17/05/2020
Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes
Horreur du monde d’avant.
Le singe le plus parfait ne peut pas dessiner un singe, seul l’homme le peut, mais il n’y a que l’homme également qui tienne cela pour un privilège.
Aujourd’hui, j’ai permis au soleil de se lever plus vite que moi.
En Cochinchine, lorsque quelqu’un dit doji (j’ai faim), les gens courent comme s’il y avait le feu pour lui apporter à manger. Dans bien des régions d’Allemagne, un besogneux pourrait dire j’ai faim, cela lui serait à peu près aussi utile que s’il disait doji.
De nos jours, trois saillies et un mensonge font un écrivain.
Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes, traduction Marthe Robert, Denoël, 1985, p. 117, 118, 119, 121, 125.
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14/01/2017
Daniil Harms, Œuvres en prose et en vers
Mais combien de mouvements divers
Courent impétueusement à sa rencontre
Un autre aide se hâte vers lui
Un autre char se meut encore
La fenêtre s'ouvre
Paisiblement s'approche
un éléphant. Le voilà le cher
spectral. Le voilà
le cher spectral.
Le voilà le cher
spectral. Le voilà
le cher spectral. Le voilà le jour
plein de souffrance. Rien à manger,
rien à manger, rien à manger.
J'ai faim. Oï oï oï !
J'ai faim. J'ai faim.
Voilà mon mot.
Je veux nourrir ma
femme. Je veux nourrir
ma femme. Nous avons très
faim.
Ah qu'il y a de choses
merveilleuses ! Ah qu'il y a
de choses merveilleuses !
Le vin et la viande. Le vin et la viande.
Le vin est plus agréable que le gruau.
Putain, putain, putain !
Le vin est plus agréable que le gruau.
Prenons prenigue prinigonfli !
La viande est meilleure que la pâte !
La viande est meilleure que la pâte !
Je ne mange que viande et légumes.
Je ne bois que bière et vodka.
Gongli gonfla !
Je n'aime pas les femmes russes.
La femme russe surtout si elle a maigri,
surtout si elle a maigri,
Gonfili gonfilette !
Surtout si elle a maigri,
Ça vaut pas tripette !
Pouah ! Pouah ! Pouah !
C'est une horreur !
J'aime les juives bien en chair !
Ça c'est adorable !
Ça c'est adorable !
Ça c'est,
Ça c'est,
Ça c'est adorable !
Je me conduis avec insolence.
Je me conduis avec extrême insolence.
(Saute à travers le tonneau).
Je me conduis avec insolence.
Gonfli gonfla !
J'aime manger de la viande,
Boire bière et vodka,
Manger viande et légumes
Boire bière et vodka.
Gonfilette gonfila !
Je veux manger de la viande !
Boire bière et vodka !
C'est comme ça !
(Saute à travers le tonneau !)
Harmonius
3 janvier 1938
Daniil Harms, Œuvres en prose et en vers, traduit du russe et annoté par Yvan Mignot, Verdier, 2005, p. 706-708.
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25/11/2016
Samuel Beckett, Les Os d'Écho et autres précipités
Le Vautour
traînant sa faim à travers le ciel
de mon crâne coquille de ciel et de terre
il s’abat sur ceux qui gisent mais qui bientôt
devront reprendre debout le cours de leur vie
leurré par une chair inutile
tant que faim terre ni ciel ne sont devenus charognes
Samuel Beckett, Les Os d’Écho [1935] et autres précipités,
traduit et présenté par Édith Fournier, Les éditions
de Minuit, 2002, p. 17.
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13/08/2016
Anna Glazova, Expérience du rêve
choses dont on a besoin
nées du besoin
autrement dit faim et froid,
ni se décomposant ni s’amaigrissant.
besoin dont est tissée la limite rugueuse du monde
choses importantes — signifiant
impondérables comme la lumière
et distinguer ce qui signifie
et ce que tu signifies
n’est pas nécessaire
mais il importe
que les signes discriminent
taillent
lumière entière autant qu’obscurité.
Anna Glazova, Expérience du rêve, traduit du russe
par Julia Holter et Jean-Claude Pinson, joca seria,
2015, p. 69.
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17/10/2013
Vélimir Khlebnikov (1885-1922), "Ladomir", dans Choix de poèmes
Ladomir
Ces châteaux du mondial mercantilisme
où brillent les entraves de la pauvreté,
un jour, extase et joie mauvaise sur ta face,
tu vas les réduire en cendres.
Toi, que les vieux débats ont épuisé,
qui as ta chambre de torture dans les étoiles,
apporte dans ta main la poudre détonante,
invite le palais à exploser.
Quand Dieu lui-même ressemble à une chaîne —
larbin des riches — où est ton couteau ?
Larbin servile des riches, kss, kss, kss !
Les pauvres s'excitaient, en te faisant la nique.
Comme un mendiant tu rampais vers le roi
et tu baisais ses lèvres.
Souffrant d'une sublime plaie,
déverrouillant les halos d'incendie,
tire la moustache du Verseau,
tape sur l'épaule de la constellation des Chiens !
[...]
Quand Dieu lui-même ressemble à une chaîne —
larbin des riches — où est ton couteau ?
En avant, forçats de la terre,
en avant, proie de la faim.
L'un travaille dans la poussière,
le malin engrange le grain.
En avant, forçats de la terre,
en avant, liberté d'avoir faim.
Quant à vous, rois de la vente,
on vous laisse vos yeux — pour pleurer.
Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes, édition bilingue,
traduit du russe par Luda Schnitzer, Pierre Jean Oswald,
1967, p. 157 et 159.
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