08/05/2017
Françoise Morvan, Gitan & Glaïeuls, dans Babel heureuse
Gitan
Un foulard crasseux brille
Peint de soleils et de chardons
Sur fond de suie violette
Idole au front courbé
Tout luisant de sueur et d'huile
Il lève un sourire aux dents claires
Et la lumière à plis d’étole
Ondule autour des boucles noires
Pour se poser sur les épaules ruisselantes
Glaïeuls
Fleurs tigrées que l’on porte aux morts
Anthères saillant jaune au fond de l’ombre
Lys œil de tigre abysse de mémoire
Glaïeuls moulés d'un bloc comme de cire
Dans l'orange éclaté d'un bulbe
Laissés sur le marbre à reflets miroitants
Au bas du bourg où la fête foraine éclate
Dans une odeur de sucre et d’amande brûlée
Avec crépitements de tirs les fleurs de l’Assomption
Vivent leur temps de vie sous le soleil.
Françoise Morvan, dans Babel heureuse,
avril 2017, n° 1, p. 107 et 110.
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25/05/2015
Sylvia Plath, Arbres d'hiver, précédé de La Traversée
Premières heures
Vide, je renvoie l’écho du moindre bruit de pas,
Musée sans statues, grandiose avec ses piliers, portiques, rotondes.
Dans ma cour jaillit et puis retombe une fontaine
Au cœur de nonne, aveugle au monde. Des lys de marbre
Exhalent leur pâleur comme du parfum .
Je m’imagine avec un vaste public,
Mère d’une blanche Nikê et de plusieurs Apollon aux yeux nus.
À la place, les morts me blessent de leurs attentions, et il ne peut [rien arriver.
Comme une infirmière muette et sans expression, la lune
Pose une main sur mon front.
Sylvia Plath, La Traversée, dans Arbres d’hiver, traductionFrançoise Morvan, précédé de La Traversée, traduction Valérie Rouzeau, Poésie / Gallimard, 1999, p. 119.
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18/01/2015
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée
Mort-nés
Ces poèmes ne vivent pas : c’est un triste diagnostic.
Ils ont pourtant bien poussé leurs doigts et leurs orteils,
Leur petit front bombé par la concentration.
S’il ne leur a pas été donné d’aller et venir comme des humains
Ce ne fut pas du tout faute d’amour maternel.
Ô je ne peux comprendre ce qui leur est arrivé !
Rien ne leur manque, ils sont correctement constitués.
Ils se tiennent si sagement dans le liquide formique !
Ils sourient, sourient, sourient, sourient de moi.
Et pourtant les poumons ne veulent pas se remplir ni le cœur s’animer.
Ils ne sont pas des porcs, ils ne sont pas même des poissons,
Bien qu’ils aient un air de porc et de poisson —
Ce serait mieux s’ils étaient vivants, et ils l’étaient.
Mais ils sont morts, et leur mère presque morte d’affolement,
Et ils écarquillent bêtement les yeux , et ne parlent pas d’elle.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, édition bilingue,
présentation de Sylvie Doizelet, traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie/Gallimard, 1999, p. 89.
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12/08/2012
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée
Mort-nés
Ces poèmes ne vivent pas : c’est un triste diagnostic.
Ils ont pourtant bien poussé leurs doigts et leurs orteils,
Leur petit front bombé par la concentration.
S’il ne leur a pas été donné d’aller et venir comme des humains
Ce ne fut pas du tout faute d’amour maternel.
Ô je ne peux comprendre ce qui leur est arrivé !
Rien ne leur manque, ils sont correctement constitués.
Ils se tiennent si sagement dans le liquide formique !
Ils sourient, sourient, sourient, sourient de moi.
Et pourtant les poumons ne veulent pas se remplir ni le cœur s’animer.
Ils ne sont pas des porcs, ils ne sont pas même des poissons,
Bien qu’ils aient un air de porc et de poisson —
Ce serait mieux s’ils étaient vivants, et ils l’étaient.
Mais ils sont morts, et leur mère presque morte d’affolement,
Et ils écarquillent bêtement les yeux , et ne parlent pas d’elle.
Stillborn
These poems do not live : it’s a sad diagnosis.
They grew their toes and fingers well enough,
Their little foreheads bulged with cincentration.
If they missed out on walking about like people
It wasn’t for any lack of mother-love.
O I cannot understand what happened to them !
They are proper in shape and number and every part.
They sit so nicely in the pickling fluid !
They smile and smile and smile and smile at me.
And still the lungs won’t fill and the heat won’t start.
They are not pigs, they are not even fish,
Though they have a piggy and a fishy air —
It would be better if they were alive, and that’s what they were.
But they are dead, and their mother near dead with distraction.
And their stupidly stare, and do not speak of her.
Sylvia Plath, Arbres d’hiver, précédé de La Traversée, édition
bilingue, présentation de Sylvie Doizelet, Traductions de
Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie/Gallimard,
1999, p. 88 ( texte anglais)-89.
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24/04/2012
Sylvia Plath, Arbres d'hiver, précédé de La Traversée
Appréhensions
Il y a ce mur blanc, au-dessus duquel le ciel se crée —
Infini, vert, totalement intouchable.
Les anges y nagent, et les étoiles, dans l'indifférence aussi.
Ils sont mon milieu.
Le soleil se dissout sur ce mur, il saigne ses lumières.
Un mur gris maintenant, griffé, ensanglanté.
N'y a-t-il aucune issue hors de l'esprit ?
Dans mon dos des marches descendent en spirale au fond d'un puits;
Il n'y a pas d'arbres ni d'oiseaux en ce monde,
Il n'y a qu'une aigreur.
Ce mur rouge se crispe continuellement :
Un poing rouge qui s'ouvre et se ferme,
Deux sacs gris, parcheminés —
C'est de cela que je suis faite, cela et une terreur
D'être emportée dans un lit roulant sous des croix et une plume
de pietà.
Sur un mur noir, des oiseaux non identifiables
Font pivoter leur tête et crient.
Il n'est pas question d'immortalité parmi ceux-là !
Un vide glacé vient à notre rencontre :
Il nous rejoindra vite.
There is this white hall, above which the sky creates itself —
Infinite, green, utterly untouchable.
Angels swim in it, and the stars, in indifference also.
There are my medium.
The sun dissolves on this wall, bleeding its lights.
A grey wall now, clawed and bloody.
Is there no way out of the mind ?
Steps at my back spiral into a well.
There are no trée orbirds in this world
There is only a sourness.
This red wall winces continually :
A red fist, opening and closing,
Two grey, papery bags —
This what I am made of, this and a terror
Of being wheeld off under crsses and a rain of pietas.
On a black wall, unindentifiable birds
Swivel their heads and cry.
There is no talk of immortality among them !
Cold blanks approach us :
They move in a hurry.
Sylvia Plath, Arbres d'hiver, traduit par Françoise Morvan, précédé de La Traversée, traduit par Valérie Rouzeau, présentation de Sylvie Doizelet, édition bilingue, Poésie / Gallimard, 1999, p. 147 et 149, 146 et 148.
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