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09/12/2021

Camille Loivier, éparpillements

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je suis dans la maison des rêves    tant

de gens rêvent d’une maison    de s’y maintenir

ils passent des années    à la réparer   à

l’aménager    parfois toute une vie si bien

qu’à la fin    chaque pièce est pleine à craquer

et le jardin laisse     à peine plus     de liberté

alors     à ce moment-là     on s’arrête

(la maison explose)

la main exposée

 

l’araignée à longues pattes qui grimpe sur le mur

en plein milieu      n’est pas craintive     elle est

chez elle     sans nul doute     fine et jeune

la maison file     au bout de     ses pattes

 

il   n’y   a  personne   à    l’intérieur

 

Camille Loivier, éparpillements, isabelle sauvage,

                                        2017, p. 71.

03/03/2016

Joseph Joubert, Carnets, II

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1805

 

... comme une araignée qui n’aurait pas de pattes n’aurait pas moins en elle-même l’habileté d’ourdir sa toile.

 

Quiconque n’est jamais dupe n’est pas ami.

 

De ce qu’il faut pour vivre avec les autres — ­et — de ce qu’il faut pour vivre avec soi-même.

 

1806

 

Ils se tiennent aux portes et ne voient que par les barreaux.

 

La grande affaire de l’homme c’est la vie, et la grande affaire de la vie c’est la mort.

 

La vie entière est employée à s’occuper des autres : nous en passons une moitié à les aimer, l’autre moitié à en médire.

 

Joseph Joubert, Carnets II, Gallimard, 1994 [1938], p. 76, 87, 87, 95, 100, 100.

20/01/2014

Jean-Loup Trassard, L'amitié des abeilles

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         Photo Olivier Roller

Une semaine avec Jean-Loup Trassard

 

À la maison, les portes sont barricadées par les toiles d'araignées, les verrous bloqués, les serrures sèches et mortes, la mâchoire fermée. Les vitres reflètent la nuit sans mon ombre, je pousse et tout grince comme dans la défaire de quelque mauvaise fée. J'entre parmi les souvenirs suspendus.

   Il y a là comme une odeur d'absence. Et pourtant, quelque chose de léger, obstiné même, se tient devant moi, derrière aussi quand je m'avance. Nous avons vécu là et chaque objet transpire, distille infiniment notre ancienne présence. Nous avons attendu pendant de longues heures. Errant comme à l'intérieur de notre propre corps, ayant poussé dehors, pour un temps, tout le reste du monde. Pendant les jours de pluie, un parfum de cœur s'est mêlé dans le bois, dans le marbre peut-être... J'entre et tout se resserre... Les morceaux de la coquille se collent, ils savent sans rien dire que je ne suis pas un étranger. Je reviens, invisible, les parquets en craquant reconnaissent mes pas.

 

Jean-Loup Trassard, L'amitié des abeilles, Le temps qu'il fait, 1961, p. 33.