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05/11/2025

Christian Prigent, Zapp & zip

christian prigent,zapp & zipp,onomatopée

Quant à ce que couramment on appelle poésie « contemporaine », poésie « vivante » (et que d’ailleurs on n’appelle plus ainsi que par commodité distraite : sans guère savoir de quoi l’on parle, sans nul souci de le savoir mieux), ça s’affaire plutôt à oublier la poésie : la poésie comme question posée aux parlants sur le fait qu’ils parlent et que parler fait justement d’eux des « poètes », même s’ils ne savent rien de ce qu’est la poésie, n’en lisent jamais, n’en écrivent pas.

Rien de neuf : il y aura toujours des démangés pour appeler poésie des expressions d’affects ou des jaculations d’opinons découpées en lignes d’inégale longueur, des chroniqueurs pour trouver ça très bien puisque ça parle du monde, dit « réel », des lecteurs attendris pour en prendre connaissance (en écoutant leur profération plutôt qu’en déchiffrant leur version écrite) parce que ça ne fait que répéter les connaissances qu’ils ont déjà.

La poésie inquiète elle-même (qui suis-je ? que puis-je ? où vais-je ?), soucieuse de ce qu’elle fut (encombrée du coup d’une lourde bibliothèque), curieuse de ce qu’elle sera (pas sûr a priori que son illusion ait quelque avenir), cette poésie-là n’a aucune chance face aux rengaines que l’époque nomme poèmes bien que ne les travaille aucune des questions que je dis (elle n’y croit pas (elle n’y voit que ringardise et manie intello.)

 

Christian Prigent, Zapp & zip, P.O.L, 2025, p. 680-681.

 

23/04/2017

Jack Kerouac, Livre des esquisses, 1952-954

Kerouac.JPG

Des bruits dans les bois

 

Caragou Caragine

criastouche, gobu,

bois-crache, trou-ou

boisvert, boisverts

Bzzbeille eskiliagou

arrang-câssez

craké-vieu

vert-oyant bzz

   herbzza beille

       Fruinionie

       Fruiniôme

           Démâchetefer

  • — Griiazzh

Griayonj —

 

Ou — une mouche

mutine malmène

un brin d’herbe —

Ou — La fourmi vite

file sur une feuille —

Ou — Village abandonné

           ma place dans l’éclaircie

           Ou — Je suis mort

               Ou — Je suis mort

               parce que tout

               est déjà arrivé

Je dois aller au-delà

dépasser cette mort

avancer

vers —

             le sol

 

vers —

             l’immensité

vers —

             la mousse sur les

             souches de Babylone

(…)

 

Jack Kerouac, Livre des esquisses, 1952-1954,

traduction Lucien Suel, La Table ronde, 2010,

  1. 100-102.

23/10/2015

Jacques Demarcq, Les Zozios

demarcqphoto-michel-durigneux.jpg

Photo Michel Durigneux

 

                  l’alouette des champs

 

(tu peux peu preux taré de près tout utudier !

au riche prix d’rythme et bruit m’éclipse et tout est dit

j’brise bing en mythe le vieux dieu creux du truc lyrique

qui vous dégougueuline en guiliguids sa vie

vile virilité tiède idée du viridique

(qu’une aile vienne à la stropheest-ce trop l’estropépier)

je dessille la niaise cécité du sugnifie

te ruine en rimes l’émue mimique du communique

« dreu-lui, dyidyidu ; tieu huittchip : tiuti-tuitutt »

l’douillet duvet du discours du discouru je déguenille

portées nues peau et tripe en poétrie je trille

trille le grimpe de l’ivresse et plus diverse y fuis

plus dissolu mon dividu s’insolitude

...jusqu’à s’ouvrir au vide et chute en chuchutuis...

Jacques Demarcq, Les Zozios, NOUS, 2008, p. 175.