07/01/2025
James Sacré, Trois anciens poèmes mis ensemble...
Le taureau, la rose et le poème
Avec sa fesse en feu souple en soie la femme
Son visage en linges doux avec ses dentelles
Son foin les odeurs sa fouine tiède elle
Travaille à des treillis miraculeux des trames
Elle trame un piège au monde et mine ses atours
(mime ses amours)
Lui crame ses forêts tombent.
Belle elle est la rose
À cueillir au rosier, le projet d'un poème :
Qu'elle porte une épine au cœur de sa splendeur
Le désir en fleurit davantage d'ardeur
De jambes de soleil dans le jeu du poème.
[...]
James Sacré, Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t'aime, Cadex éditons, dessin de Yvon Vey, 2006, p. 43-44.
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06/01/2025
James Sacré, Âneries pour mal braire
Dix Mini-métamorphoses de l'âne
1.
L'âne s'en va par tous les temps,
L'âne de Gabriel.
Il pleut il y a de la tourmente
Et il grêle, on voit
Du soleil aussi des fleurs, toutes les pierres
Sont à la fois dans l'herbe et dans la pluie couleurs
L'âne s'en va
Par tous les temps mêlés, ses malheurs mêlés
À son bonheur.
2.
Tamara l'a dessiné rempli de couleurs
Comme un tigre clown ! le soleil
En boule de papier mâché
Va lui tomber sur la tête ! on le retrouve roulé
Parmi les cailloux chamboulés
3.
Celui de Carmen est pointu
Et plein de pattes, en veux-tu
T'en voilà... comment le faire entrer
Avec celui de Celsa et de Pepe
Dans les mots trop convenus ?
4.
Veronica l'a mal foutu
Tout biscornu, tout tordu :
Un air de lion mandrille
Et quelque chose qui brille
Dans ses yeux malotrus.
5.
À force d'avoir son museau fin
Dans des cailloux peints mis en tas
Certainement que l'âne de Marta
Va se remplir de rouge et de crottin.
James Sacré, Âneries pour mal braire, Tarabuste,
2006, p. 42-46.
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05/01/2025
James Sacré, Écrire pour t'aimer
Qu'est-ce qu'on fait dimanche ?
Beaucoup de gestes pour aimer sont, tout compte fait, presque rien
Malgré d'extravagantes paroles que des anges ou des chevaux s'ébrouent dedans
T'en souviens-tu comme je t'emporte à jamais dans mon cœur avec ton beau prénom presque rien,
La rengaine d'un amour impossible un dimanche et l'odeur de la brillantine
J'aimerais faire comprendre à travers la qualité rythmique et machine souple
Des mots mis ensemble.
L'effet que produit dans mon corps
La moindre complicité (roublarde ou naïve) que ton sourire accroche
A du temps qui passe entre nous ;
Non pas que je tienne à sauver des sentiments de la ruine
Mais parce que le grand bien-être et force dans le cœur.
À dire tout bonnement que je t'aime, ça ressemble vraiment
À l'ange qui galope dans tous mes poèmes : on le voit mal, mais j'écrirai toujours.
James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B., André Dimanche, 1984, p. 43.
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04/01/2025
James Sacré, Donne-moi ton enfance
Un p'tit garçon, je sais plus
Si on cherche bien rien de si puéril ni de vraiment gentil dans ces années disparues. Tous autant qu'on est sait-on pas les gestes surtout méchants, tout le mauvais désir de vivre à la place de l'autre, les jeux cruels poursuivis jusque dans les tendresses qu'on avait ? Et l'indifférence du ciel qui t'emporte en ses tempêtes, l'enfance poussière et paille tout un vol de petits démons dans un grand pet du vent. Forcément que la vie sent mauvais. Faut s'y faire.
*
On finit par se souvenir de choses qu'on n'a peut-être pas vécues quelqu'un t'a raconté vieille femme du village là-bas que tu crois maintenant voir son beau visage qui t'accueille au monde maman t'avait laissé tout seul au bout du champ dans la petite voiture d'enfant, presque rien mais comme si d'un coup la parole t'était donnée avec l'autre et l'ampleur du monde... l'enfance a-t-elle commencé avec le premier souvenir qu'on a ? Et si on l'a quittée en même temps que des culottes courtes ? Personne te dira jamais. La vieille femme du village en savait rien non plus.
James Sacré, Donne-moi ton enfance, Tarabuste, 2013, p. 21.
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03/05/2024
James Sacré, Une fin d'après-mid à Marrakech
On sait que c’est la cuisine à cause des légumes et des fruits qui sont dans un carton ça fait un coin de couleurs comme quelqu’un qui montrerait d’un coup son cœur et son désir avec beaucoup de simplicité violente. Des piments rouges, des oranges. Le mot vivre dans la grisaille et le silence de cette maison pauvre, le silence. Un coin de cuisine, aussi bien l’endroit du marché dans l’ensemble en pisé couleur d’ocre et de pierre blanchie de la ville. Ou comme dans le haut d’un champ que les gens y travaillent longtemps : mon enfance y ramasse n’importe quelle récolte elle s’accumule en couleur vive tout à l’heure on chargera tout dans la charrette le reste du champ sera plus qu’une surface de terre ou de chaume on le voit mal de plus en plus petit dans le monde autrefois demain je suis content d’avoir tout d’un coup ce carton de légumes comme un sourire en désordre. Comme si j’aimais quelqu’un quand je regarde longtemps la couleur d’une orange, le sol défait, le mur longtemps.
James Sacré, Une fin d’après-midi à Marrakech, André Dimanche, 1988, p. 193.
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02/05/2024
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine
Oiseaux qui sont dans l’herbe en automne
Une caille est un geste
lancé dans le bleu un carré
de petit lotier (dessin
d’un village hangar et des tuiles
entre deux branches) geste lancé
par-dessus le buisson derrière
caillou tombé de la grande herbe
une ombre où dans le silence
bat son cœur d’ombre où ?
La perdrix elle pourrait être un bruit
dans ce poème (silence un automne et la
couleur des regains) si les mots...
rien qu’un motif
au bord de l’imagination : tache automne
orangé en (silence) d’un coq de roche — Brésil
ou braise en mon trou natal ; perdrix
rouge dans un regain (pas d’Amazonie) parlé
de plus en plus gris.
Une caille est tellement loin mais
presque sous mon pied (luzerne
en septembre le temps doré des
petits cailloux blancs) autrefois aujourd’hui
quelle trace : un poème aussi soudain (blanc
de la page rempli derrière la vitre un autre
espace en automne un arbre et des
petits mots noirs) aujourd’hui demain
quelle trace. Le mot caille est tellement
Loin. Poème comme un fusil.
[...]
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine, repris dans Les Mots longtemps, Qu’est-ce que le poème attend ?, Tarabuste, 2003, p. 81-82. Photo T. H., 2007
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01/05/2024
James Sacré, Une petite fille silencieuse
À côté des iris sans fleur
Je voudrais que tes joues
Brillent comme au loin, dans le souvenir que j’en ai,
La tuile un peu vieille d’une ou deux maisons seules
Au fond du mot Poitou,
Ou pareil que dans soudain la campagne américaine
Un grand manège où tu t’en vas, charpente en bois peinte roller-
Coaster sa construction savante et fine à travers les arbres...
On entend des cris, on entend
Le silence aussi.
Pendant toute une journée que le beau temps
A été là, quelle impatience quel genou tendre
Sur la pelouse qui dégèle !
Que faut-il oublier pour mieux t’aimer ?
(Pour qu’un poème soit un bas de robe légère
À ta jambe.)
Des petites filles qui t’ont connue sans doute
Ont dit le mot bonjour, de loin
Et comme en riant dans ce paysage où tu pourrais courir.
Un jour le monde avait ton sourire
En octobre en automne quel plaisir d’oublier
D’aimer le temps dans les saisons, le monde
Avait tes joues dans sa couleur,
Ta jambe griffée dans un buisson donne-
Moi la main, donne.
Mais tout s’incline comment dans ce poème,
Où va la jambe du temps ?
Et qu’est-ce qui saigne ?
[...]
James Sacré, Une petite fille silencieuse, André Dimanche, 2001, p. 39-41. Photo T. H, 2007.
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06/01/2024
James Sacré, Une petite fille silencieuse
À côté des iris sans fleurs
4
Je voudrais que tes joues
Brillent comme au loin, dans le souvenir que j’en ai,
La tuile un peu vieille d’une ou deux maisons seules
Au fond du mot Poitou,
Ou pareil que dans soudain la campagne américaine
Un grand manège où tu t’en vas, charpente en bois peinte roller-
Coaster sa construction savante et fine à travers les arbres...
On entend des cris, on entend
Le silence aussi.
Pendant toute une journée que le beau temps
A été là, quelle impatience quel genou tendre
Sur la pelouse qui dégèle !
Que faut-il oublier pour mieux t’aimer ?
(Pour qu’un poème soit un bas de robe légère
À ta jambe.)
Des petites filles qui t’ont connue sans doute
Ont dit le mot bonjour, de loin
Et comme en riant dans ce paysage où tu pourrais courir.
Un jour le monde avait ton sourire
En octobre en automne quel plaisir d’oublier
D’aimer le temps dans les saisons, le monde
Avait tes joues dans sa couleur,
Ta jambe griffée dans un buisson donne-
Moi la main, donne.
Mais tout s’incline comment dans ce poème,
Où va la jambe du temps ?
Et qu’est-ce qui saigne ?
[...]
James Sacré, Une petite fille silencieuse, André Dimanche, 2001, p. 38-40.
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05/01/2024
James Sacré, Une fin d'après-midi à Marrakech
On sait que c’est la cuisine à cause des légumes et des fruits qui sont dans un carton ça fait un coin de couleurs comme quelqu’un qui montrerait d’un coup son cœur et son désir avec beaucoup de simplicité violente. Des piments rouges, des oranges. Le mot vivre dans la grisaille et le silence de cette maison pauvre, le silence. Un coin de cuisine, aussi bien l’endroit du marché dans l’ensemble en pisé couleur d’ocre et de pierre blanchie de la ville. Ou comme dans le haut d’un champ que les gens y travaillent longtemps : mon enfance y ramasse n’importe quelle récolte elle s’accumule en couleur vive tout à l’heure on chargera tout dans la charrette le reste du champ sera plus qu’une surface de terre ou de chaume on le voit mal de plus en plus petit dans le monde autrefois demain je suis content d’avoir tout d’un coup ce carton de légumes comme un sourire en désordre. Comme si j’aimais quelqu’un quand je regarde longtemps la couleur d’une orange, le sol défait, le mur longtemps.
James Sacré, Une fin d’après-midi à Marrakech,
André Dimanche, 1988, p. 193.
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04/01/2024
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine
Oiseaux qui sont dans l’herbe en automne
Une caille est un geste
lancé dans le bleu un carré
de petit lotier (dessin
d’un village hangar et des tuiles
entre deux branches) geste lancé
par-dessus le buisson derrière
caillou tombé de la grande herbe
une ombre où dans le silence
bat son cœur d’ombre où ?
La perdrix elle pourrait être un bruit
dans ce poème (silence un automne et la
couleur des regains) si les mots...
rien qu’un motif
au bord de l’imagination : tache automne
orangé en (silence) d’un coq de roche — Brésil
ou braise en mon trou natal ; perdrix
rouge dans un regain (pas d’Amazonie) parlé
de plus en plus gris.
Une caille est tellement loin mais
presque sous mon pied (luzerne
en septembre le temps doré des
petits cailloux blancs) autrefois aujourd’hui
quelle trace : un poème aussi soudain (blanc
de la page rempli derrière la vitre un autre
espace en automne un arbre et des
petits mots noirs) aujourd’hui demain
quelle trace. Le mot caille est tellement
Loin. Poème comme un fusil.
[...]
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine,
repris dans Les Mots longtemps, Qu’est-ce que le
poème attend ?, Tarabuste, 2003, p. 81-82.
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06/07/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Comme une couture au temps
Parfois comme si, parce qu’on sait plus
Quoi dire ou comment faire, comme si
N’étaient plus possibles
Que des arrangements de mots, quasi-rien
Cousu au temps qui passe au bruit
De la tourterelle qu’on entend, à l’été.
On n’a que le mot poème
Pour penser à ce qui s’écrit :
Sans qu’on sache si pour finir
Quelque chose a pris.
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée,
Tarabuste, 2023, p. 293.
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05/07/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Le mot rien dans le mot vivant
Quand je serai presque plus rien (déjà
Me voilà pas grand chose),
Quand le corps ni l’esprit n’auront plus désir
De porter (de brandir) en de grands gestes insensés,
Je connaîtrai quelque chose de plus intensément nu :
Le rien de l’amitié. Drôle de pensée.
Évidemment le mot rien dès qu’on le dit
Se heurte à tout ce qui reste vivant,
Ce par quoi justement je touche (avec et sans précaution)
À ta parole à ta main, autant
Qu’à ton silence ou ton retrait.
Le mot rien dans le mot vivant ?
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée,
Tarabuste, 2023, p. 237.
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30/06/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Nom prénom comme (n’importe qui, personne)
Des visages sont aussi près de mon peu d’existence
Que les feuillages sans forme de la nuit ;
Leur sourire où je disparais m’emporte
En un mouvement de noir et d’étoiles.
Dans ces poèmes qui sont pour quelqu’un avec un nom précis je voudrais
Que ce soit les mêmes feuillages nocturnes
Dans le volume respirant de ce nom, le parfum de quelques autres
Je veux m’en aller dans la nuit.
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée, trois livres « marocains », postface Serge Martin, Tarabuste, 2023, p. 69.
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29/06/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Tu n’es jamais venu en Vendée
Dans une matinée tranquille de ce pays vendéen
Mon père me promène parmi les arbres qu’il a greffés
Surtout des cerisiers, avec déjà des fruits qui ont de la couleur
On peut penser à des miniatures amoureuses dans des livres de langue arabe
La fraîcheur d’un mélange d’herbe et de terre avive
Le rouge des castilles, et la lumière,
Est-ce que passer par les mots pourra transporter
Dans l’eau courante et la poussière d’un été marocain
La finesse et les fruits de ce jardin ? Sans doute ;
On pourrait lire de poème dans une maison qui a des couleurs de ciel et de cerise écrasée sur ses murs chaulés,
On vient de rafraîchir le sol avec de l’eau jetée, les sentiments
Sont beaucoup d’agréable silence, autant de patience et de politesse que dans un jardin.
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée, trois livres « marocains » , postface Serge Martin, Tarabuste, 2023, p.23.
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24/03/2023
James Sacré, De la matière autant que du sens
Mémoire
Ce qui reste dans la mémoire
N’est-il pas comme un support gravé
Qu’il faut remettre à l’endroit ?
Et pour y voir
On se demande souvent quoi.
James Sacré, De la matière autant que
du sens, Al Manar, 2023, p. 35.
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