01/11/2022
Jean Pérol, Libre livre
On pourrait croire, au moins un jour, les dieux noirs apaisés. Mais non, quand ça frappe ça frappe, et ça doit continuer. C’est le long sort des pas-de-chance. S’acharner, voyez-vous, ne sait jamais que continuer. Bouche pour crier, sang sur la route, et puis dos brisé : logique des mauvais sorts. Qui montre sa faille forge les clous pour le clouer. Les gentils l’oublient trop) vite. Trop de tendresse, de bonhomie, pas assez de carapace hérissée, de griffes cruelles au bout des pattes. Tu n’auras jamais droit au miel des victoires, aux jours de soleil, aux gens qui saluent. Et d’où tu viens tu reviendras sans fin. Jours et nuits les gardiens de cet ordre, dans la cité, savent barrer les routes. C’est leur emploi, c’est leur passion. Tu pourras toujours derrière les barrières aux parades, elles ne sont jamais pour toi. Décision obscure, d’un au-delà des étoiles. Tu devines dans leur scintillation planétaire, froide et diamantée, un doigt, sans savoir pourquoi, sans relâche pointé sur toi.
Pointé sur toi
Jean Pérol, Libre livre, Gallimard, 2012, p. 141.
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