11/11/2016
Christine de Pisan, Cent ballades d'amant et de dame
La dame
Qui son chien veult tuer lui met la rage
Assus, dist-on, ainsi me veult tu faire,
Faulx déloyal, qui dis que mon corage
Se veult de toy, pour autre amer, retraire.
Mais tu scez bien, cetes, tout le contraire
Et qu’en mon cuer n’a grain de tricherie.
Mais cë es tu mauvais, tu t’as biau taire,
Qui deceveur es plain de menterie.
Car onc en moy, n’en semblant n’en lengaige,
Tu n’apperceuz chose qui fust contraire
A loyaulté, ce n’est pas mon usage.
Tu n’en fais pas doubte, mais pour moy traire
En sus de toy, tu veulx telz mots retraire
Pour mieux couvrir ta faulse tromperie,
Mais ne suis pas si comme toy faulsaire,
Qui deceveur es plain de menterie.
Ha ! mirez vous, dames, en mon dommage,
Pour Dieu Mercy, ne vous laissiez attraire
Par homme nul, tous sont de faulx plumage.
En ce cas cy, si fuiez leur affaire.
Au commenciez font bien le débonnaire
Mais au derrain c’est toute mocquerie.
Ce fais tu, Dieu d’Amours, pour cuers detraire,
Qui deceveur es plain de menterie.
Mais or me dy, Amours, s’il me doit plaire
Que pour amer je doye estre perie,
Ce es tu dont, j’en voy bien l’exemplaire,
Qui deceveur es plain de menterie.
Christine de Pisan, Cent ballades d’amant et de dame,
texte établi et commenté par J. Cerquiglini,
10/18, 1982, p. 125.
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