24/10/2019
Alfonso Gatto, Pauvreté comme le soir
Te sourire
Te sourire c’est peut-être mourir,
tendre la parole
à cette terre légère
au coquillage qui bruit
au ciel du soir,
à toute chose qui est seule
et s’aime de son propre cœur.
Alfonso Gatto, Pauvreté comme le soir,
traduction Bernard Simeone, Orphée/
La Différence, 1989, p. 41.
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12/12/2017
Jean Genet, L'Atelier d'Alberto Giacometti
Il sourit. Et toute la peau plissée de son visage se met à rire. D’une drôle de façon. Les yeux rient, bien sûr, mais le front aussi (toute sa personne a la couleur grise de son atelier). Par sympathie peut-être il a pris la couleur de la poussière. Ses dents rient — écartées et grises aussi — le vent passe à travers.
Il regarde une de ses statues :
lui : C’est plutôt biscornu, non ?
Ce mot il le dit souvent. Lui aussi est assez biscornu. Il gratte sa tête grise, ébouriffée. C’est Annette qui a taillé ses cheveux. Il remonte son pantalon gris qui tombait sur ses souliers. Il riait il y a six secondes, mais il vient de toucher à une statue ébauchée : pendant une demi-minute il sera tout entier dans le passage de ses doigts à sa masse de terre. Je ne l’intéresse pas du tout.
Jean Genet, L’Atelier d’Alberto Giacometti, dans Œuvres complètes, v, Gallimard, 1979, p. 45.
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21/10/2012
Aragon, Les Adieux et autres poèmes
Échardes
I
Cesse donc de gémir. Rien de plus ridicule
Q'un homme qui gémit
Si ce n'est un homme qui pleure
II
Je me promène
Avec un couteau d'ombre en moi
Je me promène avec
Un chat dans ma mémoire
Je me promène
Avec un pot de fleurs fanées
Je me promène
Avec un vêtement irréparable
Je me promène
Avec un grand trou dans mon cœur
III
Crois moi
Rien ne fait si mal qu'on pense
IV
Plus le poème est court
Plus il entre dans la chair
V
Il faut chasser de la cité ce poète
Il n'y a pas dans la cité de place
Pour l'exemple de la douleur
VI
Nous avons tout fait pour ceux qui étouffent
Tout fait pour ceux qui demandent de l'air
Construit sur la nuit des fenêtres
Ouvert partout des dispensaires
Épargnez-nous ce bruit de plaintes
VII
Il n'y a jamais rien de si beau qu'un sourire
Et même avec un visage défiguré
N'as-tu pas souci d'être beau
Aragon, Les Adieux et autres poèmes, dans Œuvres poétiques complètes, II, édition publiée sous la direction d'Olivier Barbarant, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2007, p. 1129-1130.
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