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29/04/2017

Peter Gizzi, Chansons du seuil

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Micro explosion

 

Juste une petite chanson avec un soupçon de méchanceté.

Un micro chardon sous la ceinture.

 

C’est ça, tu vois,

ce pincement au sein du céruléen fabuleux.

 

Ne t’enfuis pas. Tourne-toi vers l’intérieur

à l’aide de ta maigre force.

 

C’est le plus constant qui gagne l’aventure.

Ce crieur de loto. Ce pont des soupirs.

 

Et maintenant que tu es là sois brave.

Vis tous azimuts.

 

Peter Gizzi, Chansons du seuil, traduit par

Stéphane Bouquet, Corti, 2017, p. 44.

01/02/2017

Alberto Giacometti, Écrits

 

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 (...)  Je suis certain de faire ce que je n’ai jamais fait encore et qui va rendre périmé ce que j’ai fait en sculpture jusqu’à hier soir ou jusqu’à ce matin. J’ai travaillé à cette sculpture jusqu’à 8 heures ce matin, je travaille maintenant : même si ce n’est encore rien du tout, pour moi elle est avancée sur ce qu’elle était, et une fois pour toutes. Ça ne revient jamais en arrière, plus jamais je ne ferai ce que j’ai fait hier soir. C’est la longue marche. Alors tout devient une espèce de délire exaltant pour moi. Exactement comme l’aventure la plus extraordinaire : je partirais sur un bateau dans des pays jamais vus et rencontrerais des îles et des habitants de plus en plus inattendus, que cela me ferait exactement cet effet-là.

   Cette aventure, je la vis bel et bien. Alors, qu’il y ait un résultat ou non, qu’est-ce que vous voulez que ça fasse ? Qu’à l’exposition il y ait des choses réussies ou ratées, ça m’est indifférent. Comme c’est raté de toute manière pour moi, je trouverais normal que les autres ne regardent même pas. Je n’ai rien à demander, sinon de continuer éperdument.

 

Alberto Giacometti, Écrits, présentés par Miche Leiris et Jacques Dupin, Hermann, 1990, p. 268.

26/12/2013

Jean Tardieu, Comme ceci comme cela

 

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                             Aventure

 

Était-ce hier ou dans un temps lointain ?

 

La vibration de l'air à peine on l'entendait

(C'était le cri de l'alouette invisible)

 

J'étais seul, habité par une multitude muette

où grondait la colère des mauvais jours.

 

Dans cette large plaine coulait sans doute un fleuve

et au-delà pâlissaient les montagnes mais on ne les

                                               [voyait pas

 

Le reflet de ma peine, identique à ma joie

plongeait dans les ténèbres

vides.

 

Quelqu'un passa, ou quelque chose

« Qui est là ? » — demandai-je

 

Nul ne répondit

Mais une feuille tomba

 

et le rideau s'entrouvrit

sur le paisible abîme de mes jours.

 

Jean Tardieu,  Comme ceci comme cela, Gallimard,

 

1979, p. 27-28.