04/07/2024
Paul de Roux, Entrevoir
Zone de fracture
Et de même qu’un homme arrive à sa fin
soudain une époque est révolue
et ce n’est que longtemps après qu’on s’en aperçoit
une nouvelle génération s’étonne du passé
mais ceux-là qui vécurent au moment fatal
s’ils souffrirent, eux, ne s’en étonnèrent pas
et le charme de la nouveauté était passé :
il avait été pour les aïeuls, le délassement de leur âge mûr
quand ils souriaient à un avenir gracieux, quand pas une tasse
ne manquait encore au service de porcelaine fine.
Paul de Roux, Le front contre la vitre, dans Entrevoir, Poésie/Gallimard, 2014, p.196.
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03/07/2024
Michel Leiris, La ruban au cou d'Olympia
A l’inverse d’Olympia nue, Nana corsetée et juponnée n’a auprès d’elle pour l’honorer ni domestique d’une autre raee ni animal d’une autre espèce mais seulement montré assis et de profil dans la partie droite du tableau — un bourgeois d’êge moyen à haut de forme ,habit noir et plastron blanc, miché par qui la femme objet semble jaugée tout comme l’œuvre elle-même le sera par l’amateur.
Olympia, Nana : nullement femmes fatales mais fabricantes de plaisir comme il y a des gens qui fabriquent des armes et d’autres du chocolat.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 259.
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02/07/2024
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Le colza dont le jaune agace les dents et qu’on rangerait du côté du citron plutôt que de celui de l’huile.
Innombrables sont les choses qui ne ressemblent pas à ce qu’elles sont (une feuille, par exemple, que rien ne révèle poumon, un avion qu’on dirait trop lourd pour imiter l’oiseau, un ordinateur que rien n’indique cerveau) et nombreuses celles qui ont un aspect trompeur (l’ours à l’air bonasse, le serpent corde sur le sol, le poisson dont les ouïes ne sont pas des oreilles, la lune disque haut suspendu, l’arbre fantôme, le mort homme endormi)
Ne pas brouiller les cartes mais tailler dans le vif, ne pas biaiser mais prendre l’équivoque par les cornes ou la trancher comme un nœud gordien, voilà ce qui est peut-être l’ABC de la poésie.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 121.
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01/07/2024
Michel Leiris,
Souveraine fuite
Éveil des mains secrètes
aux replis du courage rapide,
cabrée la trajectoire corporelle des urnes,
sens incurvé sur les abîmes.
L’évidence des retraites
agite le frein vagabond.
vaste seuil de couronnes frôlant le total nu.
Michel Leiris, Simulacre (1925), dans Mots sans mémoire,
Gallimard, 1969, p. 23.
7
Entre chien et loup,
quand le pauvre ne sait quelle mouche se pose
ou quelle encre le pique,
l’alphabet s’émancipe.
En route mauvais troupe !
Michel Leiris, Marrons sculptés pour Miró (1956), dans
Mots sans mémoire, Gallimard, 1969, p. 141.
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