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30/09/2023

Antoinette Deshoulières, De rose alors ne reste que l'épine

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   Épître chagrine à Mademoiselle*** 

                                        

Quel espoir vous séduit ? quelle gloire vous tente ?

         Quel caprice ! A quoi pensez-vous ?

         Vous voulez devenir savante ?

Hélas ! du bel esprit savez-vous les dégoûts ?

Ce nom jadis si beau, si révéré de tous,

         N’a plus rien, aimable Amarante,  

         Ni d'honorable, ni de doux.      

(…)

Pourrez-vous toujours voir votre Cabinet plein

         Et de pédants et de poètes

Qui vous fatigueront avec un front serein

         Des sottises qu’ils auront faites ?

 

Pourrez-vous supporter qu’un Fat de qualité

Qui sait à peine lire, et qu’un caprice guide,

         De tous vos ouvrages décide ?

 

Un esprit de malignité

Dans le monde a su se répandre.

On achète un bon livre afin de s’en moquer,

C’est de plus longs travaux le fruit qu’il faut attendre :

         Personne ne lit pour apprendre ;

         On ne lit que pour critiquer.

(…)

Antoinette Deshoulières, De rose alors ne reste que l’épine,

édition Sophie Tonolo, Poésie/Gallimard, 2023, p. 39.

16/07/2023

Joseph Joubert, Carnets

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Toute inconstance est un tâtonnement.

Il est impossible d’aimer deux fois la même personne.

Ils prennent l’art pour la nature.

Le beau, c’est l’intelligence rendue sensible. Ainsi un son même n’est beau que lorsqu’il est tel qu’il n’a pu être produit que par l’intelligence et non par le hasard.

Dans la vieillesse on ne vaut plus que par des qualités de réflexion. On les garde en dépit de l’âge parce que notre intérêt perpétuel est de les avoir.

 

Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 143, 253, 300, 307, 309.

17/01/2016

Gaspara Stampa (1523-1554), Poèmes

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   Pleurez, dames, et toi amour, pleurez ensemble,

car il ne pleure pas celui qui tellement

me blessa, que bientôt mon âme va quitter

     ce corps supplicié !

 

   Et si jamais cœur noble et sensible exauça

les ultimes soupirs d’une voix qui s’éteint,

lors, par vos soins, ma sépulture portera

     la cause de mes peines.

 

   « Un grand amour trop mal aimé fut le malheur

de ma vie, et j’en suis morte. Ici repose

     l’amoureuse la plus fidèle du monde.

 

   Tes prières, passant, pour qu’elle dorme en paix,

victime qui t’enseigne à ne point t’attacher  

     à cœur cruel toujours insaisissable. »

 

   Piangete, donne, e con voi pianga, Amore,

poi che non piange lui, che m’ha ferita

si, che l’alma farà tosto partita

da questo corpo tormentato fuore.

 

   E, s emai da pictoso e gentil core

l’estrema voce altrui fu essaudita,

dapoi ch’io sarò lorta e sepelita,

scrivete la cagion del mio dolore :

 

   « Per amar molto ed esser poco amata

visse e morì infelice, ed or qui giace

la più fidel amante che sia stata.

 

   Pregale, viator, riposo e pace,

od impara da lei, si mal trattata,

a non seguir un cor ceudo e fugace. »

 

Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann,

Poésie / Gallimard, 1991, p. 105 et 104.