29/01/2017
Laure (Laure Colette Peignot), Écrits
La vie répond — ce n’est pas vain
on peut agir
contre — pour
La vie exige
le mouvement
La vie c’est le cours du sang
le sang ne s’arrête pas de courir dans les veines
je ne peux pas m’arrêter de vivre
d’aimer els êtres humains
comme j’aime les plantes
de voir dans les regards une réponse ou un appel
de sonder les regards comme un scaphandre
mais rester là
entre la vie et la mort
à disséquer des idées
épiloguer sur le désespoir
Non
ou tout de suite : le revolver
il y a des regards comme le fond de la mer
et je reste là
quelques fois je marche et les regards sr croisent
tout en algues et détritus
d’autres fois chaque être est une réponse ou un appel
Écrits de Laure, Jean-Jacques Pauvert, 1971, p. 150.
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19/01/2016
Jules Supervielle, La Fable du monde
L’enfant et la rivière
De sa rive l’enfance
Nous regarde couler :
« Quelle est cette rivière
Où mes pieds sont mouillés ;
Ces barques agrandies,
Ces reflets dévoilés,
Cette confusion
Où je me reconnais,
Quelle est cette façon
D’être et d’avoir été ?
Et moi qui ne peux pas répondre
Je me fais songe pour passer aux pieds d’une ombre.
Jules Supervielle, La Fable du monde, dans
Œuvres poétiques complètes, Pléiade / Gallimard,
1996, p. 389-390.
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08/01/2016
Rachel Blau Duplessis, Brouillons — traduction Auxeméry
Brouillon 89 : Interrogatoire.
Tout cela, pourquoi en as-tu été touchée à ce point ?
La soif, d’aller ici, là, partout.
Et où va-t-on quand on part de là ?
Il n’était pas prévu que ce soit une impasse.
Es-tu prête ?
Jamais de ma vie.
Déclares-tu ici bien être l’auteur des termes que tu employais ?
Non, il y avait quelque chose qui dépassait l’idée d’auteur.
As-tu eu plaisir à déposer ?
C’est devenu une condition de mon travail.
En réponse à quoi, exactement ?
À deux mots, un de ses poèmes, jadis, ‘’cendres froides’’.
C’est arrivé quand ?
À moment donné, il y a longtemps, mais encore en ce moment.
En es-tu vraiment à ce point de désespoir ?
Dépend des fois, et d’où. Oui et non.
De quelle sorte de confession s’agit-il ?
Je ne fais pas de confession, j’expose seulement des faits.
Naïveté de ta part, non ?
Ça oui, je peux l’avouer.
Où en as-tu entendu parler ?
Sur la toile, dans l’air du temps, ici ou là.
Tu es à l’écoute, mais comme de façon surnaturelle.
Elle, quand je l’ai entendu en parler, c’est comme si moi, j’en avais parlé.
La déclaration que tu as faite était donc exacte ?
Je ne sais pas ; c’est une déclaration venue d’ici ou là
Il y a trop de vague dans tout ça : ici ou là, jadis ou maintenant.
Je ne fais que donner les réponses, c’est toi qui poses les questions.
Mais ton opinion réelle, elle ne peut pas se résumer à ça.
Je ne veux pas renoncer à la poésie —
Et elle, elle n’a perdu tout espoir en l’écriture...
mais moi, c’est tous les jours que la poésie m’exaspère.
Pourquoi dis-tu ça ? C’est faire du sentiment, apparemment.
Adéquation entre langue telle que produite, et telle que reçue.
Peut-on savoir ce qu’on risque de trouver là, finalement ?
Quelqu’un d’entortillé dans un auto-interrogatoire.
[...]
Rachel Blaud Duplessis, Brouillons, traduit par Auxeméry
avec la collaboration de Chris Tysh, Corti, 2013, p. 217-218.
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25/06/2014
Muriel Rukeyser (1923-1980), dans Olivier Apert, Une anthologie bilingue
Mythe
Longtemps après, Œdipe, âgé et aveugle, cheminait.
Il flaira une odeur familière. C'était
la Sphinx. Œdipe dit, « Je voulais te poser une question.
Pourquoi n'ai-je pas reconnu ma mère ? » « Tu as donné la
mauvaise réponse », dit la Sphinx. « Mais cela rendait
pourtant
toute chose possible », dit Œdipe. « Non », dit-elle.
« Quand je demandai, Qu'est-ce qui marche à quatre pattes le matin,
à deux le midi, à trois le soir, tu répondis
l'Homme. Tu n'as rien dit à propos de la femme. »
« Lorsque tu dis l'Homme », dit Œdipe, « tu entends aussi femme.
Chacun sait cela. » Elle dit, « c'est ce que
tu crois. »
Myth
Long afterward, Œdipus, old and blinded, walk the
roads. He smells a familiard smell. It was
the Sphinx. Œdipus said, "I want to ask one question.
Why didn't I recghnize my mother?" "You gave the
wrong answer" said the Sphnx. "But tat was what
made everything possible." said Œdipus. "No," she said.
"When I asked, What walks on four legs in the morning,
two at noon, and then three in the evening, you answered
Man. You din't say anything about woman."
"When you say Man" said dipus, ' you include women
too. Everyoneknow that. She said, 'That's what
you think."
Muriel Rukeyser, dans Olivier Apert, Une anthologie bilingue de la
poésie féminine américaine du XXe siècle, Le Temps des cerises, 2014,
p. 83 et 82.
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