24/02/2025
Dino Campana, Chants orphiques
La chimère
Je ne sais si entre des rochers ton pâle
Visage m’apparut, ou si un sourire
De lointains ignorés
Tu fus, baissé le front
D’ivoire éblouissant ou une jeune
Sœur de la Joconde :
Ou des printemps défunts
Pour tes pâleurs mythiques
La Reine ou la Reine adolescente :
Mais pour ton poème ignoré
De douleur et de volupté
Musique jeune fille exsangue,
Marqué de lignes de sang
Dans le cercle des lèvres sinueuses,
Reine de la mélodie :
Mais pour ta vierge tête
Penchée, moi poète nocturne
J’ai veillé les vives étoiles dans les prairies du ciel,
Moi pour ton doux mystère,
Moi pour ta démarche taciturne.
Je ne sais si des cheveux la pâle
Flamme fut la marque
Vivante de sa pâleur,
Je ne sais si ce fut une douce vapeur,
Douce sur ma douleur,
Sourire d’un visage nocturne :
Je regarde les rochers blancs les sources muettes des vents
Et l’immobilité des firmaments
Et les ruisseaux gonflés qui vont pleurant
Et les ombres du travail humain penchées sur les margelles souffrantes
Et toujours dans de tendres cieux des lointaines claires ombres courantes
Et toujours je t'appelle je t’appelle Chimère.
Dino Campana, Chants orphiques, édition bilingue, introduction de Maria Luisa Spaziani, postface et traduction de l’italien de Michel Sager, Seghers, 1977, p. 46-47.
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