02/06/2018
Romain Fustier, Terre-Mer
ce sentiment de marcher là où personne
n’a encore marché, je l’éprouve comme
elle sur cette grève à marée basse, à
cet instant – aucune trace de pas qui
soient passés avant nous – une illusion de
sonder une terre-mer inconnue, vide
qui m’habite tout à coup, déambulant
: la plage immense semble naître par nous
qui la découvrons ainsi qu’un continent
infoulé, abrité des foules urbaines
– le vent vif et mordant a renouvelé
la côte, l’a revigorée : sauvagiode
de dunes se formant le long des régions
où nous avançons en sol meuble, mobile
.
*
.
elle fait un bruit fou, la mer – elle avise
que nous ne nous entendons plus quand le flot
se fracasse sur les rochers, au pied du
poste de surveillance fermé en cette
saison – il a déjà vêtu l’estran, di-
géré la plage où nous marchions le soir de
notre arrivée, jouions au ballon là où
de méchantes vagues moussantes se forment
– le boucan aussi est blanc parmi le blanc
qu’elles abattent : nos paroles s’y en-
volent, s’y noient dans le vent fort autour
de nous – la grève a disparu à marée
haute, m’absorbant dans l’observation franche
de la paix qui en découle étonnamment
Romain Fustier, Terre-Mer (extrait d'un travail en cours), dans Catastrophes, revue numérique, 30 mai 2018.
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01/06/2018
Anne Malaprade, parole, personne
Corps publié
« une ancienne et très vague mais jalouse pratique »
touts et toutes reconnaissent, les faunes
à travers le feuillage lisent
et déchirent, ils se nourrissent de ce que
les mots progressent sous la peau
ce cauchemar au cours duquel les fourmis nageaient sur
l’expression sanguine
je consens à coagulation ne donne âme sans corps
tous et toutes évoquent les oiseaux, la glace sur feu
une musique russe module le temps des cerises et je suis
moqueuse
merle noir court sur tes lignes
un corps en soie dont l’odeur entête nos vêtements
les élèves coulent l’ennui fleuve j’y jette ce que le rose doit à la rose
tous les mots pour un corps
tous et toutes jouent leur travail de malice
ma lecture sans aucun doute incapable puis coupable
Anne Malaprade, parole, personne, isabelle sauvage, 2018, p. 83.
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