07/10/2019
Jacques Roubaud, Octogone
Registre d’un monde donné
Hommage à Robert Marteau
I
Vent doux pour certifier l’énigme du monde
Imprégné de lavis mouvants, et la corneille
Immobile, noire, commente du tilleul
L’épiphanie. Compacte. Un merle s’escamote.
Écrire dans son calepin les poids, les angles,
Frissons de nénuphars dans la saulaie ; mésange,
Oracle glorifié dans le renouveau
De la création. S’instruire en langue chantée,
Mémoire gardée du jardin, 3 canards beaux
Comme l’Égypte. La plus simple fleur est un
Temple. Cerises, cyprès, combes. Des vaisseaux
Ouvrent les eaux séparées. Des lambeaux s’éteignent,
Tremblent, de ce soleil qui n’est qu’une clairière
Et fait aujourd’hui la France intensément verte.
Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 61.
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25/03/2018
Robert Marteau, Mont-Royal
Un jeune étourneau trille à la tête d’un chêne, de ses rémiges battant l’air et l’ennuageant de suis, puis, les ailles fixes et tendues pour former avec le fuselage un triangle, il pointe son fin bec et lance une crépitement de brèves, de longues et d’aiguës vers celle qui va venir et dont l’absence comme la proche venue visiblement l’enivrent.
L’ombre de l’été déjà sur les derniers pans de neige isolés autour du marais et maintenus par l’abri des sapins. Dans la vasque encombrée de chevelure et de mirages, les grenouilles concertent, chanteuses sorties des cryptes noires, chœur tout occupé de son gloussement comme poussée annonciatrice des pontes, des flottages de gélatine en dérive sous le vent et sur les eaux laquées.
Le monde n’a pas attendu d’être nommé pour vivre / la roulette du carouge et cri du corbeau sont plus perpétuels que l'anapeste, le psaume, le verset. l
Robert Marteau, Mont-Royal, Gallimard, 1981, p. 50.
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28/01/2018
Robert Marteau, La fleur noire et blanche
La fleur noire et blanche
Écoute le coq
Parmi les étoiles
C’est lui qui a vu
La fleur noire et blanche
Qu’Ulysse a cueillie
Là où la prairie
Et le ciel se joignent
Dénouant la nuit
S’ouvrant au soleil
*
Coq tôt levé tu
Chantes clames cries
Sonne la venue d’un autre aujourd’hui
Tu as vu Vénus
S’évanouir au
Sommet du bouleau
La nuit de ses voiles
S’évaporer tu
Triomphes têtu
Ayant de la terre
Extrait le soleil
[…]
Robert Marteau, La fleur noir et blanche,
dans ce qui reste, n° , janvier 2018.
On peut lire le poème entier, accompagné
des peintures de Benoît de Roux , dans la revue
numérique ce qui reste
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Robert Marteau, La fleur noire et blanche
La fleur noire et blanche
Écoute le coq
Parmi les étoiles
C’est lui qui a vu
La fleur noire et blanche
Qu’Ulysse a cueillie
Là où la prairie
Et le ciel se joignent
Dénouant la nuit
S’ouvrant au soleil
*
Coq tôt levé tu
Chantes clames cries
Sonne la venue d’un autre aujourd’hui
Tu as vu Vénus
S’évanouir au
Sommet du bouleau
La nuit de ses voiles
S’évaporer tu
Triomphes têtu
Ayant de la terre
Extrait le soleil
[…]
Robert Marteau, La fleur noir et blanche,
dans ce qui reste, n° , janvier 2018.
On peut lire le poème entier, accompagné
des peintures de Benoît de Roux , dans la revue
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24/01/2017
Robert Marteau, Fleuve sans fin, Journal du Saint-Laurent
Lundi 13 septembre [1982]
On conçoit que des esprits simplistes aient mis leur confiance et leur espoir dans les machines. Il me suffit de regarder la navigation devant moi pour comprendre ce qui peut passer par la tête de bien des gens à propos des progrès de la mécanique conjoint à celui de l’humanité. Surprenants, le vélo, l’automobile, l’avion, l’ordinateur, le satellite, mais nullement admirables. Or le monde fut fait pour l’admiration, c’est-à-dire pour que l’âme pût connaître un miroir où se contempler et reconnaître les signes de sa voie.
Robert Marteau, Fleuve sans fin, Journal du Saint-Laurent, Gallimard, 1986, p. 84-85.
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