22/02/2018
Laure, Écrits
Je le sens bien maintenant : « mon devoir m'est remis » lequel exactement ?
C'est parfois si lourd et si dur que je voudrais courir dans la campagne.
Nager dans la rivière
oublier tout ce qui fut, oublier l'enfance sordide et timorée, le vendredi Saint, le mercredi des cendres,
l'enfance tout endeuillée à odeur de crêpe et de naphtaline.
L'adolescence hâve et tourmentée.
Les mains d'anémiée.
Oublier le Sublime et l'infâme
Les gestes hiératiques
Les grimaces démoniaques.
Oublier
Tout élan falsifié
Tout espoir étouffé
Ce goût de cendres
Oublier qu'à vouloir tout
on ne peut rien
Vivre enfin
« Ni tourmentante
Ni tourmentée »
Remonter le cours des fleuves
Retrouver les sources des montagnes
les femmes les vrais hommes travailleurs
qui enfantent
moissonnant
M'étendre dans les prairies
Quitter ce climat
Ses dunes, ses landes sablonneuses, cette grisaille et ses déserts artificiels,
Ce désespoir dont on fait vertu,
Ce désespoir qui se boit
se sirote à la terrasse des cafés
s'édite... et ne demanderait qu'à nourrir très bien son homme
Vivre enfin
Sans s'accuser
ni se justifier
Victime
ou coupable
Comment dire ?
Un tremblement de terre m'a dévastée
On t'a mordu l'âme
Enfant !
Et ces cris et ces plaintes
Et cette faiblesse native
Oui —
Et s'ils ont vu mes larmes
Que ma tête s'enfonce
jusqu'à toucher
le bois
et la terre.
Écrits de Laure, précédé de Ma mère diagonale de Jérôme Peignot, avec une "vie de Laure" par Georges Bataille, Pauvert, 1971, p. 227-229.
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29/01/2017
Laure (Laure Colette Peignot), Écrits
La vie répond — ce n’est pas vain
on peut agir
contre — pour
La vie exige
le mouvement
La vie c’est le cours du sang
le sang ne s’arrête pas de courir dans les veines
je ne peux pas m’arrêter de vivre
d’aimer els êtres humains
comme j’aime les plantes
de voir dans les regards une réponse ou un appel
de sonder les regards comme un scaphandre
mais rester là
entre la vie et la mort
à disséquer des idées
épiloguer sur le désespoir
Non
ou tout de suite : le revolver
il y a des regards comme le fond de la mer
et je reste là
quelques fois je marche et les regards sr croisent
tout en algues et détritus
d’autres fois chaque être est une réponse ou un appel
Écrits de Laure, Jean-Jacques Pauvert, 1971, p. 150.
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13/01/2015
Écrits de Laure, texte établi par Jérôme Peignot et le Collectif Change
De la fenêtre présente et invisible
je voyais tous mes amis
se partageant ma vie
en lambeaux
ils rongeaient jusqu’aux os
et ne voulant pas perdre un si beau morceau
se disputaient la carcasse
La solitude ronge comme un chancre
Briser ce cercle
Arracher ce baillon
Tristesse et Amertume
rongent, rongent, rongent
le cœur comme les rats
Honte à toi
sans doute ?
Mais pas sûrement
un si curieux décalage
des mots
Qui braver ?
Le quotidien
le gris le terne
Que m’importe où je suis
si je sais où je vais
puis-je savoir où je vais
sans connaître où je suis
je peux le savoir
dans la mesure où je me situe
Aujourd’hui
c’est l’heure trouble
dans les rues grises et désertes
l’heure où les chauffeurs d’autobus
excédés des journées
enfilent des avenues
qui s’écartent toutes nues comme
des jambes de femme
chacun est rentré chez soi
pour oublier
dans les oins du ménage
qu’il ferait bon vivre
sous le soleil.
À chaque départ
Je prenais le train
Là même où les acrobates
font le saut périlleux :
sous les voûtes vitrées
des grandes gares
Écrits de Laure, texte établi par Jérôme
Peignot et le Collectif Change, éditions
Jean-Jacques Pauvert, 1977, p. 90, 121, 141.
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23/03/2013
Écrits de Laure
Je le sens bien maintenant : « mon devoir m'est remis » lequel exactement ?
C'est parfois si lourd et si dur que je voudrais courir dans la campagne.
Nager dans la rivière
oublier tout ce qui fut, oublier l'enfance sordide et timorée, le vendredi Saint, le mercredi des cendres,
l'enfance tout endeuillée à odeur de crêpe et de naphtaline.
L'adolescence hâve et tourmentée.
Les mains d'anémiée.
Oublier le Sublime et l'infâme
Les gestes hiératiques
Les grimaces démoniaques.
Oublier
Tout élan falsifié
Tout espoir étouffé
Ce goût de cendres
Oublier qu'à vouloir tout
on ne peut rien
Vivre enfin
« Ni tourmentante
Ni tourmentée »
Remonter le cours des fleuves
Retrouver les sources des montagnes
les femmes les vrais hommes travailleurs
qui enfantent
moissonnant
M'étendre dans les prairies
Quitter ce climat
Ses dunes, ses landes sablonneuses, cette grisaille et ses déserts artificiels,
Ce désespoir dont on fait vertu,
Ce désespoir qui se boit
se sirote à la terrasse des cafés
s'édite... et ne demanderait qu'à nourrir très bien son homme
Vivre enfin
Sans s'accuser
ni se justifier
Victime
ou coupable
Comment dire ?
Un tremblement de terre m'a dévastée
On t'a mordu l'âme
Enfant !
Et ces cris et ces plaintes
Et cette faiblesse native
Oui —
Et s'ils ont vu mes larmes
Que ma tête s'enfonce
jusqu'à toucher
le bois
et la terre.
Écrits de Laure, précédé de Ma mère diagonale de Jérôme Peignot, avec un "vie de Laure" par Georges Bataille, Pauvert, 1971, p. 227-229.
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