03/01/2025
Paul Valéry, Tel quel
Chaque individu ne conçoit pas directement qu’il est homme — nul n’est homme — mais centre, but, base et fin de tout. Pas plus qu’il ne peut comprendre qu’il doit mourir, il ne peut comprendre qu’il n’est qu’un détail.
Et enfin il ne sait jamais les choses que par raison.
Toute morale prophétise.
La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
L’homme de goût est une manière d’incrédule.
Il ne croit pas à la surprise : unique loi des arts modernes.
Car la surprise est chose finie.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 591, 613, 615, 617.
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02/01/2025
Paul Valéry, Tel quel
L’homme est devant être dépensé : ou par les autres, ou par soi. Et c’est ce que l’on appelle sa valeur. Et ôtée cette valeur, l’homme n’est rien.
Toute morale repose, en définitive, sur la propriété humaine de jouer plusieurs personnages.
Le désir doit faire son objet, tandis que bassement c’est l’objet qui se fait désirer.
L’homme tend à nier ce qu’il ne sait pas affirmer (exprimer).
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, p. 577, 579, 581, 587.
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01/01/2025
Paul Valéry, Tel quel
Par le mythe vulgaire du bonheur, on peut faire des hommes à peu près ce que l’on veut, et tout ce que l’on veut des femmes.
Vieillir consiste à éprouver lez changement du stable.
Il ne faut demander au ciel que l’euphorie, et les moyens de s’en servir.
Écrivains. Ceux pour qui une phrase n’est pas un acte inconscient , analogue à la manducation et à la déglutition d’un homme préssé qui ne sent pas ce qu’il mange.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 541, 541, 542
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31/12/2024
Paul Valéry, Tel quel
Un « Fait » est ce qui se passe de signification.
Morale conservative
Il faut que ce soit le même qui possède ce champ, jouisse de tel bien. Et il faut que ce soit le même qui couche avec la même et la même avec le même.
C’est en quoi la morale est « ennuyeuse », impose la monotonie.
L’esprit libre a horreur de la compétition.
Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d’être faux.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 523, 535, 538, 539.
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30/12/2024
Paul Valéry, Tel quel
Si un être ne pouvait pas vivre une autre vie que la sienne, il ne pourrait pas vivre la sienne. Car la sienne n’est faite que d’une infinité d’accidents dont chacun peut appartenir à une autre vie.
Autorisation de se tuer, seulement au parfaitement heureux.
Le monde le plus élégant, le plus superficiel, le plus variable, le plus inutile, est le milieu le plus conforme au jugement qu’il faut porter sur l’ensemble des choses.
Ce qu’on aime, inspire. Être aimé, c’est inspirer, rendre quelqu’un inventif — producteur d’images, de prévenances, de ruses, de superstitions — de violences.
Ce qui m’est difficile m’est toujours nouveau.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p.500, 502, 505, 516. 517.
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29/12/2024
Paul Valéry, Tel quel
Sincérité
La sincérité voulue mène à la réflexion, qui mène au doute, qui ne mène à rien.
Les humains supplient silencieusement les humains de leur dire ce qu’ils ne pensent pas. Dites-nous ce que nous souhaiterions entendre ! Dites-moi quelque chose d’aimable, chantent les yeux.
La clarté dans les choses non pratiques résulte toujours d’une illusion.
L’ignorance vacille entre extrême audace et timidité.
Un état bien dangereux : croire comprendre.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 494, 494, 496, 496, 497.
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28/12/2024
Paul Valéry, Tel quel
La statue et la gloire sont formes du culte des morts, qui est une forme de l’ignorance.
La notion de « grand poète » a engendré plus de petits poètes qu’il n’en était raisonnablement à attendre des combinaisons du sort.
Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.
Amour consiste à sentir que l’on a cédé à l’autre ce qui n’était que pour soi.
On ne sait jamais avec qui l’on couche.
Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 487, 487, 489, 493, 493.
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27/12/2024
Paul Valéry, Tel quel
Ce qu’il y a de plus humain. Certains croient que la durée des œuvres tient à leur « humanité ». Ils s’efforcent d’être vrais.Mais quelle plus longue durée que celle des œuvres fantastiques ? Le faux et le merveilleux sont plus humains que l’homme vrai.
Tout poète vaudra enfin ce qu’il aura valu comme critique (de soi).
L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’un observateur.
Idée poétique est celle qui, mise en prose, réclame encore le vers.
Il faut être léger comme l’oiseau et non comme la plume.
Paul Valéry, Tel Quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 482, 483, 484, 485, 485.
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10/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
Le passé vit de hasards. Tout incident tire un souvenir.
Mon hasard est plus moi que moi.
Une personne n’est que réponses à quantité d’incidents impersonnels.
Il importe que le passé ne soit pas seulement à moitié mort.
Toute discussion se réduit à donner l’adversaire la couleur d’un sot ou la figure d’une canaille.
Duplicité :
Que si tu veux paraître jouer un double jeu et tenir double rôle, joue le tien. Pour paraître inconstant, il suffit de demeurer ce que l’on est, — constant ou non.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 879, 880, 881, 883, 885.
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09/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
Tous les jugements sur les hommes ou sur les œuvres qui sont louanges ou blâmes, sont des jugements de concierges : jugements de cerveaux qui sont à la porte des choses.
« Confier sa peine au papier »
Drôle d’idée. Origine de plus d’un livre, et de tous les plus mauvais.
Nous avons de quoi saisir ce qui n’existe pas et de quoi ne pas voir ce qui nous crève les yeux.
Quelle que doit la valeur, le pouvoir pénétrant d’une explication, c’est encore et toujours la chose qu’elle explique qui est la plus réelle, — et parmi sa réalité, précisément ce mystère qu’on a voulu dissiper.
Le naturel est ennuyeux.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 865, 866, 866, 871, 874.
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08/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
Conte
Il y eut autrefois un homme qui devint sage.
Il apprit à ne plus faire de geste ni de pas qui ne fussent utiles.
Peu après, on l’enferma.
Chaque homme sait une quantité prodigieuses de choses qu’il ignore, qu’il sait. Savoir tout ce que nous savons ? Cette simple recherche épuise la philosophie.
Ce qui est simple est toujours faux, ce qui ne l’est pas est inutilisable.
L’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 851, 863, 864, 864.
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05/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
Histoire
Dans l’histoire, les personnages qui n’ont pas eu la tête coupée, et les personnages qui n’ont pas fait couper de têtes disparaisssent sans laisser de traces.
Il faut être victime ou bourreau, ou sans aucune importance.
Si Richelieu n’eût pas usé de la hache, Robespierre de la guillotine, l’un serait moindre, l’autre effacé. Tout ceci est d’un mauvais exemple.
Le supplice du Christ fut l’origine d’une onde immense, et plus agissant sur les êtres que tous les miracles : sa mort plus sensible aux hommes que sa résurrection.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 837.
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04/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
L’homme se cramponne à ce qu’il croit valoir.
Être soi-même !... mais soi-même en vaut-il la peine ?
On ne pense réellement à soi et que l’on est soi que quand on ne pense à rien.
« Mets les rieurs de ton côté » — et le bateau chavire. Il te verse avec eux dans le vulgaire.
Chacun de nous est le seul être au monde qui ne soit pas toujours une mécanique.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade 1960, p. 806, 811, 814, 827, 828.
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03/06/2024
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres
Parfois la sottise, parfois la puissance de l’esprit, s’obstine contre le fait.
Ce qu’on appelle mystère du monde, mystère de la vie, n’est en soi pas plus profond que l’impuissance des yeux à voir le dos de leur homme.
La nuque est un mystère pour l’œil.
Il est impossible de penser sérieusement — avec des mots comme Classicisme, Romantisme, Humanisme, Réalisme…
On ne s’enivre ni ne se désaltère avec des étiquettes de bouteilles.
La lecture des histoires et romans set à tuer le temps de deuxième ou troisième qualité.
Le temps de première qualité n’a pas besoin qu’on le tue. C’est lui qui tue tous les livres. Il en engendre quelques-uns.
Le besoin de nouveau est signe de fatigue ou de faiblesse de l’esprit, qui demande ce qui lui manque.
Car il n’est rien qui ne soit nouveau.
Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 791, 797, 801, 801, 803.
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04/12/2021
Paul Valéry, Cahiers, II, Poésie
Je ne puis séparer mon idée de la poésie de celle de formations achevées — qui se suffisent, dont le son et les effets psychiques se répondent, avec un certain « indéfiniment ».
Alors, quelque chose est détachée, comme un fruit ou un enfant de sa génération et du possible qui baigne l’esprit — et s’oppose à la mutabilité des pensées et à la liberté du langage fonction.
Ce qui s’est produit et affirmé ainsi n’est plus de quelqu’un mais vomme la manifestation de propriétés intrinsèques, impersonnelles, de la fonction composée. Langage — se dégageant rarement dans des conditions aussi rarement réunies que celles qui font le carbone diamant. (1942)
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