12/03/2020
Durs Grünbein, Presque un chant
Les journaux
J’ai mangé des cendres au petit déjeuner, cette poussière
Noire qui tombe des journaux, des colonnes dont l’encre est encore fraîche,
Où un putsch ne fait pas de taches et où le typhon reste immobile, noir sur blanc,
Et j’avais l’impression qu’elles se pourléchaient les babines, les Parques bavardes,
Quand, à la page Sports, commença la guerre sur laquelle se fondent les cours de la Bourse.
J’ai mangé des cendres au petit déjeuner. Mon régime quotidien.
Et de Clio, comme toujours, pas un mot... Soudain, en les repliant,
Le bruissement des pages passa sur ma peau comme un frisson.
Durs Grünbein, Presque un chant, traduction Jean-Yves Masson et Fedora Wesseler, 2019, p. 78.
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06/12/2019
Durs Grünbein, Presque un chant
Mantegna, peut-être
Un jour, dans le demi-sommeil... entre recevoir et donner,
J’ai vu mes mains, leur peau rouge, jaunâtre,
Comme celles d’un autre, d’un cadavre à la morgue.
Au repas, elles tenaient couteau et fourchette, ces outils
De cannibale qui faisaient oublier la chasse
Et le vacarme de l’égorgement.
Vide comme l’assiette,
Une paume était devant moi, relief charnu
Du dernier singe à qui tout était devenu accessible
Dans un monde de primates. Mantegna, peut-être,
Aurait pu les peindre dans toute leur cruauté, sans les enjoliver,
Ces callosités crasseuses.
Qu’était l’avenir
Résultant des lignes de la main, bonheur ou malheur,
Comparé à la terreur des pores par lesquels perlait la sueur
Comme la légende de la compréhension silencieuse sur un front.
Durs Grünbein, Presque un chant, traduction de l’allemand Jean-Yves
Massson et Fedora Wesseler, Gallimard, 2019, p. 90.
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