02/08/2017
Sylvia Plath, Arbres d'hiver
Premières heures
Vide, je renvoie l’écho du moindre bruit de pas.
Musée sans statues, grandiose avec ses piliers, portiques, rotondes.
Dans ma cour jaillit puis retombe une fontaine
Au cœur de nomme, aveugle au monde. Des lys de marbre
Exhalent leur pâleur come leur parfum.
Je m’imagine avec un vaste public,
Mère d’une blanche Niké et de plusieurs Apollon aux yeux nus.
À la place, les morts me blessent de leurs attentions, et il ne peut rien arriver.
Comme une infirmière muette et sans expression, la lune
Pose une main sur mon front.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie / Gallimard, 1999, p. 119.
10/02/2017
Sylvia Plath, Arbres d'hiver
Arbres d’hiver
Les lavis bleus de l’aube se diluent doucement.
Posé sur son buvard de brume
Chaque arbre est un dessin d’herbier —
Mémoire accroissant cercle à cercle
Une série d’alliances.
Purs de clabaudages et d’avortements,
Plus vrais que des femmes,
Ils sont de semaison si simple !
Frôlant les souffles déliés
Mais plongeant profond dans l’histoire —
Et longés d’ailes, ouverts à l’au-delà.
En cela pareils à Léda.
Ô mère des feuillages, mère de la douceur
Qui sont ces vierges de pitié ?
Des ombres de ramiers usant leur berceuse inutile.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée,
traduction Françoise Morvan et Valérie Rouzeau,
Poésie / Gallimard, 1999, p. 175.
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18/01/2015
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée
Mort-nés
Ces poèmes ne vivent pas : c’est un triste diagnostic.
Ils ont pourtant bien poussé leurs doigts et leurs orteils,
Leur petit front bombé par la concentration.
S’il ne leur a pas été donné d’aller et venir comme des humains
Ce ne fut pas du tout faute d’amour maternel.
Ô je ne peux comprendre ce qui leur est arrivé !
Rien ne leur manque, ils sont correctement constitués.
Ils se tiennent si sagement dans le liquide formique !
Ils sourient, sourient, sourient, sourient de moi.
Et pourtant les poumons ne veulent pas se remplir ni le cœur s’animer.
Ils ne sont pas des porcs, ils ne sont pas même des poissons,
Bien qu’ils aient un air de porc et de poisson —
Ce serait mieux s’ils étaient vivants, et ils l’étaient.
Mais ils sont morts, et leur mère presque morte d’affolement,
Et ils écarquillent bêtement les yeux , et ne parlent pas d’elle.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, édition bilingue,
présentation de Sylvie Doizelet, traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie/Gallimard, 1999, p. 89.
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12/08/2012
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée
Mort-nés
Ces poèmes ne vivent pas : c’est un triste diagnostic.
Ils ont pourtant bien poussé leurs doigts et leurs orteils,
Leur petit front bombé par la concentration.
S’il ne leur a pas été donné d’aller et venir comme des humains
Ce ne fut pas du tout faute d’amour maternel.
Ô je ne peux comprendre ce qui leur est arrivé !
Rien ne leur manque, ils sont correctement constitués.
Ils se tiennent si sagement dans le liquide formique !
Ils sourient, sourient, sourient, sourient de moi.
Et pourtant les poumons ne veulent pas se remplir ni le cœur s’animer.
Ils ne sont pas des porcs, ils ne sont pas même des poissons,
Bien qu’ils aient un air de porc et de poisson —
Ce serait mieux s’ils étaient vivants, et ils l’étaient.
Mais ils sont morts, et leur mère presque morte d’affolement,
Et ils écarquillent bêtement les yeux , et ne parlent pas d’elle.
Stillborn
These poems do not live : it’s a sad diagnosis.
They grew their toes and fingers well enough,
Their little foreheads bulged with cincentration.
If they missed out on walking about like people
It wasn’t for any lack of mother-love.
O I cannot understand what happened to them !
They are proper in shape and number and every part.
They sit so nicely in the pickling fluid !
They smile and smile and smile and smile at me.
And still the lungs won’t fill and the heat won’t start.
They are not pigs, they are not even fish,
Though they have a piggy and a fishy air —
It would be better if they were alive, and that’s what they were.
But they are dead, and their mother near dead with distraction.
And their stupidly stare, and do not speak of her.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, édition
bilingue, présentation de Sylvie Doizelet, Traductions de
Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie/Gallimard,
1999, p. 88 ( texte anglais)-89.
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