23/02/2012
H[ilda] D[oolittle], Trilogie
Les murs ne tombent pas
[1]
Un incident ici et là,
grilles confisquées (pour les canons)
dans ton (et mon) vieux square :
brume et gris brumeux, pas de couleur,
mais abeille, poussin et lièvre de Luxor
poursuivent un but inaltérable
en vert, rose-rouge, lapis ;
ils continuent à prophétiser
depuis le papyrus de pierre :
là-bas, comme ici, ruine ouvre
la tombe, le temple ; entre
là-bas comme ici, aucune porte :
le lieu saint est ouvert au ciel,
la pluie tombe, ici, là-bas
le sable glisse ; l'éternité endure :
ruine partout, or comme le toit tombé
laisse la chambre scellée
ouverte à l'air,
ainsi, dans notre désolation,
des pensées s'éveillent, l'inspiration nous traque
dans l'obscurité :
sans le savoir, Esprit annonce la Présence ;
nous sommes pris de frissons,
comme autrefois, Samuel :
tremblant à un coin de rues connu,
nous ignorons et sommes ignorés ;
la Pythie prononce — nous nous rendons
dans une autre cave, vers un autre mur tranché
où de pauvres ustensiles sont montrés
comme des objets rares dans un musée ;
Pompéi n'a rien à nous apprendre,
nous connaissons la fissure volcanique,
le flot lent de la terrible lave,
pression sur le cœur, les poumons, cerveau
prêt à rompre dans son fragile écrin
(tout ce que le crâne peut endurer !) :
au-dessus de nous, feu apocryphe,
au-dessous, la terre tangue, le sol penche,
déclivité d'un trottoir
où des hommes titubent, ivres
d'une nouvelle confusion,
sorcellerie, possession :
la structure d'os n'était pas faite pour
un tel choc tissé dans la terreur
pourtant le squelette a résisté :
la chair ? elle a fondu,
le cœur, brûlé, braises mortes,
tendons, muscles brisés, bogue externe démembrée,
pourtant la charpente a tenu :
nous avons passé la flamme, surpris —
sauvé par quoi ? pour quoi ?
H[ilda] D[oolittle], Trilogie, traduit par Bernard Hoepffner,
éditions Corti, 2011, p. 9-11.
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