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01/12/2021

Robert Desnos, Choix de Poèmes

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Le veilleur du Pont-au-Change

 

Je suis le veilleur de la rue de Flandre,

Je veille tandis que dort Paris.

Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.

J’entends passer des avions au-dessus de la  ville.

 

Je suis le veilleur du Point du Jour.

La Seine se love dans l’ombre, derrière le viaduc d’Auteuil,

Sous vingt-trois ponts à travers Paris.

Vers l’ouest, j’entends des explosions.

 

Je suis le veilleur de la Porte Dorée.

Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses ténèbres.

J’ai entendu des cris dans la direction de Créteil

Et des trains roulent vers l’est avec un sillage de chants de révolte.

 

Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.

Le vent du sud m’apporte une fumée âcre,

Des rumeurs incertaines et des râles

Qui se dissolvent quelque part, entre Plaisance et Vaugirard.

 

Au sud, au nord, à l’est, à l’ouest,

Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change

Veillant au cœur de Paris, dans la rumeur grandissante

Où je reconnais les cauchemars paniques de l’ennemi,

Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,

Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands d’Hitler.

 

Je suis le veilleur du Pont-au-Change

Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris ,

Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,

Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.

Dans l’air froid tous les fracas de la guerre

Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes.

 (...)

 

Robert Desnos, Choix de poèmes, collection L’Honneur des Poètes (dirigée par Paul Éluard, éditions de Minuit, 1946, p. 103-104.

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