16/01/2025
Franz Kafka, Fiches : recension
Des fragments en réseau
Les textes réunis ici ont été plusieurs fois publiés sous les titres de Considérations sur le péché, la souffrance, l’espoir de la vraie voie et deAphorismes de Zürau. Le premier date de 1931, interprétation de l’ensemble qui oriente la lecture, par Max Brod, ami de Kafka, pour la publication en allemand dans un regroupement de textes brefs. Les fragments, écrits entre le 18 octobre 1917 et le 28 janvier 1918, dans la campagne de Zürau où sa sœur Ottla tenait une ferme, sont tirés de deux cahiers et ont été recopiés par leur auteur, dans l’ordre de leur rédaction, sur des feuilles préalablement numérotées ; on ignore si un classement et une publication étaient prévus. Pour Robert Kahn, tels qu’ils nous sont parvenus, leur « signification est donc nécessairement fragmentée, aléatoire » (…) « Kafka lui-même, ou son lecteur, peut laisser faire le hasard, les combiner, tirer les cartes »1.
Le second titre, le plus souvent repris dans diverses traductions, convient mal, notamment parce que certains fragments sont de brèves narrations et que d’autres ne répondent pas à ce que l’on entend par "aphorisme". Robert Kahn suit aussi sur ce point l’éditeur allemand Roland Reuss ; il a proposé de remplacer "aphorisme" par d’autres mots, avec l’idée toujours que « Chaque texte renvoie à l’ensemble de tous les autres, tout en gardant sa singularité », et il s’est arrêté à « Fiches », après notamment "feuillets" (qui répond à Zettel, choisi par Reuss) et "rhizome" emprunté à Gilles Deleuze pour l’idée de réseau, de prolifération propre à ces fragments.
On peut évidemment écrire que l’on va retrouver dans l’ensemble des Fiches la reprise de thèmes anciens, mais pensés par Kafka, également dans d’autres textes — le péché originel, le bien et le mal, le caractère indestructible de l’homme, la peur, le monde spirituel et le monde sensible, la mort. À Zürau, il lisait Nietzsche, Kierkegaard, Schopenhauer, tous auteurs qu’il connaissait bien et dont les orientations peuvent se recouper avec les siennes. Certains ont pu lire aussi dans ce rassemblement de textes brefs des éléments de la religion juive en accord avec le fort intérêt que Kafka portait à la culture juive, il a d’ailleurs un peu plus tard fait part de son regret de ne pas partir en Israël2. Ce qui apparaît d’abord à la lecture, c’est le fait que les fragments rassemblés se caractérisent par leur discontinuité, précédés ou suivis de notations diverses, par exemple avant la fiche 75 : « Le maître a la véritable, l’élève la permanente absence de doutes », après la fiche 47, forme du Journal : « nuit de tempête, dans la matinée télégramme de Max, armistice avec la Russie ».
L’édition adoptée, sous forme de fiches, restitue le fait que les écrits recueillis se succèdent sans ordre, suggère au lecteur de les associer à son gré. Chacun peut construire sa lecture, en rapprochant des fiches consacrées à des sujets proches. On peut prendre l’exemple du "chemin", présent dans la première fiche :
Le vrai chemin va sur un câble, qui n’est pas tendu en hauteur, mais juste au-dessus du sol. Il semble plus destiné à faire trébucher qu’à être parcouru.
Peut-être y a-t-il là une référence à une histoire hassidique ou pensera-t-on, avec "vrai chemin", à d’autres traditions. Cet énoncé est aussi une manière métaphorique de constater que le "vrai chemin" pour vivre, s’il existe, est riche en difficultés à résoudre quand on les rencontre. Ou que décider qu’il est un "vrai chemin" est s’exposer à toutes les déceptions, qu’il ne sert à rien de dessiner l’avenir ; cette interprétation est à rapprocher du contenu de la fiche 104, dans laquelle Kafka cerne ce que l’on peut comprendre comme étant liberté de l’homme :
[…] Troisièmement [l’homme] est libre en tant qu’il a la volonté, comme celui qu’il sera à nouveau un jour, de traverser la vie sous n’importe quelle condition et de laisser ainsi tout venir à lui, en fait comme sur un chemin certes disponible, mais en tout cas si labyrinthique qu’il ne laisse intacte aucune parcelle, même la plus petite de cette vie.
Rien n’empêche à la lecture du premier fragment cité de reconnaître une marque d’humour — d’humour juif — : le chemin prétendu vrai est un traquenard, il semble pouvoir satisfaire alors qu’il n’aboutit qu’à une chute, et l’on sait que la chute est un des ressorts favoris du comique (cf. Buster Keaton). On peinera peut-être à choisir une solution parce que le retour du chemin (qui traduit chaque fois l’allemand Weg) dans les fragments ne permet pas d’adopter une interprétation, ce qui ne surprendra pas un lecteur de Kafka. Ainsi, avec la fiche 15 : « Comme un chemin en automne : à peine est-il entièrement balayé, qu’il se recouvre à nouveau de feuilles mortes ». Qu’est-ce qui est ici « comme un chemin » sinon, à nouveau, la vie, soit ce qui est avant tout constamment instable, changeant ? Le fragment 26 dirige vers une autre piste, indiquant un projet avant le parcours, seulement implicite auparavant, mais inatteignable faute d’une voie possible : « Il y a un but mais pas de chemin ; ce que nous nommons chemin est hésitation ».
Ce qui importe, en lisant et relisant ces fiches, parfois énigmatiques, est de ne pas arrêter une signification (cf le titre retenu par Max Brod) ou de les classer dans un genre, aphorisme ou autre. Tel énoncé insiste sur le fait que l’homme ne peut se conduire comme il l’entendrait, empêché par une culpabilité que rien ne peut effacer, un autre dans sa brièveté a la force de l’évidence pour affirmer la liberté : « Une cage vient chercher l’oiseau » (fiche 16) — l’oiseau, lui, n’ira jamais chercher la cage. Kafka, dans ses échanges avec Gustav Janouch au début des années 1920, lui avait dit que l’artiste était « un oiseau plus ou moins bariolé pris dans la cage de son existence » et avait complété ainsi, « Moi, je suis un oiseau impossible. Je suis un choucas, — "une kavka" » (p. 17).
Les éditions Nous ont édité les fiches dans un coffret ; le recto présente la traduction, le verso la version originale numérotée. Le traducteur a insisté sur la notion de réseau et l’éditeur a inscrit les fragments dans un ensemble ; elles sont accompagnées, d’une double série de dessins, Le cercle restreint et Les environs de l’impossible, de Marc-Antoine Mathieu, fortement influencé par l’œuvre de Kafka dans son activité de bédéiste. Mais l’intégration dans un réseau est plus complexe : des QRcode donnent accès au lecteur sur Youtube aux fiches et aux dessins, aux Journaux et aux Derniers Cahiers de Kafka (traduits par Robert Kahn aux éditions NOUS), avec lecture par Denis Lavant et accompagnés de musiques de Wilfried Wendling. Une belle édition pour le centenaire de la mort de Kafka !
1 Robert Kahn, « Déclasser les « Aphorismes de Zürau »» dans L’Œuvre inclassable,
Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en novembre 2015, publiés par Marianne Bouchardon et Michèle Guéret-Laferté
(en ligne : « Déclasser les « aphorismes de Zürau ».
2 voir Gustav Janouch, Kafka m’a dit, traduction Clara Malraux, Calmann-Lévy, 1946.
Franz Kafka, Fiches, traduit et présenté par Robert Kahn, Notice de Jean-Patrice Courtois, éditions NOUS, 2024, 35 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 29 novembre 2024.
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25/11/2024
Kafka, Fiches
80.
La vérité ne peut se diviser, elle ne peut donc se connaître elle-même ; qui veut la connaître doit être mensonge.
85.
Le Mal est une émanation de la conscience humaine dans certaines phases de transition. Ce n’est pas en fait le monde sensible qui est apparence, mais le Mal en lui qui, il est vrai, constitue à nos yeux le monde sensible.
88.
Le mort est devant nous, à peu près comme sur le mur de la salle de classe une reproduction de la Bataille d’Alexandre. Il s’agit, par nos actions dès cette vie, d’assombrir le tableau ou même de l’effacer.
90.
Deux possibilités : se faire infiniment petit ou l’être. La première est achèvement, donc inaction, la seconde est début, donc action.
Kafka, Fiches, traduction Robert Kahn, éditions NOUS, 2024.
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24/11/2024
Kafka, Fiches
61.
Celui qui dans le monde aime son prochain ne commet ni plus ni
moins d’injustice que celui qui dans le monde s’aime lui-même. Ne resterait plus que la question : la première proposition est-elle possible ?
63.
Notre art est un éblouissement causé par la vérité : la lumière sur le visage grimaçant qui recule est vraie, rien d’autre.
67.
Il court après la faits comme un débutant en patinage, qui, de plus, s’exerce là où c’est interdit.
77.
Fréquenter des êtres humains induit à l’auro-observation.
Kafka, Fiches, traduction Robert Kahn, éditions NOUS, 2024.
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23/11/2024
Kafka, Fiches
47
On leur laissa le choix de devenir des rois ou des courriers royaux. À la mode enfantine ils voulurent tous être des courriers. Voilà pourquoi il y a tant de courriers, ils courent de par le monde et, comme il n’y a pas de rois, ils s’annoncent les uns aux autres les messages devenus vides de sens. Ils aimeraient mettre fin à leur vie misérable, mais ils n’osent pas à cause de leur serment de fidélité.
48.
Croire au progrès ne signifie pas croire qu’un progrès a déjà eu lieu. Cela ne serait pas une croyance.
52.
Dans le combat entre Toi et le monde seconde le monde.
59.
Une marche d’escalier qui n’a pas été profondément creusée par des pas n’est, de son propre point de vue, qu’un triste assemblage de bois.
Kafka, Fiches, éditions NOUS, 2024.
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22/11/2024
Kafka, Fiches
25.
Comment se réjouir du monde, si ce n’est en s’y réfugiant ?
32.
Les corneilles affirment qu’une seule corneille peut détruire le ciel. Cela ne fait aucun doute, mais ne prouve rien contre le ciel, car ciel signifie précisément : l’impossibilité des corneilles.
34.
Sa lassitude est celle du gladiateur après le combat, son travail consistait à enduire de blanc un coin d’un bureau de fonctionnaire.
43
Les chiens de chasse jouent encore dans la cour, mais le gibier ne leur échappera pas, même s’il court déjà maintenant par les bois.
Kafka, Fiches, éditions NOUS, 2024
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21/11/2024
Kafka, Fiches
18.
S’il avait été possible de construire la tour de Babel sans l’escalader, cela aurait été permis.
20.
Des léopards font irruption dans le temple et assèchent les cruches du sacrifice ; cela se répète encore et encore ; pour finir on peut le prévoir et cela devient une partie de la cérémonie.
22.
Tu es le devoir à faire. Aucun élève aux alentours.
24.
Comprendre ce bonheur, le sol sur lequel tu te tiens ne peut être plus grand que les deux pieds qui le recouvrent.
Kafka, Fiches, éditions NOUS, 2024.
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20/11/2024
Kafka, Fiches
5.
À partir d’un certain point il n’y a plus de retour. Ce point est atteindre.
13.
Un premier signe d’un début de connaissance est le désir de mourir. Cette vie semble insupportable, une autre, hors d’atteinte. On n’a plus honte de vouloir mourir ; on demande à quitter l’ancienne cellule, que l’on hait, pour être placé dans une nouvelle, que l’on commencera à apprendre à haïr. Un reste de croyance s’y ajoute, pendant le transfert le Seigneur passerait par hasard dans le couloir, il regarderait le prisonnier et dirait : « Celui-là, ne l’emprisonnez pas de nouveau. Il vient chez moi. »
15.
Comme un chemin en automne : à peine est-il entièrement balayé qu’il se couvre à nouveau de feuilles mortes.
16.
Une cage alla chercher un oiseau.
Kafka, Fiches, éditions NOUS, 2024
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02/06/2024
Franz Kafka, À Milena
(…) je connais ma relation à toi (tu m’appartiens, même si je ne devais plus jamais te voir), je la connais tant qu’elle n’appartient pas au domaine opaque de la peur, mais ta relation avec moi, je ne la connais pas du tout, elle appartient toute entière à la peur. Tu ne me connais pas non plus, Milena, je te le répète.
Pour moi ce qui se passe a quelque chose de formidable, mon monde s’effondre, mon monde s’édifie, voilà comment tu (ce tu que je suis) subsistes. Je ne me plains pas de l’effondrement, il était en train de s’effondrer, je me plains de son édification, je me plains de mes faibles forces je me plains d’être né, je me plains de la lumière du soleil.
Franz Kafka, À Milena, traduction Robert Kahn, NOUS, 2021, p. 68.
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01/06/2024
Franz Kafka, À Milena
(…) Comme je t’aime (et je t’aime donc, toi la récalcitrante, comme la mer aime un minuscule galet de son fond, c’est exactement ainsi que mon amour te recouvre — et que chez toi je vois de nouveau le galet, si les cieux le permettent) j’aime le monde entier et ton épaule gauche en fait aussi partie, non, c’était d’abord le droit et c’est pourquoi je l’embrasse, quand j’en ai envie (et que tu es assez gentille pour entrouvrir la blouse) et l’épaule gauche en fait aussi partie et ton visage au-dessus de moi dans la forêt et ton visage en-dessous de moi dans la forêt et le repos sur ton sein presque nu. Et c’est pourquoi tu as raison quand tu dis que nous n’avons déjà fait qu’un et je n’ai aucune peur de cela, mais c’est mon seul bonheur et ma seule fierté et je ne le limite pas du tout à la forêt.
Mais maintenant entre ce monde du jour et cette « demi-heure au lit » que tu as dans une lettre qualifiée de termes méprisants comme une affaire d’hommes, il y a un abîme, que je ne peux pas franchir, sans doute parce que je ne le veux pas. Là-bas c’est l’affaire de la nuit, vraiment dans tous les sens du terme l’affaire de la nuit ; ici c’est le monde et je le possède et maintenant je devrais sauter dans la nuit pour en reprendre possession. Peut-on reprendre encore une fois possession d’une chose ? Cela ne signifie-t-il pas : la perdre. Ici il y a le monde que possède et je dois aller de l’autre côté pour céder à un étrange enchantement, un tour de magie, une pierre philosophale, une alchimie, un anneau magique.
Vouloir saisir dans la nuit par un sortilège, furtivement, le souffle court, désemparé, oppressé, ce que chaque jour offre aux yeux ouverts ! (« Peut-être » ne peut-on avoir d’enfants autrement, « peut-être » les enfants sont-ils aussi un sortilège. Laissons encore de côté cette question) C’est pourquoi je suis si reconnaissant (à toi et à tout) et donc c’est samozrejmé (= tout naturellement) qu’à côté de toi je suis au plus haut point calme et au plus haut point bouleversé, au plus haut point contraint et au plus haut point libre, voilà pourquoi après cette prise de conscience j’ai abandonné toute autre forme de vie.
Franz Kafka, À Milena, traduction Robert Kahn, NOUS, 2021, p. 200-201.
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31/05/2024
Franz Kafka, À Milena
Pour poursuivre : avec toi dans mon cœur je peux tout supporter, et si j’ai écrit que les jours sans tes lettres étaient terribles, et bien ce n’est pas exact, ils n’étaient pas terriblement lourds, le bateau était lourd, il avait un terrible tirant d’eau , mais il voguait quand même sur les flots. Il n’y a qu’une seule chose Milena que je ne peux supporter sans ton aide explicite : la « peur », pour cela je suis bien trop faible, je ne peux même pas regarder cette monstruosité en entier, elle m’emporte.
Franz Kafka, À Milena, traduction Robert Kahn, NOUS, 2021, p. 126.
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30/05/2024
Franz Kafka, Journal
Je vais essayer de rassembler progressivement tout ce qu’il y a de douteux en moi, plus tard ce qui est plausible, ensuite le possible, etc. Il y a sans doute en moi un désir avide de livres. Non pas, en fait, les posséder ou les lire, mais bien plutôt les voir, me convaincre de leur existence dans la vitrine d’un libraire. S’il y a quelque part plusieurs exemplaires du même livre chacun d’entre eux me réjouit. C’est comme si ce désir provenait de l’estomac, comme si c’était un appétit qui s’égare. Les livres que je possède me réjouissent moi, par contre les livres de mes sœurs me font bien plaisir. Le besoin de les posséder est incomparablement plus faible, il manque presque.
Kafka, Journal, traduction Robert Kahn, éditions NOUS, 2020, p. 211-212.
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29/04/2024
Franz Kafka, Lettres à Felice, II
Chacun se hisse à sa manière hors du souterrain, moi je me hisse grâce à la littérature. C’est pourquoi, si je dois me maintenir en haut, je ne puis le faire qu’à l’aide de la littérature, et non pas à l’aide de repos et de sommeil. J’obtiendrais plutôt le repos par la littérature que la littérature par le repos.
Franz Kafka, Lettres à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1972, p. 681.
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28/04/2024
Franz Kafka, Lettres à Felice, II
Pour écrire j’ai besoin de vivre à l’écart, non pas « comme un ermite », ce ne serait pas assez, mais comme un mort. Écrire en ce sens, c’est dormir d’un sommeil plus profond, donc être mort, et de même qu’on ne peut pas arracher un mort au tombeau, de même on ne peut pas m’arracher à ma table de travail dans la nuit. Ce n’est pas directement lié à mes rapports avec les gens, il se trouve simplement que je ne puis écrire, et vivre par conséquent, que de cette façon systématique, continue, stricte. (...) Depuis toujours j’ai eu peur des gens, non pas des gens eux-mêmes à proprement parler, mais de leur intrusion dans mon être débile, voir ceux auxquels j’étais le plus lié pénétrer dans ma chambre m’a toujours causé de l’effroi, c’était plus que le pur symbole de cette peur.
Franz Kafka, Lettre à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1990, p. 470.
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Franz Kafka, Lettres à Felice, II
Pour écrire j’ai besoin de vivre à l’écart, non pas « comme un ermite », ce ne serait pas assez, mais comme un mort. Écrire en ce sens, c’est dormir d’un sommeil plus profond, donc être mort, et de même qu’on ne peut pas arracher un mort au tombeau, de même on ne peut pas m’arracher à ma table de travail dans la nuit. Ce n’est pas directement lié à mes rapports avec les gens, il se trouve simplement que je ne puis écrire, et vivre par conséquent, que de cette façon systématique, continue, stricte. (...) Depuis toujours j’ai eu peur des gens, non pas des gens eux-mêmes à proprement parler, mais de leur intrusion dans mon être débile, voir ceux auxquels j’étais le plus lié pénétrer dans ma chambre m’a toujours causé de l’effroi, c’était plus que le pur symbole de cette peur.
Franz Kafka, Lettre à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1990, p. 470.
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Franz Kafka, Lettres à Felice, II
Pour écrire j’ai besoin de vivre à l’écart, non pas « comme un ermite », ce ne serait pas assez, mais comme un mort. Écrire en ce sens, c’est dormir d’un sommeil plus profond, donc être mort, et de même qu’on ne peut pas arracher un mort au tombeau, de même on ne peut pas m’arracher à ma table de travail dans la nuit. Ce n’est pas directement lié à mes rapports avec les gens, il se trouve simplement que je ne puis écrire, et vivre par conséquent, que de cette façon systématique, continue, stricte. (...) Depuis toujours j’ai eu peur des gens, non pas des gens eux-mêmes à proprement parler, mais de leur intrusion dans mon être débile, voir ceux auxquels j’étais le plus lié pénétrer dans ma chambre m’a toujours causé de l’effroi, c’était plus que le pur symbole de cette peur.
Franz Kafka, Lettre à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1990, p. 470.
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