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02/09/2024

Jacques Roubaud, In memoriam Edoardo Sanguinati

 

In memoriam Edoardo Sanguineti

 

Quelques jours avant la mort nous évoquions

Par lettre écrite, à l’ancienne, ces moments

Antiques (quarante ans !) dans la fosse aux lions

 

De l’Hôtel Saint-Simon, quadri-dialoguant

Sourds, ce renga occidental : lui, moi, pions

Agités plus qu’erratiques insolents

 

Dans le jeu par Octavio conçu : sonetto,

Sonnet, la chose italienne où Shakespeare

A passé ; Gongora, Marino, les pires

Poètes, et meilleurs ; Mallarmé, Giacomo

 

‘Caro padre’ notre, « peu profond ruisseau

Calomnié la mort ». La forme où l’écrire

Fut notre lien en toutes ces années. Dire

Cela soit ma poussière sur ce tombeau.

 

Jacques Roubaud, Dix hommages, ink, 2011, np.

 

 

01/09/2024

Arbres

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02/08/2024

Littérature de partout recommencera le 1er septembre

01/08/2024

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis

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              Mémoire

 

mémoire : née tardivement

corps continus   êtres réels et infinis

 

loin de l’instant désignés par la souffrance

 

du souvenir qui ne veut pas que j’oublie

du souvenir qui n’oublie pas ce que je veux

 

mémoire entretissée de nuits

 

le temps se reforme autour d’une voix

les surfaces sans nom     et le sans nom s’apparient

l’espace s’agrège enfin, se duplique

 

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis,

Gallimard, 1991, p. 54.

31/07/2024

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis

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Plénitude

 

tout ce qu’un monde pourrait être, quoi que ce soit

est, quelque part, en quelque façon,

plénitude des possibles, consistance.

n’importe quelle tête parlante, la mienne,

par exemple, contiguë à ton corps

et

pourquoi non

contre mon visage, le visage d’ange, le noir visage même,

mais toutes les places sont prises, tous les mondes

indisponibles,

pour toi.

 

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard,

1991, p. 38.

30/07/2024

Pierre Reverdy, Autres écrits sur l'art et la poésie

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Réponse à l’enquête « Pourquoi écrivez-vous ? »

 

Vous m’écrivez pour me demander

J’écris pour vous répondre

On écrit aussi pour faire parler de soi, en s’occupant bien plus de faire écrire sur ses œuvres que de savoir si elles sont dignes qu’on en parle ; mais ceci est une tendance ! Pour le moment je ne lis que les affiches électorales. Eh bien, on écrit aussi pour que les autres en prennent de la graine !!! Vous comprenez ce qu’il y a !

                                            Littératuren°10, décembre 1919.

 

Pierre Reverdy, Autres écrits sur l'art et la poésie, dans Œuvres complètes, I, Flammarion, 2010, p. 562.

29/07/2024

Pierre Reverdy, Self defence

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On a combattu et injurié tous les grands artistes, d’où les petits qu’on maltraite concluent qu’ils sont grands.

 

Beaucoup de camaraderies artistiques ne sont que des contrats de publicité.

 

La vulgarisation d’une œuvre n’est que la conséquence et le développement du germe vulgaire qu’elle portait à son début.

 

Il y a à chaque époque quelques créateurs originaux, le reste c’est le remplissage et ce remplissage la part entière — pour un moment.

 

Si un auteur ne veut qu’étaler ses dons, il est libre, les tempéraments doués fourmillent. Mais l’art veut une discipline. Il n’y a pas d’art sans discipline, il n’y a pas d’art personnel sans discipline personnelle.

 

Pierre Reverdy, Self defence, dans Œuvres complètes, I, Flammarion, 2020, p. 528, 528, 529, 530, 530.

28/07/2024

Pierre Reverdy, Cravates de chanvre

 

                       pierre reverdy, cravates de chanvre, lumière

                        Adieu

 

         La lueur plus loin que la tête

                                            Le saut du cœur

Sur la pente où l’air roule sa voix

les rayons de la roue

le soleil dans l’ornière

 

Au carrefour

près du talus

               une prière

Quelques mots que l’on n’entend pas

              Plus près du ciel

      Et sur ses pas

                           le dernier carré de lumière

 

Pierre Reverdy, Cravates de chanvre, dans Œuvres complètes, I,

Flammarion, 2010, p. 342.

27/07/2024

Pierre Reverdy, La guitare endormie

 

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L’amour dans la boutique

 

Tout ce qui se passe glisse dans la pénombre

    C’est ce carré au sol qui marque la limite et le nombre

C’est un peu de soleil

                           Chaud derrière la tête

          La poussière ou les bulles de l’air montent sur la cloison

Sortent sur le palier

L’amour se vend dans la boutique

Mais cette forme d’ombre ou blanche ou encore qui ne    bouge pas sur la tenture

 

                                            À l’angle plus étroit

                                                 Qui est-ce

 

Pierre Reverdy, La guitare endormie, dans Œuvres  complètes, I,

Flammarion, 2010, p. 270.

26/07/2024

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit

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                  Soleil

 

Quelqu’un vient de partir

Dans la chambre

                  Il reste un soupir

La vie déserte

 

    La rue

             Et la fenêtre ouverte

Un rayon de soleil

Sur la pelouse verte

 

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit,

dans Œuvres complètes tome I,

Flammarion, 2010, p. 193.

25/07/2024

Jean-Luc Sarré, Autoportrait au père absent

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Ni vert ni violet, pas le moindre reflet,

si la démarche est tout aussi saccadée

le plumage est plus terne que celui des adultes.

Trois pies arpentent le pré en quête de ce qu’elles trouvent

mais la volée d’une cloche ou deux avant l’office

qui convoque et rassemble ses ouailles les disperse,

à moins que ce ne soit le tché-tché-tché d’alarme.

Pure coïncidence ? Simultanéité ?

Tout compte fait ce dimanche n’avait rien d’insipide.

C’était bien. Je ne m’en aperçois que ce soir.

 

Jean-Luc Sarré, Autoportrait au père absent, Le Bruit du temps, 2010, p. 70.

24/07/2024

Jean-Luc Sarré, Poèmes costumés avec attelages...

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L’éraillure d’un coup de clairon

dans le silence de l’office

et la bonne empoigne sa jupe

avant de franchir en deux bonds

la volée de marches qui délivre

de la monotonie des jours.

Derrière la grille passe la fanfare,

et les couleurs d’un amoureux

dont les joues sollicitent les basses

d’un tuba, scrupuleusement.

 

Jean-Luc Sarré, Poèmes costumés avec attelages

 et bestiaire en surimpression, Farrago/Léo Scheer,

2003, p. 81.

23/07/2024

Jean-Luc Sarré, Bardane

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Son chien l’ignore

son chat l’a quitté pour la voisine

même sa villa se gausse

lui tire une langue

haute de quinze marches

et de sa glycine qui embaume

il se sent si indigne

qu’il n’ose jouir de son ombre.

 

Jean-Luc Sarré, Bardane, farrago,

2001, p. 45.

22/07/2024

Pierre Reverdy, Self defence

 

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Ceux qui dans l’at ne voient qu’une imitation tiennent pour facile toute œuvre faite.

 

Qu’est-ce qu’une œuvre dont on peut détacher l’idée ou l’anecdote qui, isolées, ne sont rien, et dont après cette extraction il ne reste rien ?

 

La seule idée intéressante en art est celle, tout esthétique, qui soutient l’ensemble de l’œuvre.

 

Des résultats nouveaux en art frappent plus et sont plus féconds que des sentiments ou des idées pour si forts qu’ils soient.

 

La réalité ne motive pas l’œuvre d’art. On part de la vie pour atteindre ne autre réalité.

 

Pierre Reverdy, Self defence, dans Œuvres complètes, I, Flammarion, 2020, p. 521, 522, 524, 526, 527.

Baudelaire, Les Fenêtres

  

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                                         Les fenêtres

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.

Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.

Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.

Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même. 

Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?

Baudelaire, Le Spleen de Paris