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14/10/2019

Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Sonnets d'amour

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             Sonnets d’amour, XI

 

Tous mes propos jadis ne vous faisoient instance

Que de l’ardent amour dont j’estois embrazé.

Mais depuis que votre œil sur moy s’est appaisé

Je ne puis vous parler rien que de ma constance.

 

L’ammour mesme de qui j’esprouve l’assistance

Qui sçait combien l’esprit de l’homme est fort aisé

D’aller aux changements, se tient comme abusé

Voyant qu’en vous aimant j’aime sans repentance.

 

Il s’en remonstre assez qui qui bruslent vivement,

Mais la fin de leur feu, qui s’en va consommant,

N’est qu’un brin de fumée et qu’un morceau de cendre.

 

Je laisse es amans croupir en leurs humeurs

Et me tiens pour content, s’il vous plaist de comprendre

Que mon feu ne sçaurait mourir si je meurs.

 

Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Droz, 1978, p. 59.

14/11/2017

Jean de Sponde, Œuvres littéraires

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Tandis que dedans l’air un autre air je respire,

Et qu’à l’envy du feu j’allume mon désir,

Que j’enfle contre l’eau les eaux de mon plaisir,

Et que me colle à Terre un importun martyre,

 

Cet air tousjours m’anime, et le désir m’attire,

Je recherche à monceaux les plaisirs à choisir,

Mon martyre eslevé me vient encore saisir,

Et de tous mes travaux le dernier est le pire.

 

À la fin je me trouve en un estrange esmoy,

Car ces divers effets ne sont que contre moy ;

C’est mourir que de vivre en cette peine extrême.

 

Voilà comme la vie à l’abandon s’espard,

Chaque part de ce Monde en emporte sa part,

Et la moindre à la fin est celle de nous mesme.

 

Jean de Sponde, L’essay de poèmes chrétiens, dans Œuvres

littéraires, Droz, Genève, 1978, p. 259.

08/12/2016

Jean de Sponde, Œuvres littéraires

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Qui sont, qui sont ceux-là, dont le cœur idolâtre,

Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs ?

Et qui sont ces valets, et qui sont ces seigneurs ?

Et ces Ames d’Ébène, et ces Faces d’Albastre ?

 

Ces masques desguisez, dont la troupe folastre,

S’amuse à caresser je ne scay quels donneurs

De fumées de Court, et ces entrepreneurs

De vaincre encore le Ciel qu’ils ne peuvent combattre ?

 

Qui sont ces lovayeurs qui s’esloignent du Port ?

Hommagers à la vie, et félons à la Mort,

Dont l’estoille est leur Bien, le vent leur Fantasie ?

 

Je vogue en mesme mer, et craindroy de périr,

Si ce n’est que je scay que ceste mesme vie

N’est rien que le fanal qui me guide au mourir.

 

Jean de Sponde, Œuvres littéraires, édition Alan Boase,

Droz, 1978, p. 261.

27/02/2014

Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Les amours

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                       Les amours

 

                           XXIII

 

   Il est vray, mon amour estoit sujet au change,

Avant que j'eusse appris d'aimer solidement,

Mais si je n'eusse veu cest astre consumant,

Je n'aurois point encor acquis ceste loüange.

 

 

   Ore je voy combien c'est une humeur estrange

De vivre, mais mourir, parmy le changement,

Et que l'amour luy mesme en gronde tellement

Qu'il est certain qu'en fin, quoy qu'il tarde, il s'en vange.

 

   Si tu prens un chemin apres tant de destours,

Un bord apres l'orage, et puis reprens ton cours,

En l'orage, aux destours, s'il survient le naufrage

 

   Ou l'erreur, on dira que tu l'as merité.

Si l'amour n'est point feint, il aura le courage

De ne changer non plus que fait la verité.

 

Jean de Sponde, Œuvres littéraires, introduction et notes par Alan Boase, Droz, 1978, p. 71.