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10/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Écrire pour quelqu’un, c’est comme écrire à quelqu’un : on se croit tout de suite de mentir.

Le peuple ne nous comprend pas. Nous le comprenons encore bien moins.

Mes bonheurs, je les ai presque toujours eus par maladresse.

Il vaudrait mieux se taire toujours. On ne dit rien quand on parle. Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent.

Nous avons tous quelqu’un que notre mort arrangerait.

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1151, 1152, 1153, 1160, 1164.

21/05/2022

Michel Leiris, À cor et à cri

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Que le discours même le plus sensé soit incapable d’imposer silence aux méchants dont les agissements ensanglantent notre planète et, même à froid, vont à l’encontre de la justice la plus élémentaire, cela ne dévalorise-t-il pas toute forme de parole et n’incite-t-il pas à tout simplement se taire, sans que — ressort autre que l’idée trop utopique de moraliser, prêcher ou chapitrer — la réflexion sur ce qu’on peut attendre encore de la parole devienne prétexte à un autre discours. Me borner, donc, aux demandes et réponses qu’exige la vie telle qu’elle est et me garder d’ajouter à ce strict nécessaire sans relief ni visage d’élégants exercices de funambule. Mais dans quel vide intolérable m’abîmerai-je, antennes coupées, si je tenais ma langue à ce point ! Littérairement me taire : je pourrai dire aussi bien me « terrer » voire « m’enterrer ».

 

Michel Leiris, À cor et à cri, Gallimard, 1988, p. 95.

18/06/2018

Norge, Le stupéfait

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             Tout tout

 

Je voulais tout et quand j’eus tout,

     – Mais savez-vous planter des choux ?

J’eus tout et je ne sus qu’en faire

     – À la mode de chez nous

Ce tout-là, ce n’était qu’enfer.

 

T’en as déjà trop dit, Prosper,

Tu ferais mieux de nous servir

Quelque chose qui désaltère

Au lieu de pousser des soupirs.

         … Mais savez-vous planter des choux ?

T’en as déjà trop dit, Prosper,

Et t’aurais mieux fait de te taire

Et de boire encore un bon coup

         Au lieu de pousser des glouglous

         À la mode de chez nous !

 

Norge, Le stupéfait, Gallimard, 1988, p. 49.

 

 

19/01/2017

Anne Calas, Honneur aux serrures

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Je me tais

devant les platanes nus

et le ciel presque [je me tais]

nuages brossés d’acier

totalement tendrement tragiquement aimés

bras levés, haut levés, dressés par dizaines érigés

invoquant, suppliant

intimant l’ordre intimidant

de t’aimer

 

 

Pourquoi prends-tu cet air pensif ?

parce que je pense à quelque chose

une chair neigeuse une lumière poudrée

une inadvertance rapide un

nuage d’inconscience

 

[je me tais parce que je n’ai plus rien à dire

 

Anne Calas, Honneur aux serrures, isabelle sauvage,

2016, p. 76-77.