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27/12/2019

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer

 

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Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

 

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

rien de ce tourment qui m’épuisait

comme la poésie qui portait mon âme,

rien de ces mille crépuscules, de ces mille miroirs

qui me précipitent dans l’abîme.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

que j’ai dû  traverser à gué dans le fleuve

dont les âmes sont depuis longtemps étranglées par les mers,

et tu ne sais rien de cette formule magique

que notre Lune m’a révélée entre les branches mortes

comme un fruit du printemps.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

qui me chassait à travers les tombeaux de mon père,

qui me chassait à travers des forêts plus grandes que la terre,

qui m’apprenait à voir des soleils se lever et se coucher

dans les ténèbres malades de ma tâche journalière.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

du trouble qui tourmentait le mortier,

rien de Shakespeare et du crâne brillant

qui, comme la pierre, portait des cendres par millions,

qui roulait jusqu’aux blanches côtes,

au-delà de la guerre et de la pourriture, avec des éclats de rire.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

car ton sommeil passait par les troncs fatigués

de cet automne, par le vent qui lavait tes pieds comme la neige.

 

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer, Orphée/La Différence,

2012, p. 47.

03/11/2019

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer

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Où me pousse

le vent,

mon cœur,

mon cerveau,

en bas

dans la ville,

là-bas

dans la verdure

des collines délavées,

vers des femmes étrangères

                          vers

la lune,

mêlant

blanc

et rouge

sur un mur nu

de cimetière,

dans la forêt

qui, noire,

étend les jambes

et dans l’étang

rit,

s’envolent

sauvagement

les oiseaux oubliés

d’un coup,

mon vent,

mon cœur,

mon cerveau,

mes larmes ?

 

Thomas Bernhard, Sur

la terre comme en enfer, traduction

Susanne Hommel, Orphée/La Différence,

2012, p. 93 et 95.

10/11/2014

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer

                 Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer, frère, nuit, savoir, solitude

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

 

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

rien de ce tourment qui m'épuisait

comme la poésie qui portait mon âme,

rien de ces mille crépuscules, de ces mille miroirs

qui me précipitent dans l'abîme.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

que j'ai dû traverser à gué comme le fleuve

dont les âmes sont depuis longtemps étranglées par les mers,    

et tu ne sais rien de cette formule magique

que notre Lune m'a révélé entre les branches mortes

comme un fruit de printemps.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

qui me chassait à travers les tombeaux de mon père,

qui me chassait à travers des forêts plus grande que la terre,

 

qui m'apprenait à voir des soleils se lever et se coucher

 

dans les ténèbres malades de ma tâche journalière.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,

du trouble qui tourmentait le mortier,

rien de Shakespeare et du crâne brillant

qui, comme la pierre, portait des cendres par millions,

qui roulait jusqu'aux blanches côtes,

au-delà de la guerre et de la pourriture avec des éclats de rire.

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

car ton sommeil passait par les troncs fatigués

 

de cet automne, par le vent qui lavait tes pieds comme la neige.

 

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer, traduit de l'allemand et présenté par Suzanne Hommel, "Orphée" / La Différence, 2012, p. 47.

 

07/05/2013

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer

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     Personne ne te connaît

 

                         Du festin de joie ne resta que la cruche du tourment

                                                Chidiock Tichborne

 

Personne ne te connaît

et quand tu meurs,

ils se glissent dans les manteaux,

pour t'ensevelir.

 

N'oublie jamais ça !

 

Personne n'a besoin de toi

et quand tu meurs,

ils battent le tambour

et tiennent leur langue.

 

N'oublie jamais ça !

 

Personne ne t'aime

et quand tu meurs,

ils enfoncent ton mal du pays

et le rentrent dans la terre.

 

N'oublie jamais ça !

 

Personne ne te tue

et quand tu meurs,

ils te crachent dans ta chope de bière

et tu dois payer.

 

 

Dich  kennt keiner

 

                         Von Freudenmahl blieb mir der Knug der Pein

                                                  Chidiock Tichborne

 

Dich  kennt keiner

und wenn du stirbst,

schlüpfen sie in die Mäntel,

um dich zu verscharren.

 

Vergiß das nie !

 

Dich braucht keiner

und wenn du stirbst,

schlagen sie auf die Trommel

und halten den Mund.

 

Vergiß das nie !

 

Dich mag keiner

und wenn du stirbst,

treten sie dein Heimweh

zurück in die Erde.

 

Vergiß das nie !

 

Dich tötet keiner,

doch wenn du stirbst,

spucken sie dir in den Bierkrug

und du mußt zahlen.

 

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer [édition bilingue],

traduit de l'allemand et présenté par Susanne Hommel, Orphée / La Différence, 2012, p. 105 et 104.

 

 

10/07/2012

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer

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Ma mort viendra bientôt

par le champ, fatiguée,

quand les ombres

des corbeaux noirs

se précipitent sur l'herbe

et, derrière la maison, l'arbre

ferme les paupières

dans la neige

et quand soufflent

les mots

de l'hiver qui approche

        L'âme malade, regardant

autour d'elle,

ne glisse plus vers le village.

 

Mein Tod kommt bald

über den Acker, müd,

wenn in das Gras

die Schatten stürzen

schwarzer Raben

und hintern Haus der Baum

die Lider schließt

im Schnee

und mahen Winters

Worte wehn...

     Die kranke Seele huscht

umblickend nicht mehr

auf das Dorf

hinüber.

 

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfertraduit de l'allemand

et présenté par Suzanne Hommel, "Orphée", La Différence, 2012, p. 97 et 96.