03/02/2018
Hilda Doolittle, Trilogie
Les murs ne tombent pas
[1]
Un incident ici et là,
grilles confisquées (pour les canons)
dans ton (et mon) vieux square :
brume et gris brumeux, pas de couleur,
mais abeille, poudre et lièvre de Luxor
poursuivent un but inaltérable
en vert, rose-rouge, lapis ;
ils continuent à prophétiser
depuis le papyrus de pierre :
là-bas, comme ici, ruine ouvre
la tombe, le temple ; entre
là-bas comme ici, aucune porte :
le lieu saint est ouvert au ciel,
la pluie tombe, ici, là-bas
le sable glisse ; l’éternité endure :
ruine partout, or comme le toit tombé
laisse la chambre scellée
ouverte à l’air,
ainsi, dans notre désolation,
des pensées s’éveillent, l’inspiration nous traque
dans l’obscurité :
[…]
H(ilda) D(oolite), Trilogie, traduction Bernard
Hoepffner, Corti,2011, p. 9.
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21/05/2015
Hilda Doolittle, Trilogie
Hommage aux anges
[1]
Hermès Trismégiste
est le patron des alchimistes ;
sa province est la pensée,
inventive, rusée et curieuse ;
son métal est le vif-argent,
ses clients, orateurs, voleurs et poètes ;
vole donc, ô orateur,
pille, ô poète,
prends ce que la vieille église
trouva dans la tombe de Mithra,
bougie et écriture et cloche,
prends ce sur quoi la nouvelle église a craché
ce qu’elle a détruit et cassé ;
ramasse les fragments de verre brisé
et de ton feu et de ton haleine,
fais fondre et intègre,
ré-invoque, re-crée
l’opale, l’onyx, l’obsidienne,
à présent éparpillés en tessons
que foulent les humains.
H[ilda] D[oolittle], Trilogie, traduit par Bernard
Hoepffner, Corti, 2011, p. 57-58.
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06/02/2015
Hilda Doolittle, Trilogie
La floraison du bâton
[8]
Je suis tellement heureuse,
je suis la première ou la dernière
d’un vol ou d’un essaim ;
je suis pleine de nouveau vin ;
je suis marquée par un mot,
je suis brûlée par le bois,
tirée de braises rougeoyantes,
ni coupée, ni marquée par l’acier ;
je suis la première ou la dernière à renoncer
au fer, à l’acier, au métal ;
je suis allée en avant,
je suis allée en arrière,
je suis allée de l’avant depuis le bronze et le fer,
jusque dans l’Âge d’Or.
H(ilda) D(oolittle), Trilogie, traduit par Bernard
Hoepffner, Corti, 2011, p. 105.
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23/02/2012
H[ilda] D[oolittle], Trilogie
Les murs ne tombent pas
[1]
Un incident ici et là,
grilles confisquées (pour les canons)
dans ton (et mon) vieux square :
brume et gris brumeux, pas de couleur,
mais abeille, poussin et lièvre de Luxor
poursuivent un but inaltérable
en vert, rose-rouge, lapis ;
ils continuent à prophétiser
depuis le papyrus de pierre :
là-bas, comme ici, ruine ouvre
la tombe, le temple ; entre
là-bas comme ici, aucune porte :
le lieu saint est ouvert au ciel,
la pluie tombe, ici, là-bas
le sable glisse ; l'éternité endure :
ruine partout, or comme le toit tombé
laisse la chambre scellée
ouverte à l'air,
ainsi, dans notre désolation,
des pensées s'éveillent, l'inspiration nous traque
dans l'obscurité :
sans le savoir, Esprit annonce la Présence ;
nous sommes pris de frissons,
comme autrefois, Samuel :
tremblant à un coin de rues connu,
nous ignorons et sommes ignorés ;
la Pythie prononce — nous nous rendons
dans une autre cave, vers un autre mur tranché
où de pauvres ustensiles sont montrés
comme des objets rares dans un musée ;
Pompéi n'a rien à nous apprendre,
nous connaissons la fissure volcanique,
le flot lent de la terrible lave,
pression sur le cœur, les poumons, cerveau
prêt à rompre dans son fragile écrin
(tout ce que le crâne peut endurer !) :
au-dessus de nous, feu apocryphe,
au-dessous, la terre tangue, le sol penche,
déclivité d'un trottoir
où des hommes titubent, ivres
d'une nouvelle confusion,
sorcellerie, possession :
la structure d'os n'était pas faite pour
un tel choc tissé dans la terreur
pourtant le squelette a résisté :
la chair ? elle a fondu,
le cœur, brûlé, braises mortes,
tendons, muscles brisés, bogue externe démembrée,
pourtant la charpente a tenu :
nous avons passé la flamme, surpris —
sauvé par quoi ? pour quoi ?
H[ilda] D[oolittle], Trilogie, traduit par Bernard Hoepffner,
éditions Corti, 2011, p. 9-11.
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