21/07/2012
Jean Daive, L'énonciateur des extrêmes
Tard dans sa vie
le photographe André Kertész
met en scène Elizabeth
sa femme qui vient de mourir
au moyen d'une figurine de verre
qu'il pose sur le rebord de la fenêtre
puis d'un buste de verre.
Il présente des transparences. Il conjugue
des transparences
ajoute une seconde figurine.
La lumière est mystifiée
en présence de deux anémones
un cœur de verre, un flacon
un fauteuil dépravant l'air.
Une existence à deux
recomposée, prise au polaroïd
se déroule translucide, transfigurée
jusqu'à une limpidité spectrale.
Un spectre
échappe à la trace
à l'empreinte, à la fouille
cœur et transparence, corps et transparence
langue et transparence, souvenir
et transparence — mémoire
glacée, vie glacée
ce monde photographié
proche, plus proche, très proche, familièrement
en équilibre sur l'accoudoir
d'un fauteuil
retient encore
le battement
le ciel bleu, le nuage passe —
d'une scène à l'autre, d'un buste
à l'autre
une archéologie à fond perdu —
se joue.
Jean Daive, L'énonciateur des extrêmes, éditions NOUS,
2012, p. 53-54.
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