Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/11/2022

jean Pérol, Libre livre

jean-perol-1338265-330-540.jpg

Entre ce clocher sur la ville et ma main sur la page, le soir des hommes se glisse. Pourpre et calme. A l’intérieur de ce vide où le silence se tisse, rendre l’âme s’apprend. Chaque soir un peu plus, lorsque s’épuise, avec le jour, le goût de vaincre et de poursuivre. C’est ainsi lentement que les épaules plient, que les mots sèchent, que les lèvres se serrent.

 

Alors, au fond de soi, faut-il l’entendre ou le nier ce quelque chose qui supplie ? Hein mes petits maudits, comme il est dur d’arriver à minuit ! Du matin au soir, aucun signe, une fois de plus, pas la plus petite sonnerie. Où tu es, où tu es, devine d’où je t’appelle ? Rien. Le soir et l’indifférence vont finir de s’épaissir avant que cet infini labyrinthe de cloisons qui, au fond d’un autre déjà insinuait sa peur.

 

Nul n’appelle, nul n’écoute, et dans l’air et les livres, les feuilles mortes des illusions, elles aussi se ramassent à la pelle. Encre invisible sur le papier blanc des songes, au fur et à mesure que l’écriture s’avance, ne serait-elle aussittôt derrière elle-même qu’en train de disparaître ? Clocher gris, dure vanités, silence où le soir encore tout à coup plonge, sous lequel à vif tout élan se ronge.

 

                                                              Tout élan se ronge

 

Jean Pérol, Libre livre, Gallimard, 2012, p. 128.

01/11/2022

Jean Pérol, Libre livre

jean péril,libre livre,rejet

On pourrait croire, au moins un jour, les dieux noirs apaisés. Mais non, quand ça frappe ça frappe, et ça doit continuer. C’est le long sort des pas-de-chance. S’acharner, voyez-vous, ne sait jamais que continuer. Bouche pour crier, sang sur la route, et puis dos brisé : logique des mauvais sorts. Qui montre sa faille forge les clous pour le clouer. Les gentils l’oublient trop) vite. Trop de tendresse, de bonhomie, pas assez de carapace hérissée, de griffes cruelles au bout des pattes. Tu n’auras jamais droit au miel des victoires, aux jours de soleil, aux gens qui saluent. Et d’où tu viens tu reviendras sans fin. Jours et nuits les gardiens de cet ordre, dans la cité, savent barrer les routes. C’est leur emploi, c’est leur passion. Tu pourras toujours derrière les barrières aux parades, elles ne sont jamais pour toi. Décision obscure, d’un au-delà des étoiles. Tu devines dans leur scintillation planétaire, froide et diamantée, un doigt, sans savoir pourquoi, sans relâche pointé sur toi.

                                                                               Pointé sur toi

 

Jean Pérol, Libre livre, Gallimard, 2012, p. 141.