04/07/2011
Ludovic Degroote, Pensées des morts
je pense à eux
qui ne pensent sans doute pas toujours à moi
J’essaie de les suivre durablement dans leurs histoires de mort
ça fait une vie pour soi comme toutes les histoires
en attendant nous de passer à l’histoire
on la précède un peu
***
tel et tel : grand travail de trou dans le corps, y enterrent la mémoire des autres, dans la disparition de leur peau, les morts nous traversent, me peuplent avec ces vides entre eux corps visibles et constitués, mémoire multiple, hissé dans cette faille les mains agrippées à la lèvre du corps apparu
a mis tant de temps à mourir , peut-être qu’il n’y arrivait pas bien en dépit de tous ses efforts, les autres n’attendaient que ça, fin d’espoir, on le disait à le regarder accroché
pluie dedans, mémoire qui mouille le corps, il se lève, il franchit le silence, il se tient comme il peut, rythme tenant sur un souffle, pareil à ces ponts de métal élastiques, il se rejoint
toute son enfance est restée dans cette mort, et ce qui a poussé ensuite — ombre sans corps
Ludovic Degroote, Pensées des morts, éditions Tarabuste, 2002, p. 31 et 63.
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12/04/2011
Aurélie Loiseleur, Entrées en matière
Entrées en corps
[…]
Qui est mal dans sa peau qu’il se gratte : ça desquame.
Jambes mâchent.
Démarrage de la souffrance pavoisée de fleurs rougies par grand froid : mourir le démange. Mauvais vouloir
avec des lentes illusions qui le grouillent.
Sa main intenable.
Il vint : virus.
Avoir tant cru en son profil borgne qu’il révèlerait
L’autre côté donne froid : partager savoir la mort à l’œuvre dans ce
qu’elle couche.
Terre contaminée évolue en théâtre : acteur d’extrême bord
de scène tombe au rang de spectateur connaît tous ses trucs d’avoir déjoué ses rôles.
Comme il se glisse du monde trop lâche.
Se dépecer de ses pensées : impossible
Jambes hachent.
Le harcèlent graissées par grande halte à se quitter.
Pays d’apparence somnolent se dérobe sous lui.
Qui en remontre à son écorché (surnu) s’ose plus qu’obscène : suicidé.
Atteinte de porose : monde l’entre
mange
peau est pont
passant dans son perméable idées s’interposent elle
pense avec ses sens.
Trouvée au pied des montagnes
de son corps dénudé en statue se ronge le devenir
universel.
Dort à la merci du monde craint
L’épidermie se déclare.
Qui rêve en non-langue
c’est dur à discourir : chien mis à errer
lui donne à dévorer son reste.
Concepts calcifiés.
Balle tête pansue.
Ciel se déverse en vase.
Arbres tètent leurs reflets au fleuve de marbre.
Aurélie Loiseleur, Entrées en matières, éditions NOUS, 2010, p. 38-39.
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