09/09/2019
Jacques Dupin, Gravir
Grand vent
Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.
Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963, p. 23.
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18/08/2014
Jacques Dupin, Chansons troglodytes, Gravir
Francis Bacon, Portrait of Jacques Dupin, 1990
Ta nuque, plus bas que la pierre,
Ton corps plus nu
Que cette table de granit…
Sans le tonnerre d’un seul de tes cils,
Serais-tu devenue la même
Lisse et insaisissable ennemie
Dans la poussière de la route
Et la mémoire du glacier ?
Amours anfractueuses, revenez,
Déchirez le corps clairvoyant.
Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963, p. 94.
Romance aveugle
Je me suis perdu dans le bois
dans la voix d’une étrangère
scabreuse et cassée comme si
une aiguille perçant la langue
habitait le cri perdu
coupe claire des images
musique en dessous déchirée
dans un emmêlement de sources
et de ronces tronçonnées
comme si j’étais sans voix
c’en est fait de la rivière
c’en est fini du sous-bois
les images sont recluses
sur le point de se détruire
avant de regagner sans hâte
la sauvagerie de la gorge
et les précipices du ciel
le caméléon nuptial
se détache de la question
c’en est fini de la rivière
c’en est fait de la chanson
l’écriture se désagrège
éclipse des feuilles d’angle
le rapt et le creusement
dont s’allège sur la langue
la profanation circulaire
d’un bond de bête blessée
la romance aveugle crie loin
que saisir d’elle à fleur de cendre
et dans l’approche de la peau
et qui le pourrait au bord
de l’horreur indifférenciée
[…]
Jacques Dupin, Chansons troglodytes, Fata Morgana, 1989, p. 21-23.
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21/04/2012
Jacques Dupin, Gravir
La soif
J'appelle l'éboulement
(Dans sa clarté tu es nue)
Et la dislocation du livre
Parmi l'arrachement des pierres
Je dors pour que le sang qui manque à ton supplice,
Lutte avec les aromes, les genêts, le torrent
De ma montagne ennemie.
Je marche interminablement.
Je marche pour altérer quelque chose de pur,
Cet oiseau aveugle à mon poing
Ou ce trop clair visage entrevu
À distance d'un jet de pierres.
J'écris pour enfouir mon or,
Pour fermer tes yeux.
Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963, p. 55.
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04/09/2011
Jacques Dupin, Gravir, Chansons troglodytes
Francis Bacon, Portrait of Jacques Dupin, 1990
Ta nuque, plus bas que la pierre,
Ton corps plus nu
Que cette table de granit…
Sans le tonnerre d’un seul de tes cils,
Serais-tu devenue la même
Lisse et insaisissable ennemie
Dans la poussière de la route
Et la mémoire du glacier ?
Amours anfractueuses, revenez,
Déchirez le corps clairvoyant.
Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963, p. 94.
Romance aveugle
Je me suis perdu dans le bois
dans la voix d’une étrangère
scabreuse et cassée comme si
une aiguille perçant la langue
habitait le cri perdu
coupe claire des images
musique en dessous déchirée
dans un emmêlement de sources
et de ronces tronçonnées
comme si j’étais sans voix
c’en est fait de la rivière
c’en est fini du sous-bois
les images sont recluses
sur le point de se détruire
avant de regagner sans hâte
la sauvagerie de la gorge
et les précipices du ciel
le caméléon nuptial
se détache de la question
c’en est fini de la rivière
c’en est fait de la chanson
l’écriture se désagrège
éclipse des feuilles d’angle
le rapt et le creusement
dont s’allège sur la langue
la profanation circulaire
d’un bond de bête blessée
la romance aveugle crie loin
que saisir d’elle à fleur de cendre
et dans l’approche de la peau
et qui le pourrait au bord
de l’horreur indifférenciée
[…]
Jacques Dupin, Chansons troglodytes, Fata Morgana, 1989, p. 21-23.
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