d’un homme préssé qui ne sent pas ce qu’il mange.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 541, 541, 542

31/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Un « Fait » est ce qui se passe de signification.

 

Morale conservative

Il faut que ce soit le même qui possède ce champ, jouisse de tel bien. Et il faut que ce soit le même qui couche avec la même et la même avec le même.

C’est en quoi la morale est « ennuyeuse », impose la monotonie.

 

L’esprit libre a horreur de la compétition.

 

Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d’être faux.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 523, 535, 538, 539.

30/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Si un être ne pouvait pas vivre une autre vie que la sienne, il ne pourrait pas vivre la sienne. Car la sienne n’est faite que d’une infinité d’accidents dont chacun peut appartenir à une autre vie.

 

Autorisation de se tuer, seulement au parfaitement heureux.

 

Le monde le plus élégant, le plus superficiel, le plus variable, le plus inutile, est le milieu le plus conforme au jugement qu’il faut porter sur l’ensemble des choses.

 

Ce qu’on aime, inspire.  Être aimé, c’est inspirer, rendre quelqu’un inventif — producteur d’images, de prévenances, de ruses, de superstitions — de violences.

 

Ce qui m’est difficile m’est toujours nouveau.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p.500, 502, 505, 516. 517.

29/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Sincérité

La sincérité voulue mène à la réflexion, qui mène au doute, qui ne mène à rien.

 

Les humains supplient silencieusement les humains de leur dire ce qu’ils ne pensent pas. Dites-nous ce que nous souhaiterions entendre ! Dites-moi quelque chose d’aimable, chantent les yeux.

 

La clarté dans les choses non pratiques résulte toujours d’une illusion.

 

L’ignorance vacille entre extrême audace et timidité.

 

Un état bien dangereux : croire comprendre.

 

 Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 494, 494, 496, 496, 497.

28/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

 

                                       paul Valéry, tel quel, ironie

La statue et la gloire sont formes du culte des morts, qui est une forme de l’ignorance.

 

 La notion de « grand poète » a engendré plus de petits poètes qu’il n’en était raisonnablement à attendre des combinaisons du sort.

                                     

Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.

 

Amour consiste à sentir que l’on a cédé à l’autre ce qui n’était que pour soi.

 

On ne sait jamais avec qui l’on couche.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 487, 487, 489, 493, 493.

27/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Ce qu’il y a de plus humain. Certains croient que la durée des œuvres tient à leur « humanité ». Ils s’efforcent d’être vrais.Mais quelle plus longue durée que celle des œuvres fantastiques ? Le faux et le merveilleux sont plus humains que l’homme vrai.

 Tout poète vaudra enfin ce qu’il aura valu comme critique (de soi).

 L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’un observateur. 

Idée poétique est celle qui, mise en prose, réclame encore le vers.

Il faut être léger comme l’oiseau et non comme la plume.

 

Paul Valéry, Tel Quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 482, 483, 484, 485, 485.

26/12/2024

Fleurs du printemps à l'hiver

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Photos T. H.

25/12/2024

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978

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1973, 23/7

 

Rien — désert

un changement pourtant — le refus de penser à quoi que ce soit — fermer — fermer — boucler — plus rien — disparaître — serait temps — mais non — pour durer — se laisser aller à toutes/dans les petites conneries du quotidien — des nerfs à la minute — qui tressautent

 insegnando il fredo agli sassi

non pas même le froid — état de  tension absurde — pas même bien physiquement au soleil à la mer — la tête vide — des envies de retourner à Paris pour m’enfermer rue de la Liberté  dans l’état de torpeur habituel là-bas —

pas d’alibi pour durer —

ancho donnette l’hanna fatto

pavese —

disparaître — mais peur —

le définitif —

 

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Laffont, 1983, p. 54.

24/12/2024

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978

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1976, 24/1 Paris

acide — électrochoc

 variations du réel — profondes

suivant l’état qui précède — cette fois très bon — pas de très violentes angoisses — seulement au moment où tenté d’écrire sensation de dédoublement — « gouvernement » de l’inconscient parlant « en clair » — impression de folie — vertige — gouffre à l’intérieur du cerveau — un autre espace mental

souvenir d’avoir retenu ma tête avec mes mains

à l’état normal » corps et cerveau en veilleuse

la volupté — plaisir mouvant

dans tout le corps immobile —intensité — à l’extrême

— aux larmes longtemps dans la glace

vue en corps

vu un corps essayant de dissimuler sa folie

pensé qu’ « elle » est folle celle-là — « moi »

 

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Laffont, 1983, p. 71.