02/09/2014
Joseph Joubert, Carnets
Sur nos chaises européennes, l'homme paraît uniquement propre à remuer la langue comme si sa seule destination était de parler.
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
Il y a, me direz-vous, peu de gens assez faits pour prendre ce parti. Eh qu'ils ne se plaignent donc pas s'ils n'ont pas d'amis, ils n'en veulent pas.
Nous avons reçu le monde comme un héritage qu'il n'est permis à aucun de nous de détériorer, mais que chaque génération au contraire est obligée de laisser meilleur à sa postérité.
On n'aime qu'une fois, disent les chansons ; c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul âge qui soit véritablement propre à l'amour.
[...] tout sentiment religieux est un sentiment servile et quiconque s'agenouille devant Dieu se façonne à se prosterner devant un roi.
On ne tolèrera aucune intolérance.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994 (1938), p. 72, 75, 91, 110, 119, 132.
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01/09/2013
Samuel Beckett, mirlitonnades (1976-1978)
mirlitonnades (1976-1978)
silence tel que ce qui fut
avant jamais ne sera plus
par le murmure déchiré
d'une parole sans passé
d'avoir trop dit n'en pouvant plus
jurant de ne se taire plus
*
écoute-les
ajouter
les mots
aux mots
sans mot
les pas
aux pas
un à
un
*
imagine si ceci
un jour ceci
un beau jour
imagine
si un jour
un beau jour ceci
cessait
imagine
*
ce qu'ont les yeux
mal vu de bien
les doigts laissé
de bien filer
serre-les bien
les doigts les yeux
le bien revient
en mieux
Samuel Beckett, Poèmes, suivi de mirlitonnades,
éditions de Minuit, 1978, p. 34, 34, 35, 39.
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