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22/08/2011

Sylvia Plath, Ariel (traduction Valérie Rouzeau)

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Mort & Cie

 

Deux, bien sûr, ils sont deux.

Ça paraît tout à fait évident maintenant —

Il y a celui qui ne lève jamais la tête,

L’œil comme une œuvre de Blake,

Et affiche

 

Les taches de naissance qui sont sa marque de fabrique —

La cicatrice d’eau bouillante,

Le nu

Vert-de-gris du condor.

Je suis un morceau de viande rouge. Son bec


Claque à côté : ce n’est pas cette fois qu’il m’aura.

Il me dit que je ne sais pas photographier.

Il me dit que les bébés sont tellement

Mignons à voir dans leur glacière

D’hôpital : une simple


Collerette,

Et leur habit funèbre

Aux cannelures helléniques,

Et leurs deux petits pieds.

Il ne sourit pas, il ne fume pas.

L’autre si,

Avec sa longue chevelure trompeuse.

Salaud

Qui masturbe un rayon lumineux,

Qui veut qu’on l’aime à tout prix.


Je ne bronche pas.

Le givre crée une fleur,

La rosée une étoile,

La cloche funèbre,

La cloche funèbre.

 

Quelqu’un quelque part est foutu.

 

Sylvia Plath, Ariel, présentation et traduction de Valérie Rouzeau, Poésie / Gallimard, 2011, p. 45-46.

 

 

        Death & CO.

 

Two, of course they are two.

It seems perfectly natural now —

The one who never looks up, whose eyes are lidded

And balled, like Blake’s,

Who exhibits


The birthmarks that are his trademark —

The scald scar of water,

The nude

Verdigris of the condor.

I am red meat. His beak


Claps sidewise : I am not his yet.

He tells me how badly I photograph

He tells me how sweet

The babies look in their hospital

Icebox, a simple


Frill at the neck,

Then the flutings of their Ionian

Death-gowns,

Then two little feet.

He does not smile or smoke.

 

 

 

 

The other does that,

His hair long and plausive.

Bastard

Masturbating a glitter,

He wants to be loved.

 


 

I do not stir,

 

The frost makes a flower,

 

The dew makes a star,

 

The dead bell,

 

The dead bell.

 

 

Somebody’s done for.

 

Sylvia Plath, Ariel, Faber and Faber, London, 1988 [1965 by Ted Hughes], p. 38-39.

13/05/2011

Franck Venaille, Chaos

 

venaillegd.jpgAmères sont nos pensées sur la vie Amè-

Res sont-elles ! Il suffit — ô amertume ! —

D’un instant, tel celui où ce cerf-volant

Échappant à l’enfant se brises sur les gla-

Ciers du vent pour que disparaisse ce

Bonheur d’aller pieds nus sur le sable

Amers de savoir que ce sont sur des éclats

De verre que nous marchons. Que nous

                                                     Nous dirigeons, chair à vif, vers la mort —


 

 

On naît déjà mort

 

Ah ! ce mur d’anxiété

            qui

      peu à peu

      m’enserre

 

         ALORS

 

            que

je demande simplement à quitter la scène

      fut-ce par la sortie bon secours

 

Ce sont toujours les mêmes qui pratiquent l’autopsie

De leur propre corps

Cela tient du cheval vapeur ouvert dégoulinant de viscères

noirs.

 

          Rien !

     On naît rien.

 

     Vite on recoud vite le cadavre vite !

 

   déjà fané avant l’heure légale

   

           Vite !


 

Franck Venaille, Chaos, Mercure de France, 2006, p. 57 et 90.