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08/05/2018

Isabelle Lévesque, Pierre Dhainaut, La grande année

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Au milieu des prairies, chaque année,

nous guettons le jour où fleurira le cerisier,

nous ne doutons jamais de la surprise,

 

de la fête augurale : il nous enseigne

à maintenir, l’année entière, le regard

qui ne flétrit pas l’arbre fidèle.

 

Pierre Dhainaut, dans Isabelle Lévesque et

D., La grande année, L’herbe qui tremble,

2018, p. 26.

 

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Ici, Aux Andelys

 

L’ombre d’un cercle dépossédé

glisse dans la nuit.

Si léger.

 

Ascension cavalière. Blanc comme songe,

la falaise a terrassé les monstres,

il reste un peu de givre sur nos lèvres.

 

Les marguerites capturent la lumière.

Nous savons deuxqui résonne et tombe.

 

À midi tout recommence.

 

Isabelle Lévesque, dans voir supra, p. 89.

 

17/02/2018

Antonio Porchia, Voix abandonnées

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Ce qui naît de ce monde porte dès la naissance la vieillesse de ce monde.

 

Quand on se met à nous voir comme ceci, comme cela, on ne nous voit pas.

 

Toute personne anonyme est parfaite.

 

Un homme est un homme avec les autres : seul il n’est personne.

 

S’éveiller est toujours une surprise.

 

Antonio Porchia, Voix abandonnées, traduction de l’espagnol (Argentine) Fernand Verhesen, éditions Unes, 1991, p. 23, 29, 31, 33, 39.

28/08/2014

Walter Benjamin, La lune

                         

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                                    La lune

 

   La lumière qui coule de la lune n'éclaire pas le théâtre de notre existence diurne. Le périmètre baigné par sa lueur égarante semble appartenir à une contre-terre ou à une terre seconde. Ce n'est pas celle que la lune suit comme son satellite, c'est une terre à son tour transformée en satellite de la lune. Son vaste sein, dont la respiration était le temps, ne se soulève plus ; la création est enfin rentrée chez elle, et peut remettre le voile de veuve que le jour lui avait arraché. C'est ce que me donnait à comprendre le rayon blafard qui se glissait vers moi à travers les lames de la jalousie Mon sommeil était agité, découpé par l'arrivée et le départ de la lune. Quand elle était là et que je me réveillais, je me trouvais expulsé de ma chambre, qui ne semblait vouloir héberger personne d'autre qu'elle. La première chose sur laquelle tombaient alors mes yeux, c'étaient les deux cuvettes couleur crème de ma vaisselle de toilette. Pendant la journée, je n'aurais jamais songé à m'y attarder. Mais à la lumière de la lune, la bande bleue qui courait à la partie supérieure des cuvettes était une offense. Elle imitait un ruban de tissu bleu glissé à travers un ourlet. Et de fait, le bord des cuvettes était plissé comme une collerette. Entre les deux cuvettes se trouvaient de lourds brocs de la même porcelaine, portant le même motif floral. Ils s'entrechoquaient quand je quittais mon lit, et leur tintement se propageait sue le plateau de marbre de la table de toilette, se communiquait aux bols et aux godets. Quoique je me réjouisse de surprendre dans mon environnement nocturne un signe de vie — et ne fût-ce que l'écho de la mienne propre —, celui-ci n'avait rien de fiable et en ami déloyal attendait de me duper. [...]

 

Walter Benjamin, La lune, traduit de l'allemand par Pierre Rusch, dans Europe, "Walter Benjamin", avril 2013, n° 1008, p. 9-10.