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11/12/2021

Louise Labé, Sonnets

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                 Sonnet XXI

 

Quelle grandeur rend l’homme venerable ?

   Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ?

   Qui est des yeux le plus emmieleur ?

   Qui fait plus tot une playe incurable ?

Quel chant est plus à l’homme convenable ?

   Qui plus penetre en chantant sa douleur ?

   Qui un doux lut fait encore meilleur ?

   Quel naturel est le plus amiable ?

Je ne voudrois le dire assurément,

    Ayant Amour forcé mon jugement ;

    Mais je sais bien et de tant je m’assure,

Que tout le beau que l’on pourroit choisir,

     Et que tout l’art qui ayde la Nature,

     Ne me sauroient accroitre mon desir.

 

Louise Labé, Sonnets, dans Œuvres complètes,

Pléiade/Gallimard, 2021, p.107. 

10/12/2021

Louise Labé, Sonnets

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                 Sonnet XIV

 

Tant que mes yeux pourront larmes espandre,

   À l’heur passé avec toy regretter :

   Et qu’aux sanglots et soupirs resister

   Pourra ma voix, et un peu faire entendre ;

Tant que ma main pourra les cordes tendre

   Du mignart Lut, pour ses graces chanter ;

   Tant que l’esprit se voudra contenter

   De ne vouloir rien fors que toy comprendre ;

Je ne souhaite encore point mourir.

   Mais quand mes yeux je sentirai tarir

   Ma voix cassée, et ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel sejour

   Ne pouvant plus montrer signe d’amante :

   Prirey la mort noircir mon plus cler jour.

 

Louise Labé, Sonnets, dans Œuvres complètes,

Pléiade/Gallimard, 2021, p. 100.

14/04/2020

Louise Labé, Œuvres, Sonnets

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                       Sonnet VII

On voit mourir toute chose animée,

   Lors que du corps l'âme futile part :

   Je suis le corps, toi la meilleure part ;

   Ou es tu donc, dame vie aimée ?

Ne délaissez pas si longtemps pamée

   Pour me sauver après viendrais trop tard,

   Las, ne mets point ton corps en ce hazard ;

   Rens lui sa part & moitié estimée.

Mais fais, Ami, que ne sois dangereuse

   Cette rencontre & revue amoureuse,

   L'accompagnant, non de severite,

Non de rigueur : mais de grâce amiable,

   Qui doucement me rende sa beauté,

   Jadis cruelle, a present favorable. 

Louise Labé, Œuvres, Slatkine, 1981, p. 114.

 

25/03/2017

Louise Labé, Sonnet III

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               Sonnet IIII

 

Depuis qu’amour cruel empoisonna

   Premierement de son feu ma poitrine,

   Tousjours brulay de sa fureur divine,

   Qui un seul iour mon cœur n’abandonna.

Quelque travail, dont assez me donna,

   Quelque menasse & procheine ruïne :

   Quelque penser de mort qui tout termine,

   De rien mon cœur ardent ne s’estonna.

Tant plus qu’amour nous vient fort assaillir,

   Plus il nous fait nos forces recueillir,

   Et toujours frais en ses combats fait estre :

Mais ce n’est pas qu’en rien nous favorise,

   Cil qui les Dieus & les hommes mesprise :

   Mais pour plus fort contre les fors paroitre.

 

Louis Labé, Sonnets, dans Œuvres, Slatkine,

1981, p. 95.

09/07/2012

Louise Labé, Sonnet XIIII

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                  Sonnet XIIII

 

Tant que mes yeux pourront larmes espandre,

   A l'heur passé avec toy regretter,

   Et qu'aux sanglots & soupirs resister

   Pourra ma voix, & un peu faire entendre :

Tant que ma main pourra les cordes tendre

   Du mignart Lut,  pour tes graces chanter :

   Tant que l'esprit se voudra contenter

   De ne vouloir rien fors que toy comprendre :

Ie ne souhaitte encore point mourir.

   Mais quand mes yeux ie sentiray tarir,

   Ma voix cassee, & ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel seiour

   Ne pouvant plus montrer signe d'amante :

   Prirey la Mort noircir mon plus cler jour.

 

Louise Labé, Œuvres, Lyon, chez Jean de Tournes,

1555, p. 118, dans Gallica, Bibliothèque numérique de la BNF.

22/06/2012

Louise Labé, Sonnet III

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               Sonnet III

 

Ô longs désirs, ô espérances vaines,

   Tristes soupirs & larmes coutumières

   À engendrer de moi maintes rivières

   Dont mes deux yeux sont sources & fontaines :

Ô cruautés, ô dur[e]tés inhumaines,

   Piteux regards des célestes lumières :

   Du cœur transi ô passions premières,

   Estimez-vous croître encore mes peines ?

Qu'encor Amour sur moi son arc essaie,

   Que nouveau feu me guette & nouveaux dards

   Qu'il se dépite, & pis qu'il pourra face :

Car je s[u]is tant navrée en toutes parts,

   Que plus en moi une nouvelle plaie,

   Pour m'empirer ne pourrait trouver place.

 

Louise Labé, Œuvres, Lyon, chez Jean de Tournes, 1555, p. 113.