01/05/2017
Fernando Pessoa, Le violon enchanté, écrits anglais
Le Pont
Répands sur moi comme rosée
Des baisers, et ce sera le matin
À travers mon esprit émergeant du sommeil.
Mon chef courbé, grisonnant, orne-le
De laurier, que je puisse apercevoir
Mon ombre couronnée et sourire même l’âme endeuillée.
Bien que mon chef soit incliné,
Tes pieds, chaussés d’espoir,
Passent et son éloquents
En ce sens qu’ils n’ont pas de cesse.
Quelque part dans l’herbe ils se mêlent
À cette part de moi qui est en quête de vérité.
Soyons amants, oh oui !
Par-delà toute concorde charnelle,
Amants dans un style nouveau
Qui n’a besoin de mots ni de regards.
Ainsi abstrait, notre amour peut
N’étant pas nôtre, n’être qu’une vague brise d’Être Pur.
Fernando Pessoa, Le violon enchanté, écrits anglais, Christian Bourgois, 1992, p. 197.
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02/08/2014
Jean Ristat, Le théâtre du ciel, Une lecture de Rimbaud
E blanc
Scène 1
La mort couche dans mon lit elle a les dents blanches
Patauger dans la nuit appelle-t-on cela
Vivre O dans ma bouche l’ancolie amère
Des jours anciens mon vieux Verlaine rien ne sert
De pleurer au temps des souvenirs la partie
Est déjà perdue tu n’avais pas su le
Retenir il courait plus vite que le vent
Amants de la mort qu’attendiez-vous de la vie
Il n’aurait fallu qu’un mot peut-être à ta lèvre
Dolente et non le chapelet à l’angélus
Ah l’ordre comme un petit serpent fourbe arrive
Toujours quad le clocher sonne douze au clair de
Lune le christ O vieille démangeaison
Pauvre lélian habité par un fantôme à
La jambe de bois l’autre en toi O moulin à
Prières
Scène 2
Que cherchais-tu en franchissant le saint-gothard
À demi enseveli dans la neige quelle
Porte par où t’enfuir encore et toujours
O toi l’ébloui sans sommeil dévoré par
Les mouches du rêve et que l’éclair divise à
Jamais hagard comme le faucon
Scène 3
Elle venait sans que j’y prenne garde à pas
De loup et ce cœur en moi s’usait peu à peu
À battre la chamade je ne l’avais pas
Reconnue tant son visage était pâle et
Ressemblait à s’y méprendre à la blanche nuit
Ses regards enjôleurs me grisaient doucement
O comme elle était tendre lorsqu’elle voulut
Me prendre par surprise au petit matin calme
J’aurais pu te quitter sans avoir baisé ta
Bouche tandis qu’à m’étreindre elle buvait mon
Sang O la camarde ma camarade attends
Encore un peu je n’ai pas fini d’inventer
Pour lui les mots du nouvel amour
Jean Ristat, Le théâtre du ciel, Une lecture de Rimbaud,
Gallimard, 2009, p. 39-41.
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11/07/2013
Jude Stéfan, Disparates
1930
ce dimanche
l'amoureuse penche la tête
au mont des martyrs à la
goutte d'or des vignes
la conductrice de tramway
sur l'épaule reconquise
du chiffonnier aux guenilles
que les yeux meurent les premiers
et les ongles les derniers Ils
s'en raillent
en chantonnant
en descendant enlacés vers
la rumba la java
par les rampes
vers les casquettes et les tournures
suées et fumées
avant de s'aliter
pour s'enlanguer s'endormir vers
leur lendemain ouvrable
Jude Stéfan, Disparates, Gallimard, 2012, p. 27.
©Photo Chantal Tanet
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