27/01/2017
Georges Perec, Un homme qui dort
Il fait nuit. De rares voitures passent en trombe. La goutte d’eau perle au robinet du palier. Ton voisin est silencieux, absent peut-être ou mort déjà. Tu es étendu, tout habillé, sur la banquette, les mains croisées derrière la nuque, genoux haut. Tu fermes les yeux, tu les ouvres. Des formes virales, microbiennes, à l’intérieur de ton œil ou à la surface de ta cornée, dérivent lentement de haut en bas, disparaissent, reviennent soudain au centre, à peine changées, disques ou bulles, brindilles, filaments tordus dont l’assemblage dessine comme un animal à peine fabuleux. Tu perds leur trace, tu les retrouve ; tu te frottes les yeux et les filaments explosent, se multiplient.
Georges Perec, Un homme qui dort, 10/18, 1976, p. 95.
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19/02/2016
Thilo Krause, À la lisère du sommeil
Poème
...ed è subito sera
Salvatore Quasimodo
Remontant de la cave en frissonnant
je regardai droit
dans les yeux d’un chat.
Sans trouver
de réplique je trébuchai, pris d’un léger vertige
dans le gouffre d’une des pupilles
je tombais et
tombais et ne me rattrapai que lorsqu’une porte s’ouvrit
que le soleil se déploya d’un mur à l’autre.
Déjà le soir était là.
Gedicht
...ed è subito sera
Salvatore Quasimodo
Als ich fröstelnd aus dem Keller kam
blickte ich geradewegs
in die Augen einer Katze.
Ich wusste nichts
zu erwidern, stolperte von leichtem Schwindel gepackt
in den Brunnenschacht der einen Pupille.
Ich fiel und
fiel und fing mich erst, als eine Tür aufging
als Sonne sich spannte von Wand zu Wand.
Schon war es Abend.
Thilo Krause, À la lisère du sommeil, traduit de l’allemand par Eva Antonnikov, dans La revue de belles-lettres, 2015, 2, Lausanne, p. 41 et 40.
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22/08/2013
Jacques Roubaud, Dors, précédé de Dire la poésie
dormir
dormir
sans que rien
compte
rien vaille
veille
———————————————
nuit
nuit
tu viendrais
les lumières
pousseraient
sur les pentes
vidées de jour
les feuilles en
seraient sombres
———————————————
œil,
dans ton
œil
bleu
devient
gris
devient
bleu
dans l'œil
de ton œil
———————————————
un silence
rien
d'autre
pas
de branche
parlant
à la fenêtre
pas d'œil
à ton ventre
gouttes égales.
Jacques Roubaud, Dors, précédé de
Dire la poésie, Gallimard, 1981, p. 54-55.
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