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25/08/2017

Paul de Roux, Un rêve : recension

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   Paul de Roux a principalement publié des ensembles de poèmes ; ses Carnets, vrai journal de bord recouvrant les années 1974 à 2005, constituent l’essentiel de son écriture en prose (mais s’y lisent aussi des poèmes), avec un roman (Une double absence, 2000) et une étude sur Simon Vouet (Visites à Simon Vouet, 1993). Il a en outre donné, comme le précise l’éditeur, en 1977, dans la revue Port-des-Singes fondée par Pierre-Albert Jourdan, une prose brève, sorte de fable qui, accompagnée de son portrait dessiné par son fils, était restée inédite.

   Un narrateur rapporte un rêve dans lequel, devenu à sa grande surprise enseignant, il transmet à de jeunes auditeurs attentifs, non des éléments du bagage scolaire, mais des conseils pour bien vivre : la vie est présentée comme un parchemin qui « se dévide » et chacun risque d’être tenté par des frivolités au lieu de s’en tenir à la voie proposée par les « belles lettrines enluminées ». La leçon est suivie par un public attentif, à l’écoute : « mine recueillie », « yeux (…) limpides », « tête de côté ».

   Cependant une double rupture intervient dans le récit du rêve : ces enfants aux « âmes pures et candides » qui composent la classe sont des ânes, de vrais ânes aux longues oreilles et, par ailleurs, le narrateur avoue être mal à l’aise de n’avoir aucun titre pour exercer le métier d’enseignant. On connaît quel caractère négatif a, couramment, la figure de l’âne — bêtise, ignorance, obstination, etc. ; cependant, c’est à une toute autre tradition que renvoie la fable ; à la demande du narrateur, trop décontenancé pour continuer son discours, un des élèves prend la parole : les ânes représenteraient les « bons sentiments » du rêveur, mais qui n’auraient pas abouti à des actes dans la vie réelle. Aussi les ânes-sentiments seraient voués à se renforcer sur les bans de l’école pour être efficaces… sous la forme de chèvres.

   Aucune leçon à lire dans cette énigme qui clôt le récit, si ce n’est peut-être que le lecteur retourne au parchemin et à la difficulté de lire et comprendre les « lettres enluminées », celles de la vie, celles du rêve..

 

Paul de Roux, Un rêve, le phare du cousseix, 2017, 8 p., 10 €.

Cette note de lecture a été publiée dans Sitaudis le 9 août 2017

11/06/2017

Paul de Roux, Un rêve

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                                     Un rêve

 

   Cette nuit, j’ai fait un rêve. J’enseignais (moi, voyez-vous ça !). Dans une grande et claire salle de classe, je me frottais allègrement les mains tout en faisant mon cours, et je disais :

 

   « Mes chers enfants, vous êtes à l’âge où tout est possible encore. La vie est devant vous come un parchemin qui commence à peine à vous révéler ses premières lignes, aux belles lettrines enluminées. Ah ! combien sont-elles prometteuses, ces premières phrases ! Gardez-vous bien de les oublier, car vous ne les entendrez plus. » (D’émotion, je dus m’interrompre et me mouchai bruyamment.) « Prenez garde, mes bons enfants, que le parchemin ne se dévide bientôt si vite que vous ne vous retrouviez le poil blanc avant d’avoir saisi sa splendeur et compris tout son sens. » Ici, j’agitai maladroitement les bras, ne parvenant pas à trouver les mots que je me sentais le devoir d’adresser encore à mes auditeurs. Tout montrait, cependant, combien ceux-ci étaient dociles et bien disposés à mon égard.

[…]

 

Paul de Roux, Un rêve, le phare du cousseix, juin 2017, p. 3.

* on peut commander le texte de Paul de Roux aux éditions

(chèque de 10 € + 1 € frais d’envoi à l’ordre des éditions)

 

28/07/2011

Edgar Allan Poe, Un rêve (A dream), traduction de Mallarmé

 

 

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                               Un rêve

 

En des visions de la sombre nuit, j’ai bien rêvé de joie défunte, — mais voici qu’un rêve, tout éveillé, de joie et de lumière m’a laissé le cœur brisé.

 

Ah ! qu’est-ce qui n’est pas un rêve le jour, pour celui dont les yeux portent sur les choses d’alentour un éclat retourné au passé ?

 

Ce rêve béni, ce rêve béni, pendant que le monde entier grondait, m’a réjoui comme un rayon cher guidant un esprit solitaire.

 

Oui, quoique cette lumière, dans l’orage et la nuit, tremblât comme de loin ; que pouvait-il y avoir, brillant avec plus de pureté, sous l’astre du jour de Vérité !

 

Les poèmes d’Edgar Poe, traduits par Stéphane Mallarmé, Gallimard, 1928, p. 133.

 

 

A dream

 

In visions of the dark night

       I have dreamed of joy departed—

But a waking dream of life and light

       Hath left me broken-hearted.

 

Ah! what is not a dream by day

       To him whose eyes are cast

On things around him with a ray

       Turned back upon the past?

 

That holy dream—that holy dream,

       While all the world were chiding,

Hath cheered me as a lovely beam

       A lonely spirit guiding.

 

What though that light, thro' storm and night,

       So trembled from afar—

What could there be more purely bright

   In Truth's day-star?

 

Collected Tales end Poems of Edgar Allan Poe, Ramdon House, 1994.