19/03/2018
Sylvie Durbec, (bien difficile de) Transformer la jalousie en ballon rond
Bien difficile
s’asseoir café des Miroirs
en face de Dino Campana
en espérant que n’entre pas
celle que je n’attends pas
grise mais les yeux ouverts
là où je suis assise
Caffè degli Specchi
à me demander quoi voir
ce soir
à part elle à part moi
dans le noir
bien difficile
et ensuite y aller d’un bon pas
en revenir en repartir
avec un ballon
sous le bras
c’est une maison
qui commence
son histoire
ici
Sylvie Durbec, (bien difficile de) transformer
la jalousie en ballon rond, Le phare du cousseix,
2018, p. 5.
nouvelle publication des éditions
le phare du cousseix
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06/05/2016
Giorgio Caproni, Le Mur de la terre
Il battait
(Hommage à Dino Campana)
Il battait le nom (il le battait
Précisément, comme
On bat de la monnaie) et la frappe
(mais celle-ci battait
obstinément), le sens
(la valeur) dans le vent
(dans le souffle de pandémonium
sur Oregina) heurté
se perdait dans la mer
d’aluminium — avec la morte
fumée de la cheminée
de la citerne, dont l’éclair
ferme qui, ferme, secouait
la tôle — que, encore,
lui, battait
obstinément (et battait) (comme
on bat une médaille) dans le nom
vide qui se perdait
au vent que, Lui, battait.
Giorgio Caproni, Le Mur de la terre,
traduction Philippe Di Meo , Atelier
La Feugraie, 2002, p. 49.
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24/06/2015
Dino Campana, Chants orphiques
Jardin d’automne
Vers le jardin spectral et le laurier muet
Aux vertes guirlandes
Vers la terre automnale
Un dernier salut !
Vers les pentes arides
Apres rougies dans la fin du soleil
Désordre de rauques rumeurs
Crie la vie lointaine :
Crie au soleil mourant
Qui ensanglante les massifs.
On entend une fanfare
Qui monte déchirante : le fleuve disparaît
Dans les sables dorés : dans le silence
Les statues blanches se dressent, tournées
Vers la tête des ponts : et les choses déjà ne sont plus.
Et du profond silence, une sorte de chœur
Grandiose et tendre
Surgit et soupire vers mon balcon :
Et en arôme de laurier
En arôme d’âcre laurier languissant,
Parmi les statues immortelles dans le crépuscule
Elle m’apparaît présente.
(Florence)
Dino Campana, Chants orphiques, traduction de l’italien par Michel Sager, Seghers, 1977, p. 49.
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04/09/2012
Dino Campana, Chants orphiques
La chimère
Je ne sais si entre des rochers ton pâle
Visage m’apparut, ou si un sourire
De lointains ignorés
Tu fus, baissé le front
D’ivoire éblouissant ou une jeune
Sur de la Joconde :
Ou des printemps défunts
Pour tes pâleurs mythiques
La Reine ou la Reine adolescente :
Mais pour ton poème ignoré
De douleur et de volupté
Musique jeune fille exsangue,
Marqué de lignes de sang
Dans le cercle des lèvres sinueuses,
Reine de la mélodie :
Mais pour ta vierge tête
Penchée, moi poète nocturne
J’ai veillé les vives étoiles dans les prairies du ciel,
Moi pour ton doux mystère,
Moi pour ta démarche taciturne.
Je ne sais si des cheveux la pâle
Flamme fut la marque
Vivante de sa pâleur,
Je ne sais si ce fut une douce vapeur,
Douce sur ma douleur,
Sourire d’un visage nocturne :
Je regarde les rochers blancs les sources muettes des vents
Et l’immobilité des firmaments
Et les ruisseaux gonflés qui vont pleurant
Et les ombres du travail humain penchées sur les margelles souffrantes
Et toujours dans de tendres cieux des lointaines claires ombres courantes
Et toujours je t ‘appelle je t’appelle Chimère.
Non so se tra roccie il tuo pallido
Viso m’apparve, o sorriso
Di lontananze ignote
Fosti, la china eburnea
Fronte fulgente o giovine
Suora de la Gioconda :
O delle primavere
Spente, per i tuoi mitici pallori
O regina o Regina adolescente :
Ma peril tuo ignoto poema
Di voluttà e di dolore
Musica fanciulla esangue,
Segnato di linea di sangue
Nel cerchio della labbra sinuose,
Regina de la melodia :
Ma per il vergine capo
Reclino, io poeta notturno
Vegliai le stelle vivide nei pelaghi del cielo,
Io per il tuo divenir taciturno.
Non so se la fiamma pallida
Fu dei capelli il vivente
Segno del suo pallore,
Non so se fu un dolce vapore,
Dolce sul mio dolore,
Sorriso di un volto notturno :
Guardo le bianche rocce le mute fonti dei venti
E l’immobilità dei firmamenti
E igonfii rivi che vanno pliangenti
E l’ombre del lavoro umano curve là sui poggi algenti
E ancora per teneri cieli lontane chiare ombre correnti
E ancora ti chiamo ti chiamo Chimera.
Dino Campana, Chants orphiques, édition bilingue, introduction de Maria Luisa Spaziani, postface et traduction de l’italien de Michel Sager, Seghers, 1977, p. 46-49.
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